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monde a decidé pour l'Ariofte, feduit par la poefie de fon ftile. Elle l'emporte veritablement fur la poefie de la Jerufalem delivrée, dont les figures ne font pas fouvent convenables à l'endroit où le pocte les met en œuvre. Il y a fouvent encore plus de brillant & d'éclat dans ces figures, que de verité. Je veux dire qu'elles furprennent & qu'elles éblouiffent l'imagination, mais qu'elles n'y peignent pas diftinctement des images propres à nous intereffer. Voilà ce que M. Defpreaux a défini Le Clinquant du Taffe, & les Etrangers, à l'exception de quelques compatriotes du dernier, ont foufcrit à ce jugement. Quant au Poëte dont toutes ces merveilles font tirées, dit M. Addifon, en parlant d'un Opera Italien dont le fujet avoit été pris dans le Taffe, je fuis de l'avis de M. Defpreaux, qu'un vers de Virgile vaut mieux que tout le Clinquant du Taffe. (a) Il eft vrai néanmoins pour continuer la figure,qu'on trouve quelquefois de l'or le plus pur, à côté de ce clinquant. On voudroit inutilement faire chan

ger de fentiment aux Italiens, & l'on fe donte bien de ce qu'ils répondroient à l'étranger qui s'aviferoit de les répri(a) Spectateur du 6. Mars 1711.

mander fur la dépravation de leur goût. Ils feroient ce que firent nos peres, quand on voulut diminuer leur amour pour le Cid. Les raifonnemens des autres peuvent bien nous perfuader le contraire de ce que nous croïons, mais non pas le contraire de ce que nous fentons. Or nous fentons bien quel eft celui de deux poemes qui nous fait le plus grand plaifir. C'eft de quoi je dois ler plus au long à la fin de la feconde partie de cet ouvrage.

par

L'expreffion me paroît dans un tas bleau ce que la Poelie du ftile eft dans un poeme. Je comparerois volontiers le coloris avec cette partie de l'Art poeti que qui confifte à choifit & arranger les mots, de maniere qu'il en réfulte des vers qui foient harmonieux dans la prononciation. Cette partie de l'Art poetique peut s'appeller la mécanique de la Poefie.

XXXV.

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SECTION

De la Mécanique de la Poësie qui ne regarde les mots que comme de fimples fons. Avantages des Poetes qui ont compofé en Latin fur ceux qui compofent en François.

Omme la Poefie du ftile confifte dans le choix & dans l'arrangement des mots, confiderez en tant que les fignes des idées: la mécanique de la Poefie confifte dans le choix & dans l'arrangement des mots, confiderez en tant que de fimples fons aufquels il n'y auroit point une fignification attachée. Ainfi comme la Poefie du ftile regarde les mots du côté de leur fignification qui les rend plus ou moins propres à reveiller en nous certaines idées, la mécanique de la Poefie les regarde uniquement comme des fons plus ou moins harmonieux, & qui étant combinez diverfement compofent des phrafes dures ou melodieufes dans la prononciation. Le but que fe propofe la Poefie du ftile, eft de faire des images & de plaire à l'i

magination. Le but que la mécanique de la Poefie fe propofe, eft de faire des vers harmonieux & de plaire à l'oreille. Leurs interêts feront fouvent oppofez, me dira-t-on. J'en tomberai d'accord, & qu'il faut encore être né poete pour les concilier.

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Ce que je pourrois avoir à dire de nouveau fur la mécanique des vers François fe trouvera dans le paralelle que je vais faire de la langue Latine avec la nôtre, pour montrer l'avantage que les poetes Latins ont eu fur les poetes. François en cette partie de l'Art poetique. Il est bon de prouver en forme une fois que ceux qui foutiennent que la Poefie Françoife ne fçauroit égaler la Poelie Latine ni dans la Poefie du ftile ni dans la cadence & l'harmonie des vers, n'ont point de tort. Ainfi, après avoir fait voir que le Latin eft plus propre à faire des images que le François, à caufe de fa brieveté & de l'inverfion, je montrerai encore par plu fieurs raifons que celui qui compofe des vers en langue Latine a des facilitez. pour faire des vers nombreux & harmonieux, que n'a point celui qui con pofe des vers en langue Françoife. Le Latin eft plus court que le Fran

çois, géometriquement parlant. Si certains mots Latins font plus longs que les mots François qui leur font fynonimes, il eft auffi des mots François. qui font plus longs que les mots qui leur font relatifs en Latin: en compen fant les uns par les autres le François n'a rien à reprocher au Latin à cet égard. Mais les Latins déclinent leurs mots de

maniere que la définance ou la terminaison feule du nom marque le cas où il eft emploïé.. Quand on trouve dans une phrafe latine le mot Dominus, on connoît par fa définance s'il eft au genitif, au datif ou à l'accufatif. Le Latin dit Domini au genitif, Dominum à l'accufatif. On connoît encore par la définance s'il eft au pluriel ou bien au fingulier. Si quelques cas ont la même terminaison, le regime du verbe empêche qu'on ne s'y méprenne.. Ainfi les Latins déclinent leurs noms fans le fecours des articles le, du, &c. que nous fommes obligez d'emploïer en déclinant les noms François, parce que nous n'en changeons pas la definance fuivant le cas.. Il nous faut dire le Maître, du Maître, At Maître.

Le Latin conjugue encore les verEcs. comme il décline fes noms. La de

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