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vers mafculin foient longues, & que dix fyllabes du vers fuivant foient bréves, ces vers qui paroîtront égaux fur le papier feront dans la prononciation d'une inegalité choquante. Ainfi ces vers reciproques & liez enfemble par une rime commune perdront toute la cadence qui pourroit naître de l'égalité de leur mefure. Or ce ne font pas lesyeux, c'est l'oreille qui juge de la cadence des verg.

Cet inconvenient, comme je l'ai déja dit, n'arrive point à ceux qui compofent des vers Latins, les regles le préviennent. Le nombre arithmétique des fyllabes qui doivent entrer dans la compofition de chaque efpece de vers Latins, eft déterminé avec égard à la longueur ou à la brieveté de ces fyllabes. Ces regles qui ont été faites en gardant la proportion convenable à chaque ef pece de vers entre le nombre arithmétique & la quantité des fyllabes, décident en premier lieu que dans tels & tels pieds du vers, il faut mettre des fyllabes d'une quantité preferite. En fecond lieu, lorfque ces regles laiffent au Poëte le choix d'emploïer en un certain endroit du vers des fyllabes longues ou bien des fyllabes bréves; elles lui enjoignent, s'il se détermine à y

mettre des fyllabes longues, d'y met tre alors un moindre nombre de fyllabes. Si le Poëte fe détermine en faveur des fyllabes bréves, les regles lui prefcrivent alors d'en mettre un plus grand nombre. Or comme dans la prononciation une fyllabe longue dure deux fois auffi long-tems qu'une fyllabe breve ; tous les vers Hexametres Latins fe trouvent être de même longueur dans la prononciation, bien que les uns contiennent un plus grand nombre de fyllabes que les autres. La quantité des fyllabes eft toûjours compensée par leur nombre arithmétique.

Voilà pourquoi les vers Hexametres Latins font égaux dans la prononciation, nonobftant la varieté de leur progreffion, au lieu que nos vers Alexandrins font très-fouvent inégaux, quoiqu'ils aïent prefque tous une progref fion uniforme. Voilà pourquoi quelques critiques ont penfé qu'il étoit comme impoffible de faire un Poëme Epique François de dix mille vers qui réufsît. Il eft vrai que cette uniformité de rithme n'a point empêché le fuccès de nos Poëmes Dramatiques en France & dans les Pays étrangers; mais ces Poëmes qui n'ont que deux mille vers font affez ex

cellens pour le foutenir contre ce dégoût D'ailleurs on ne le fent prefque pas fur le Théatre, qui eft l'endroit où ils brillent davantage, parce que les Acteurs qui enjambent prefque toûjours fur le vers fuivant avant que de reprendre haleine,ou qui la reprennent avant que d'avoir fini le vers, empêchent qu'on ne fente le vice de la cadence trop uniforme.

Ce que nous avons dit des vers Hexametres peut être dit des autres efpeces de vers. Les vers qui s'accelerent parce qu'ils font compofez de fyllabes bréves, durent donc autant que ceux qui fe rallentiffent, parce qu'ils font compofez de fyllabes longues. Par exemple, Virgile a mis des fyllabes bréves par tout où les regles du Métre lui permettoient d'en mettre dans le vers qui dépeint fi bien un courfier qui galoppe, que la prononciation du vers nous fait prefqu'entendre le bruit de la course. Quadrupetante putrem fonitu quatit ungula сатрит.

Ce vers contient dix-fept fyllabes, mais il ne dure plus pas long-temps dans la prononciation, que le vers fuivant qui n'en renferme que treize, & que Virgile a fait pour décrire le travail des Cy

clopes, qui lévent leurs bras armez de marteaux pour battre fur l'enclume; effer que décrit le vers qui le fuit immédia

ment.

Olli inter fefe multa vi brachia tollunt

In numerum, verfantque tenaci forcipe maf fam.

Ainfi la cadence des vers n'eft pas rompue par cette affectation d'emploier pour mieux peindre fon objet, plus de fyllabes bréves ou plus de fyllabes longues.

L'art d'emploïer à propos les fyllabes longues & les fyllabes breves, art que les Anciens avoient tant cultivé, fert encore à une infinité d'autres vûës. Pour en dire un mot en passant, on remarque que Ciceron (a) n'ofant pas mettre en œuvre des figures frequentes dans le recit du fupplice indigne d'un Citoïen Romain, que Verres avoit fair battre de verges, & cela par la crainte de le rendre fufpect de déclamation, trouve une reflource dans la complaifance de fa langue, pour arrêter néan moins durant long-temps fon Auditeur fur l'image de ce fupplice. L'atrocité du fait étoit fi grande qu'il fuffifoit que l'Auditeur s'y arrêtât. Il devoit fup

(a) In Verr. A&. 5.

pléer les figures de lui-même. C'est l'effet que produit la lenteur avec laquelle fe prononcent les expreffions fimples & en apparence fans Art, que Ciceron repête pour parler de l'action contre laquelle il veut foulever l'imagination de l'Auditeur. Cadebatur virgis civis Romanus. On reconnoît l'Art dans les dif ferentes repetitions de ces mots qu'il varie pour déguifer l'affectation. Mais revenons à l'ufage de mettre en œuvre la combinaison des fyllabes bréves & des fyllabes longues pour rendre les phrases nombreuses & cadencées.

Les Romains étoient tellement épris de l'effet que le rithme produifoit, que leurs Ecrivains én profe s'y attacherent avec tant d'affection, qu'ils en vinrent par dégrez jufques à facrifier le fens & l'énergie du difcours au nombre & à la cadence des phrafes. Ciceron dit (a) que de fon temps la profe avoit déja fa cadence mefurée comme les vers. La difference effentielle qui étoit entre la profe & les vers, ne venoit plus de ce que les vers fuffent aftreints à une certaine mefurc, quand la profe en étoit affranchie; mais de ce que le mé tre de la profe étoit different du métre 6.) In eratore,

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