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lorfqu'ils furent faits.

Avant que de pouvoir juger fur un certain ouvrage de l'état où l'Art étoit lorfque cet ouvrage a été fait ; il fau, droit fçavoir pofitivement en quelle eftime l'ouvrage a été dans ce tems-là, & s'il y a paflé pour un ouvrage excellent en fon genre. Quelle injuftice, par exemple, ne feroit-on pas à notre liecle, fi l'on jugeoit un jour de l'état où Ja poëfic Dramatique auroit été de notre tems fur les Tragedies de Pradon, ou fur les Comedies de Hauteroche ? Dans les tems les plus féconds en artifans excellens, il fe rencontre encore un plus grand nombre d'artifans médiocres. Il s'y fait encore plus de mauvais ouvrages que de bons. Or nous courerions le rifque de prononcer fur la foi d'un de ces ouvrages médiocres, fi, par exem, ple, nous voulions juger de l'état où la peinture étoit à Rome fous Augufte, par les figures qui font dans la pyramide de Ceftius; quoiqu'il foit très-probable que ces figures peintes à frefque aïent été faites dans le temps même que le Maufo, lée fut elevé, & par confequent fous le regne de cet Empereur. Nous ignorons quel rang pouvoit tenir entre les Peintres de fon tems l'Artifan qui les fit, &

ce qui fe paffe aujourd'hui dans tous les pays nous apprend fuffifamment que la cabale fait diftribuer fouvent les ouvrages les plus confiderables à des artisans très-inferieurs à ceux qu'elle fait négliger.

Nous pouvons bien comparer la sculp ture antique avec la nôtre, parce que nous fommes certains d'avoir encore aujourd'hui les chefs-d'œuvres de la fculp ture Grecque, c'est-à-dire, ce qui s'eft fait de plus beau dans l'antiquité. Les Romains dans le fiecle de leur fplendeur, qui fut celui d'Augufte, ne difputerent aux illuftres de la Grece que la fcience du gouvernement. Ils les reconnurent pour leurs maîtres dans les arts, & nommément dans l'art de la fculp

ture.

Excudent alii fpirantia mollius ara

Credo equidem, vivos ducent de marmore vultus

...

Tu regere imperio populos Romane memento,
Ha tibi erunt artes. (a)

Pline eft du même fentiment que Virgile. Mais ce qu'il y avoit de plus pretieux dans la Grece avoit été apporté à Rome, & nous fommes certains d'avoir (a) Aneid, 6.

encore aujourd'hui les plus beaux ouvrages qui fuffent dans cette capitale du monde après qu'elle eut été enrichie des chef-d'œuvres les plus précieux, nez fous le cizeau des Grecs. Pline nous dit que la ftatuë d'Hercule, qui préfentement eft dans la cour du Palais Farnefe, étoit reputée quand il écrivoit, & Pli ne écrivoit quand Rome avoit déja dépouillé l'Orient, l'un des beaux morceaux de fculpture qui fuffent à Rome. Ce même Auteur nous apprend encore (a) que le Laocoon qu'on voit aujourd'hui dans une cour du Palais de Belvéder, étoit le morceau de fculpture le plus précieux qui fur à Rome de fon temps. Le caractère que Pline donne à ces Statuës, les lieux où il nous dit qu'elles étoient dans le temps qu'il écrivoit, & qui font les mêmes que les lieux où elles ont été déterrées depuis deux fiecles, rendent conftant malgré les fcrupules de quelques Antiquitaires, que les Statues que nous avons font les mêmes dont Pline a parlé. Ainfi nous fommes en état de juger fi les anciens nous ont furpaffez dans l'Art de la fculpture. Pour me fervir de cette phrafe, les parties au procès ont produit leurs titres. (a) Hiffor. lib. 35.

5

C

Or je n'entendis jamais prononcer en faveur des Sculpteurs modernes. Je n'entendis jamais donner la préference au Moife deMichelAnge fur le Laocoon dù Belvéder. J'avouerai après cela qu'il feroit imprudent de foûtenir que les Peintres de l'antiquité Grecque & Romaine aïent furpaffé nos Peintres, parce que les Sculpteurs anciens ont furpaffé les Sculpteurs modernes. La Peinture & lá Sculpture,il eft vrai,font deux fœurs,mais elles ne font pas dans une union fi parfaite, que toutes leurs deftinées leur foient communes. La fculpture, bien que la cadette, peut laiffer derriere elle fa fœur aînée.

Il ne feroit pas moins témeraire de décider la question fur ce que nos Tableaux ne font point ces effets prodigieux que les Tableaux des anciens Peintres ont fait quelquefois : fuivant les apparences, les récits des Ecrivains qui

exagerez,

nous racontent ces effets font
& nous ne fçavons pas même ce qu'il en
faudroit rabattre pour les réduire à l'e-
xacte verité. Nous ignorons quelle part
la nouveauté de l'Art de la peinture peut
avoir eue dans l'impreffion qu'on veut
que certains Tableaux aïent fait fur les
Spectateurs. Les premiers Tableaux,

quoique groffiers, ont dû paroître des ouvrages divins. L'admiration pour un art naiffant fait tomber ailément dans l'exageration ceux qui parlent de fesproductions, & la tradition en recueillant ces récits outrez, aime encore quelquefois à les rendre plus merveilleux qu'elle ne les a reçus. On trouve même dans les Ecrivains anciens des chofes impoffibles données pour vraïes, & des chofes ordinaires traitées de prodiges. Sçavonsnous d'ailleurs quel effet auroient produit fur des hommes aufli fenfibles & auffi difpofez à fe paffionner que l'étoient les compatriotes des anciens Peintres de la Grece, plufieurs tableaux de Raphaël, de Rubens & d'Annibal Carrache ?

Enfin on ne fçauroit donner une idée un peu précife des tableaux à ceux qui ne les ont pas vûs abfolument, & qui ne connoiffent pas la maniere du Peintre qui les a faits,que par voies de comparaifon. Nous-mêmes, lorfque nous parlons à quelqu'un des tableaux d'un Peintre qu'il ne connoît pas, nous fommes pouffez par l'inftinct à nous fervir de cette voïe de comparaison. Nous donnons l'idée du Peintre inconnu en le comparant aux Peintres connus,& cette voïe cft

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