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eux. D'autres fe joüvient avec fon bouclier. Ils y avoient fait affeoir celui d'entr'eux qui avoit fait le coup, & ils le portoient en triomphe, tandis qu'un autre amour qui s'étoit mis en embuscade dans la cuiraffe d'Alexandre, les attendoit au paffage pour leur faire peur. Cet amour embufqué pouvoit bien reflembler àquelqu'autre maitreffe d'Alexandre, ou bien à quelqu'un des Miniftres de ce Prince qui avoit voulu traverfer le mariage de Roxane. Un Poëte diroit que le Dieu de l'Himen fe crut obligé de récompenfer le Peintre qui avoit célebré fi galamment un de fes triomphes. Cet Artifan ingénieux ayant exposé fon tableau dans la folemnité des jeux Olimpiques, Pronexides qui devoit être un homme de grande confideration, puifque cette année-là il avoit l'Intendance de la fète, lui donna fa fille en mariage. Raphaël n'a pas dédaigné de craïonner le fujet décrit par Lucien. Son deffein fut gravé par un des difciples du celebre Marc

Antoine.

L'Auteur (a) fpirituel de qui j'emprunte cette hiftoire, vante encore principalement la compofition poëtique d'un tableau de Zeuxis, repréfentant la famil(a) Lucien dans fon Zeuxis.

le d'un Centaure. Mais il eft fuperflu de citer davantage les Ecrivains de l'antiquité. Qui peut douter après avoir vû l'expreffion des figures du Grouppe de Laocoon, que les anciens n'aïent excellé dans l'art qui fçait donner une ame au marbre & au bronze, & qui fçait prêter la parole aux couleurs Il n'y a point d'amateur des beaux arts qui n'ait vû des copies du moins de la figure d'un Gladiateur expirant, laquelle étoit autrefois à la Vigne Ludovife, & qu'on a vûë depuis au Palais Chigi. Ce malheureureux bleffé à mort d'un coup d'épée à travers le corps eft affis à terre, & il a encore la force de fe foûtenir fur le bras droit. Quoiqu'il aille expirer, on voit qu'il ne veut pas s'abandonner à fa douleur ni à fa défaillance,& qu'il a encore l'attention à fa contenance, que les Gladiateurs fe piquoient de conferver dans ce funefte moment. Il ne craint point de mourir, il craindroit de faire une grimace. (a) Quis mediocris Gladia·tor ingemuit, quis vultum mutavit unquam, quis non modo ftetit, verum etiam decubuit turpiter, dit Ciceron, dans l'endroit où il nous raconte tant de chofes merveilleufes fur la fermeté de ces mal(a) Cicer. Tufcul. Yu. lib. 2.

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heureux. Je reviens au Gladiateur expirant.C'est un homme qui fe meurt, mais qui vient de recevoir le coup dont il meurt. On fent donc que malgré la force qui lui refte,il n'a plus qu'un moment à refpirer, & l'on regarde long-temps dans l'attente de le voir tomber en expirant.

Qui ne connnoît pas le Grouppe célebre qu'on voit encore à la Vigne Ludovife, & qui repréfente un évenement célebre dans l'Hiftoire Romaine, l'avanture du jeune Papirius. (a) Tout le monde fçait que cet enfant étant un jour demeuré auprès de fon pere durant une affemblée du Sénat; fa mere lui fit plufieurs questions à la fortie pour fçavoir ce qui s'y étoit dit, chofes qu'elle n'efperoit pas d'apprendre de fon mari, les Romains étant encore auffi peu polis qu'ils l'étoient alors. La mere ne put jamais tirer de fon fils qu'une réponse, laquelle ne lui permettoit pas de douter qu'il n'éludât fa curiofité. Le Sénat répondit-il conftamment, a déliberé fi l'on donneroit deux femmes à chaque mari, ou deux maris à chaque femme. Cet incident a donné lieu au Proverbe

(a) Aul. Gell. lib. pr. cap. 2.

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Latin. Curia capax pratexta, qu'on emploïe pour dire qu'un enfant à beaucoup plus de difcretion qu'on n'en doit avoir à fon âge.

Aucun fentiment ne fut jamais mieux exprimé que la curiofité de la mere du jeune Papirius. L'ame de cette femme paroît être toute entiere dans fes yeux. qui percent fon fils en le careffant. L'attitude de toutes les parties de fon corps concourt avec les yeux, & donne à connoître ce qu'elle prétend faire. D'une main elle careffe fon fils, & l'autre main eft dans la contraction. C'eft un mouvement naturel à ceux qui veulent réprimer les fignes de leur inquiétude prêts à s'échapper. Le jeune Papirius répond à fa mere avec une complaifance> apparente; mais il eft fenfible que cette complaifance n'eft qu'affectée. Quoique fon air de tête foit naif, quoique fon maintien paroiffe ingénu, on devine à fon fourire malin, qui n'eft pas entierement formé, parce que le refpect le contraint, comme au mouvement de fes yeux fenfiblement gêné, que cet enfant veut paroître vrai, mais qu'il n'eft pas fincere. On voit qu'il promet de dire la verité, & on voit en même-temps qu'il ne la dit pas. Quatre ou cinq traits que

le Sculpteur à fçu placer à propos fur for vifage, je ne fçais quoi qu'on remarque dans l'action de fes mains, démentent la naïveté & la fincerité qui paroiffent d'ailleurs dans fon gefte & fur fon vifage.

On peut donner les mêmes loiianges à la figure nommée ordinairement le Rotateur ou l'Aiguifeur, déterrée à Rome & transportée depuis quarante ans à Florence, où l'on peut la voir dans le cabinet de Son Alteffe Roïale. Cette figure repréfente l'esclave, qui fuivant le récit de Tite- Live,(a)entendit par hazard le projet que faifoient les fils de Brutus pour rétablir dans Rome les. Tarquins, & qui fauva la République naiffante en révelant leur conjuration au Conful.

Prodita laxabant portarum clauftra Tyran-
pis
Exulibus, juvenes ipfius Confulis & quos,&c.
Occulta ad Patres produxit crimina fervus
Matronis lugendus. (b)

Les perfonnes les moins attentives remarquent, en voïant la Statuë dont je parle, que cet efclave qui fe courbe & qui fe montre dans la posture convenable pour aiguifer le fer qu'il tient,

(a) Lib. 2. cap. 4.

(l) Juvenal Satir. 8.

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