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France de temps en temps pour chan ger les regles de notre Poëfie, & pour introduire l'ufage des vers mefurez à la maniere de ceux des Grecs & des Romains, n'ont réuffi.

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La rime ainfi que les fiefs & les duels, doit donc fon origine à la Barbarie de nos anceftres. Les peuples dont defcendent les Nations modernes & qui envahirent l'Empire Romain, avoient déja leurs Poëtes quoique Barbares, lorfqu'elles s'établirent dans les Gaules & dans d'autres Provinces de l'Empire. Comme les langues dans lefquelles ces Poëtes fans étude compofoient, n'étoient point affez cultivées pour être maniées fuivant les regles du métre, comme elles ne donnoient pas lieu à tenter de le faire, ils s'étoient avifez qu'il y auroit de la grace à terminer par le même fon, deux parties du difcours qui fuffent confecutives & d'une étendue égale. Ce même fon final, repeté au bout d'un certain nombre de fyllabes, faifoit une efpece d'agrément, & il fembloit marquer ou il marquoit, fi l'on veut, quelque cadence dans les vers. C'est apparemment ainfi que la rime s'eft établie.

Dans les contrées envahies par les

Barbares, il s'eft formé un nouveau peuple compofé du mélange de ces nouveaux venus & des anciens habitans. Les ufages de la Nation dominante ont prévalu en plufieurs chofes & principalement dans la langue commune, qui s'eft formée de celle que parloient les anciens Habitans, & de celle que parloient les nouveaux venus. Par exemple, la langue qui fe forma dans les Gaules où les anciens Habitans par loient communément Latin quand le Francs s'y vinrent établir, ne conferv que des mots dérivez du Latin, La Syna taxe de cette langue fe forma entierement differente de la Syntaxe de la langue Latine, ainfi que nous l'avons didéja. En un mot la langue naiffante ft vit affervie à rimer fes vers, & la rime passa même dans la langue Latine done T'ufage s'étoit confervé parmi un cert tain monde. Vers le huitiéme fiécle le vers Leonins, qui font des vers Las tins rimez comme nos vers Françoisfurent en ufage, & ils y étoient encore quand on fit ceux-ci.

Fingitur hac fpecie bonitatis odore refertus
Iftius Ecclefia fundator Rex Dagobertus.
Les vers Leonins difparurent avec la

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Barbarie au lever de cette lumiere dont le crépuscule parut dans le quinziéme fiécle.

SECTION XXXVII.

Que les mots de notre langue naturelle font plus d'impress.on fur nous que les mots d'une langue étrangere.

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Ne preuve fans conteftation de la fuperiorité des vers Latins fur les vers François, c'eft que les vers Latins touchent plus, c'est qu'ils affectent plus que les vers François, les François qui fçavent la langue Latine. Cependant l'impreffion que les expreffions d'une langue étrangere font fur nous, eft bien plus foible que l'impreffion que font fur nous les expreffions de notre langue naturelle. Dès que les vers Latins font plus d'impreffion fur nous que les François, il s'enfuit donc que les vers Latins font plus parfaits & plus capables de plaire que les vers François. Les vers Latins n'ont pas naturellement le même pouvoir fur une oreille Fransoife qu'ils avoient fur une oreille La

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tine. Ils n'ont pas le pouvoir que les vers François doivent avoir fur une oreille Françoise.

A l'exception d'un petit nombre de mots qui peuvent paffer pour des mots imitatifs nos mots n'ont d'autre liaifon avec l'idée attachée à ces mots, qu'une liaison arbitraire. Cette liaison eft l'effet du caprice ou du hazard. Par exemple, on a pu attacher dans notre langue l'idée du cheval au mot foliveau, & l'idée de la piece de bois qu'il fignifie, au mot cheval. Or ce n'eft que durant les premieres années de notre vie que la liaison entre un certain mot & une certaine idée se fait fi bien, que ce mot nous paroiffe avoir une énergie naturelle ; c'est-à-dire une proprieté particuliere, pour fignifier la chofe dont il n'eft cependant qu'un figne inftitué arbitrairement. Ainfi quand nous avons appris dès l'enfance la fignification du mot aimer quand ce mot eft le premier que nous aïons retenu pour exprimer la chofe dont il eft le figne, il nous paroît avoir une énergie naturelle, bien que la force que nous lui trouvons vien ne uniquement de notre éducation, & de ce qu'il s'eft faifi, pour ainfi dire, de la premiere place dans notre memoire.."

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Il arrive même que lorsque nous apprenons une langue étrangere après que nous fommes parvenus à un certain âge, nous ne rapportions point immediatement à leur idée les mots de cette langue étrangere, mais bien aux mots de notre langue naturelle,quifont affociés avecces idées là. Ainfi un François qui apprend l'Anglois ne lie point immediatement au mot Anglois God l'idée de Dieu, mais bien au mot Dieu. Lorfqu'il entend enfuite prononcer God, l'idée qui fe reveille d'abord en lui eft celle de la fignification que ce mot a en François. L'idée de Dieu ne fe reveille en lui qu'en fecond lieu. Il femble qu'il lui faille d'abord fe traduire le premier mor à lui-même.

Qu'on traite, fi l'on veut, cette explication de fubtilité, il fera toujours vrai de dire que dès que notre cerveau n'a pas été habitué dans l'enfance à nous reprefenter promtement certaines idées auffi-tôt que certains fons viennent frapper nos oreilles, ces mots font fur nous une impreffion & plus foible & plus lenre que les mots auxquels nos organes font en habitude d'obéir dès l'enfance. L'operation que font les mots eft dépendante du reffort mécanique de nos or

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