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mes ont des compagnons; mais les Magiftrats feuls ont des Collégues. Car, comme le dit Quintilien: (a) Nam ut fyllaba è litteris melius fonantibus clariores funt, ita verba è fyllabis magis vocalia, & quò plus quæque fpiritus habet,eò auditu pulchrior. Il y a plus de ces fyllabes fonores dans compagnon que dans Collegue, & l'un de nos meilleurs Poëtes (b) & en même temps,c'eft ce qui fait ici, l'un de nos meilleurs conftructeurs de vers, a mieux aimé fe fervir du mot de compagnon que de celui de Collegue en une phrafe où Collegue étoit le mot propre, Il s'eft prévalu de la maxime de Ciceron, qui permet de facrifier quelquefois la regle & même une partie du fens aux charmes de l'harmonie. Impetratum est, dit-il, en parlant de quelques mots Latins, à confuetudine, ut fuavitatis caufa peccare liceret.

Or, generalement parlant, les mots Latins fonnent mieux dans la prononciation que les mots François. Les fyl labes finales des mots qui fe font mieux fentir que les autres à caufe du repos dont elles font ordinairement fuivies, font generalement parlant plus fono res & plus variées en Latin qu'en Fran(a) Inft. lib. 8. cap. 5. (b) M. Ronffeaw."`

çois. Un trop grand nombre de mots François eft terminé par cet e que nous appellons feminin. Les mots François font donc, generalement parlant, moins beaux que les mots Latins, foit qu'on les examine comme figne des idées, foit qu'on les regarde comme de fimples fons. C'eft ma premiere raifon pour foutenir que la langue Latine eft plus avantageufe à la Poëfie que la langue Françoife.

Ma feconde raifon eft tirée de la fyntaxe de ces deux langues. La conftruction Latine permet de renverser l'ordre naturel des mots & de les tranfpofer jufques à ce qu'on ait rencontré un arrangement dans lequel ils fe prononcent fans peine, & rendent même une melodie agréable. Mais fuivant notre conftruction le cas d'un nom ne sçauroit être marqué diftinctement dans une phrafe, qu'à l'aide de la fuite naturelle de la conftruction, & par le rang que le mot y tient. Par exemple, on dit pere à l'accusatif ainsi qu'au nominatif. Si je mets le pere avant le verbe quand il est à l'accufatif, ma phrase devient un galimatias. Nous fommes donc aftreints fous peine d'être inintelligibles, à mettre le mot qui doit être reconnu

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pour le nominatif du verbe,le premier, enfuite le verbe & puis le nom qui eft à l'accufatif. Ainfi ce font les regles de la conftruction & non pas les principes de l'harmonie qui décident de l'arrangement des mots dans une phrafe Françoife. Les inverfions peuvent bien avoir lieu dans notre langue en certains cas; mais c'eft avec deux reftrictions, aufquelles les Latins n'étoient point affujettis. Premierement la langue Françoife ne permet que l'inverfion des membres d'une phrafe & non l'inverfion des mots qui compofent ces membres. Il faut toujours que l'ordre du regime foit gardé entre ces mots, ce qui n'étoit point neceffaire en Latin où chaque mot pouvoit être tranfpofé. Secondement nous éxigeons de nos Poëtes qu'ils usent encore avec fobrieté des inverlions qui leur font permifes. L'inverfion & les tranfpofitions qui font des licences en François étoient dans la langue Latine l'arrangement ordinaire des mots.

Cependant les phrafes Françoifes auroient encore plus de befoin de l'inverfion pour devenir harmonieufes que les phrafes Latines n'en avoient befoin. Une moitié des mots de notre langue eft terminée par des voyelles, & de ces

voyelles l'e muet eft la feule qui s'élide, qu'on me permette ce mot, contre la voyelle qui peut commencer le mot fuivant. On prononce donc bien fans peine fille aimable; mais les autres voyelles qui ne s'élident pas contre la voyelle qui commence le mot fuivant, amenent des rencontres de fons defagréables dans la prononciation. Ces rencontres rompent fa continuité & déconcertent fon harmonie. Les expreffions fuivantes font ce mauvais effet. L'amitié abandonnée, la fierté opulente, lennemi idolâtre. Nous fentons fi bien la collifion du fon de ces voyelles qui s'entrechoquent eft defagréable dans la prononciation, que les regles de notre Poëfie défendent aujourd'hui la combinaifon de pareils mots.

que

Elles défendent la liaifon des mots qui commencent & qui finiffent par ces voyelles dont la prononciation ne fe peut faire fans un hiatus. Cette difficulté ne fe prefente pas en Latin. En cette langue toutes les voyelles font élifion l'une contre l'autre, lorfqu'un mot ter miné par une voyelle rencontre un mot qui commence par une voyelle. D'ailleurs un Latin éviteroit facilement cette collifion defagréable à l'aide de fon in,

verfion,

verfion, au lieu qu'il eft rare que le François puiffe fortir de la difficulté par cet expedient. Il trouve rarement d'autre reffource que celle d'ôter le mot qui corrompt l'harmonie de fa phrafe. Il eft fouvent obligé de facrifier l'harmonie à l'énergie du fens, ou l'énergie du fens à l'harmonie. Rien n'eft plus difficile que de conferver au fens & à l'harmonie leurs droits lorfqu'on écrit en François, tant on trouve d'oppofition entre leurs interefts en compofant dans cette langue.

L'inverfion Latine fert encore à faire trouver fans peine la varieté des fons, & le melange de ces fons le plus agréable à l'oreille. Il ne fçauroit y avoir une veritable harmonie dans une phrase fans la varieté des fons. Les plus beaux fons déplaifent quand ils fe fuccedent immediatementtrop de fois. Qu'on les interompe par d'autres fons, ils paroîtront faire l'ornement de la phrase. Il arrive encore à quelques fons de bleffer l'oreille lorfqu'ils viennent la frapper immediatement après de certains fons, qui feroient plaifir à l'oreille s'ils fe prefentoient après d'autres fons. Cela vient de ce que les plis que les organes qui fervent à la prononciation font obligez de Tome I.

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