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valeur des fons, la combinaison des fyllabes; l'arragement des mots propres à produire de certains effets, ni le rithme qui peut refulter de la compofition des phrafes. Ceux de nos Ecrivains qui voudroient tenter de faire quelque chose d'approchant de ce que faifoient les Latins, ne feroient point aidez par aucune recherche méthodique déja faite fur cette matiere. Leur unique reffource feroit de confulter l'oreille; mais la meilleure oreille ne fuffit pas toûjours, principalement lorfque pour parler ainfi, on ne l'a point cultivée. Pour réüffir certainement dans ces tentatives, il faudroit avoir des regles établies qu'on pût confulter dans la chaleur de la compofition, ou du moins il faudroit avoir fait d'avance plufieurs reflexions en conféquence defquelles on eut établi quelques maximes. Les anciens avoient cultivé avec foin leur terrain. Ils étoient encouragez par fa fertilité. Ceux qui feront eurieux de voir dans quels détails les anciens étoient entrez fur cette matiere, & jufques à quel point ils avoient porté leurs vûës, peuvent lire le quatriéme chapitre du neuviéme livre de Quintilien, l'Orateur de Ciceron & ce que Longin a écrit du choix des mots, du

rithme & du métre dans fon traité du fublime & dans fes prolégomenes fur Enchiridion d'Epheftion.

Ma quatriéme raifon pour prouver que la mécanique de la Poëfie s'aide mieux de la langue Latine que de la langue Françoife, c'eft que les beautez qui réfultent de la fimple obfervation des regles de la Poëfie Latine, font plus grandes que les beautez qui réfultent de l'obfervation des regles de la Poëfie Françoife.

L'obfervation des regles de la Poëfie Latine introduit neceffairement le rithme dans les vers compofez fuivant les regles de cette Poëfie. La fuite des fyllabes longues & bréves, entremêFées diverfement fuivant la proportion prefcrite par l'Art, amene toûjours dans les vers Latins une cadence telle que Fefpece dont font les vers la demande. Les regles de la Poëfie Latine ne font autre chofe que les obfervations & la pratique des meilleurs Poëtes Latins fur l'arrangement des fyllabes neceffaires pour produire le rithme, réduites en préceptes & puis en methode. Ces regles, il eft vrai, ne prefcrivent pas quel doit être le fon de chaque fyllabe. Elles fe contentent de déterminer le nom

bre arithmetique des fyllabes qui doivent entrer dans chaque efpece de vers & de marquer quelles de ces fyllabes doivent être longues, quelles doivent être bréves & où l'on peut choisir de mettre des longues ou des bréves. Elles difent bien par exemple que les deux dernieres fyllabes d'un vers hexametre doivent être longues; mais elles ne difent pas quel doit être le fon de ces deux dernieres fyllabes. Ainfi les regles de la Poëfie Latine n'introduifent pas dans les vers Latins l'harmonie, qui n'eft autre chofe qu'un mélange agréable de differents fons. C'étoit à F'oreille du Poëte à chercher quel étoit le mélange de ces fons le plus propre à produire une harmonie agréable & convenable au fens des vers. Voilà pourquoi les vers de Properce qui n'avoit pas l'oreille auffi délicate que Tibulle pour bien juger du mélange des fons, font moins harmonieux que ceux de Tibulle dans la prononciation defquels on trouve une fuavité finguliere. Quant à la difference qui eft entre la cadence des vers élégiaques de ces Auteurs; elle vient de l'affectation de Properce, à imiter la cadence des vers pentametres grecs,& il ne faut pas la confondre avec

La difference qui eft entre l'harmonie de ces deux Poëtes. Mais à la chute près, leurs vers ont, pour parler ainfi, la même démarche, quoique ceux de Properce ne cheminent pas d'auffi bonne grace que ceux de Tibulle. Or c'eft dire beaucoup à la loüange des regles: de la Poëfie Latine, que de foutenir qu'elles font la moitié & plus de l'ouvrage, & que l'oreille du Poëte n'y eft chargée que d'un foin; c'eft à fçavoir du foin de rendre les vers mélodieux par un heureux mélange du fon des fyllabes dont ils font compofez. Je vais montrer que l'obfervation des regles de la Poëfie Françoife ne produit ni l'un ni l'autre effet. L'obfervation de ces regles ne rend pas les vers ni nombreux ni mélodieux.Des versFrançois très-conformes à ces regles peuvent être fans rithme & fans harmonie dans la pronon

ciation..

Les regles de la Poëfie Françoife ne décident que du nombre arithmetique des. fyllabes qui doivent entrer dans les vers. Elles ne ftatuent rien fur la quanti té; c'eft-à-dire en Poëtie für la longueur & fur la brieveté de ces fyllabes. Mais comme les fyllabes des mots François ne laiffent pas d'être quelque fois lon

gues & bréves dans la prononciation, il réfulte plufieurs inconveniens du filence que nos regles gardent fur leur combinaifon. Il arrive en premier lieu que des vers François aufquels les regles n'auront rien à reprocher, ne laifferont pas de contenir des fuites trop longues de fyllabes bréves ou de fyllabes longues. Or fi ces fuites durent trop long-temps, elles empêchent qu'on ne fente aucun rithme dans la prononciation des vers.

Le rithme ou la cadence d'un vers confifte dans une alternative de fyllabes longues & de fyllabes bréves variées fuivant une certaine proportion. Un trop grand nombre de fillabes longues emploïées de fuite, retarde trop la progreffion du vers dans la prononciation. Un trop grand nombre de fyllabes bréves emploïées de fuite la precipitent défagréablement.

En fecond lieu il arrive fouvent que lors qu'on veut examiner deux vers Alexandrins François liez enfemble par une rime commune par rapport au temps que dure la prononciation de chaque vers, il fe trouve une difference énorme entre la longueur de ces vers, bien que l'un & l'autre foient compofez fuivant les regles. Que dix fyllabes des douze fyllabes qui compofent un

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