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prendre pour articuler certaines fyllabes, ne permettent pas à ces organes de fe replier aifement ainfi qu'il faudroit qu'ils le pliaffent pour articuler fans peine les fyllabes fuivantes. L'on a remarqué depuis long-tems que toute prononciation pénible pour la bouche de celui qui parle,devient pénible pour l'oreillede celui qui l'écoute. Voilà pourquoi nous fommes choquez machinalement par la prononciation d'un homme qui profere avec peine certains mots d'une langue étrangere, & qui eft obligé à forcer fou vent fes organes pour en arracher des fons qu'ils ne font point en habitude de former. Notre premier mouvement que la politeffe même a peine à reprimer en beaucoup de pays, eft de rire de lui & de le contrefaire.

Il eft clair par les raisons que nous avons expolées, qu'il eft bien plus facile aux écrivains Latins de faire des alliances agréables entre les fons, de placer tous les mots d'une phrafe auprès d'autres mots qui fe plaifent dans leur voifinage: En un mot de parvenir à ce que Quintilien appelle Inoffenfam verborum copulam, qu'il n'eft poffible aux Ecrivains François de le faire. Cette phrafe Françoife le pere aime fon fils,

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ne fçauroit être écrite que dans l'ordre où je viens de l'écrire il faut : fuivre cet arrangement de mots. Mais les mots qui la compofent lorfqu'elle eft mife en Latin, peuvent être arrangez de quatre manieres differentes.

En troifiéme lieu les regles de la Poëfie Latine font plus faciles à pratiquer que les regles de la Poëfie Françoife. Les regles de la Poëfie Latine. prefcrivent un certain Métre; elles prefcrivent une figure particuliere à chaque efpece de vers. Cette figure eft compofée d'un nombre de pieds déterminé La valeur de chaque pied eft auffi reglée. Il eft dit de combien de fyllabes il fera compofé, & la longueur ou la brieveté de ces fyllabes eft auffi defignée. Quand la regle laiffe le choix d'une alternative; c'est-à-dire, la liberté d'emploïer un pied à la place d'un autre dans la figure; elle preferit en même tems ce qu'il faut faire fuivant le choix auquel on fe determine.

En effet ces regles ne font autre chofe que les obfervations & la pratique des meilleurs Poëtes Latins reduites en art. Les hommes ont commencé de faire des vers avant qu'il y eut des regles pour en bien faire. Ils ont travail

lez d'abord fans confulter d'autres regles que l'oreille. Leurs réflexions fur les vers dont le nombre & l'harmonie plaifoient, & fur ceux dont la cadence étoit défagréable, ont produit les loix de la verfification. Sicut Poëma nemo dubitaverit imperito quodam initio fufum & aurium menfura & fimiliter decurrentium fpatiorum obfervatione eße generatum, mox in eo repertos pedes... Ante enim carmen ortum eft quàm obfervatio carminis. (a) La Poësie comme les autres Arts n'eft donc qu'un assemblage méthodique de principes arrêtez d'un confentement general, en conféquence des obfervations faites fur les effets de la nature. Neque enim ipfe verfus ratione eft cognitus, fed natura atque fenfu quem dimenfa ratio docuit quid acciderit. Ita notatio natura & animadverfio peperit artem. (b) Tous les peuples ont bien tendu au même but dans leur Poëfie; mais tous n'y ont pas tendus par des routes auffi bonnes.

Il eft vrai que les regles de la Poëfie Latine font en bien plus grand nombre que les regles de la Poëfie Françoife, à caufe qu'elles entrent plus dans le détail de la verfification que les re. gles de la Poefie Françoife; mais com.

(a) Qui iil. Iuft, lib. 9. (b) Cicero in eraters,

me ces regles fe deffignent, pour ainfi dire, comme on en fait la figure, en le fervant des caracteres differents qui marquent la quantité des fyllabes, elles font aifées a comprendre & faciles à retenir.

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Un peu de figure fait tout comprendre, dit le Proverbe Italien. Ne voïonsnous pas en effet que les enfans (çavent par cœur, & qu'ils mettent même en pratique les regles de la Poëfie Latine dès l'âge de quinze ans, bien que le Latin foit pour eux une langue étrangere qu'ils n'ont apprife que par méthode? Lorfque la langue Latine étoit une langue vivante ceux qui vouloient faire des vers en cette langue connoiffoient déja par l'ufage la quantité; c'est-à-dire, la longueur ou la brieveté des fyllabes. Aujourd'hui même il ne faut pas mettre fur le compte de la Poëfie Latine la peine d'ap prendre cette quantité. Il faut la fçavoir pour être capable de bien parler Latin, comme il faut fçavoir la quan tité de fyll bes de fa langue naturelle pour la bien parler.

Dès qu'on fçavoit une fois les regles de la Poëfie Latine, rien n'étoit plus facile que d'arranger les mots fuivant un certain métre dans cette Langue où

l'on tranfpofe les mots à fon gré.

La conftruction de nos vers François eft affujettie à quatre regles. Nos vers doivent être compofez d'un certain nombre de fyllables fuivant l'efpece du vers. Secondement nos vers de quatre, de cinq & de fix pieds doivent avoir un repos ou une céfure. Troifiémement il faut éviter le concours des fyllabes qui ne fouffrent pas l'élifion. Enfin il faut rimer. Mais la rime feule devient par l'afferviffement des phrafes Françoises à l'ordre naturel des mots, une chaîne auffi gênante pour un Poete fenfé, que toutes les regles de la Poefie Latine. En effet, nous n'appercevons gueres dans les Poetes Latins les plus médiocres, des épithetes oifeufes & mifes en œuvre uniquement pour finir le vers, mais combien en voyons-nous dans nos meilleures Pocfies que la feule neceffité de rimer y a introduites? Après cela que mon Lecteur trouve bon que je le renyoïe fur la difficulté de rimer à l'Epitre que Defpreaux adreffa au Roi Louis XIV. fur la paffage du Rhin, (a) comme à l'Epitre que le même Poete a écrite à Moliere. On y verra mieux que (*) En 1672.

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