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finance marque le tems, la perfonne le nombre & le mode. Si quelques definances font femblables, le fens de la phrafe leve l'ambiguité. A douze ans on ne s'y trompe pas, & à quatorze on n'y hefite plus. On ne conjugue en' François la plupart des tems des verbes qu'avec le fecours de deux autres verbes, que pour cela même nous appellons des verbes auxiliaires, fçavoir le verbe poffeffif Avoir, & le verbe fubftantif Etre. Si les Latins étoient obligez de s'aider d'un verbe auxiliaire pour conjuguer quelques tems du paffif, nous fommes prefque toujours obligez: d'y en mettre deux. Pour rendre Amatus fui, il faut que nous difions, fai été aime. Il eft encore neceffaire pour conjuguer les verbes François que nous nous aidions de l'article, je, tu, il, & du pluriel de cet article, & nous ne pouvons pas encore fupprimer la prépofition comme les Latins le faifoient préfque toujours. Le Latin dit bien, illum enfe occidit; mais pour dire tout ce qu'il dit en trois mots, il faut que le: François dife, il le tua avec une épée. Ainfi il eft auffi clair que le François eft plus long effentiellement que le La tin, qu'il eft clair qu'un cercle eft plus

grand qu'un autre, lorfqu'il faut une plus grande ouverture de compas pour

le mefurer.

Si l'on allegue qu'il fe trouve des traductions Latines plus longues que les originaux François, je répondrai que cette excedence de la traduction arrive ou par la nature du fujet qui eft traité dans l'original, ou par la faute du traducteur, mais qu'on n'en fçauroit rien conclure contre la brieveté du Latin.

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En premier lieu un traducteur en Latin qui fçait mal cette langue ne rencontrant point affez-tôt le mot propre pour fignifier le mot François qu'il veut rendre, au lieu de le chercher dans un Dictionnaire prend le parti d'en exprimer le fens par une periphrafe. C'eft ainque les thémes des écoliers font fouvent plus longs que les difcours François que le Regent leur a dicté. En fccond lieu il arrive que le traducteur Latin d'un hiftorien François qui pour faire le détail d'un fiege, d'un combat naval ou d'une féance du Parlement a eu fous fa main tous les termes propres qui font neceffaires à fa narration, ne peut trouver des mots reciproques dans la langue Latine. Comme les Romains ne connoiffoient pas les chofes dont le

traducteur doit parler, les Romains n'avoient point de termes propres pour les fignifier. Ils n'avoient point de mots propres pour dire un mortier, & l'angle faillant d'une contrefcarpe, parce qu'ils n'avoient pas ces chofes là. Le traducteur eft donc réduit à fe fervir de periphrafe, & à ne pouvoir rendre qu'en plufieurs mots ce que l'écrivain François a pu dire par un feul mot. Mais cette prolixité n'eft qu'une prolixité d'accident, comme feroit la prolixité d'un François qui traduiroit le recit d'un repas donné par Lucullus, ou la defcription d'un combat de gladiateurs, & qui par confequent feroit obligé de parfer de beaucoup de chofes qui n'ont pas de nom en notre langue. Ainfi le Latin eft toujours plus court que le François dès qu'on écrit fur des fujets pour lef quels les deux langues font également avantagées de termes propres. Or rien ne fert plus à rendre une phrafe énergique, que fa brieveté. Il en eft des mots comme du metal qu'on emploïe pour monter un diamant. Moins on y en met plus la pierre fait un bel effet. Une image terminée en fix mots frappe plus vivement & fait plûtôt fon effer que celle qui n'est achevée qu'au bout de dix mots.

Tous nos meilleurs Poëres m'ont fort affiré que cette verité ne feroit jamais conteftée par aucun écrivain fenfé.

Non feulement le Latin eft plus avantageux que le François par rapport à la Poëfie du ftile; mais il eft encore infiniment plus propre que le François pour réuffir dans la mécanique de la Poëfie, & cela par quatre raifons. Les mots Latins font plus beaux que les mots François à plufieurs égards. Il eft plus aifé de compofer harmonieufement en Latin qu'en François. Les regles de la Poëfie Latine gênent moins le poëte que les regles de la Poëfie Françoife. Enfin l'obfervation des regles de la Poefie Latine jette plus de beautez dans des vers, que n'y en jette l'obfervation des regles de la Poefie Françoife. Expofons fommairement ces quatre veritez.

En premier lieu les mots Latins font plus beaux que les mots François à deux égards. Les mots peuvent être regardez, ou comme les fignes de nos idées, ou comme de fimples fons. Les mots comme fignes de nos idées font fufceptibles de deux beautez differentes. La premiere eft de reveiller en nous une belle idée. A cet égard les mors de toutes les langues font égaux. A cet égard

le mot perturbator qui fonne fi bien à. F'oreille n'eft pas plus beau en Latin que celui de brouillon en François. Ils reveillent la même idée. La feconde beauté dont les mots font fufceptibles comme fignes de nos idées, c'eft un rapport particulier avec l'idée qu'ils fignifient. C'eft d'imiter en quelque façon le bruit inarticulé que que nous ferions pour la fignifier. Je m'explique.

Les hommes fe donnent à entendre les uns aux autres par des fons artificiels & par des fons naturels. Les fons. artificiels font les mots articulez dont les hommes qui parlent une même langue font convenus de fe fervir pour exprimer certaines chofes. Voilà pourquoi un mot n'a de fignification que parmi un certain nombre d'hommes. Un mot François n'a de fignification que pour ceux qui entendent cette langue. Il ne reveille aucune idée quand on ne la fçait pas. Lorfque les hommes ont formé ces fons artificiels, toutes les fois qu'ils » ont fait une nouvelle langue, ils ont dû, fuivant l'inftinct de la nature, faire ce que font encore aujourdhui les hommes. qui ne fçauroient trouver le mot dont ils ont befoin pour exprimer quelque chofe. Ils fe donnent à entendre en con

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