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La mufique ne fe fert que des inftru mens pour imiter ces bruits, dans lefquels il n'y a rien d'articulé, & nous appellons communément ces imitations des fymphonies. Cependant les fymphonies ne laiffent pas de jouer, pour ainfi dire, differens rôles dans nos Opera avec beaucoup de fuccès.

En premier lieu, bien que cette mufique foit purement inftrumentale, elle ne laiffe pas de contenir une imitation

veritable de la nature. En fecond lieu, il y a plufieurs bruits dans la nature capables de produire un grand effet fur nous, quand on nous les fait entendre à propos dans les Scénes d'une piece Dramatique.

La verité de l'imitation d'une fymphonie confifte dans la reffemblance de cette fymphonie avec le bruit qu'elle prétend imiter. Il y a de la verité dans une fymphonie, compofée pour imiter une tempête, lorfque fon chant, fon harmonie, & fon rithme nous font entendre un bruit pareil au fracas que les vens font dans l'air & au mugiffement des flots, qui s'entrechoquent ou qui fe - brifent contre des rochers. Telle eft la fymphonie, qui imite une tempête dans l'Opera d'Alcione de M. Marais.

Ainfi, quoique ces fymphonies ne nous faffent pas entendre aucun fon articulé, elles ne laiffent pas de pouvoir jouer des rôles dans des pieces Dramatiques, parce qu'elles contribuent à nous intereffer à l'action, en faisant fur nous une impreffion approchante de celle que feroit le bruit même dont elles font une imitation, fi nous entendions ce bruit dans les mêmes circonstances que nous entendons la fymphonie qui l'imite. Par exemple, l'imitation du bruit d'une tempête qui va fubmerger ua perfonnage, à qui le Poëte nous fait prendre actuellement un grand interêt, nous affecte comme nous affecteroit le bruit d'une tempête, prête à fubmerger une perfonne pour laquelle nous nous intereflerions avec chaleur fi nous nous trouvions à portée d'entendre cette tempête veritable. Il feroit inutile de répeter ici que l'impreffion de la fymphonie ne fçauroit être auffi férieufe que l'impreffion que la tempête véritable feroit fur nous, car j'ai déja dit plufieurs fois, que l'impreffion qu'une imitation fait fur nous, eft bien moins forte que l'impreffion faite par la chofe imitée. (a) Sine dubio in omni (a) Cic. de Orat. lib. 39

re vincit imitationem veritas.

Il n'eft donc pas furprenant que les fymphonies nous touchent beaucoup, quoique leurs fons, comme le dit Longrin, (a) Ne foient que de fimples imitations d'un bruit inarticulé, & s'il faut parler ainfi, des fons qui n'ont que la moitié de leur être, & une demi vie.

Voilà pourquoi l'on s'eft fervi dans tous les païs, & dans tous les temps du chant inarticulé des inftrumens pour remuer le cœur des hommes, & pour mettre certains fentimens en eux, principalement dans les occafions où l'on ne fçauroit leur infpirer ces fentimens en fe fervant du pouvoir de la parole. Les peuples civilifez, ont toûjours fait ufage de la mufique inftrumentale dans leur culte religieux. Tous les peuples ont eu des inftrumens propres à la guerre, & ils s'y font fervi de leur chant inarticulé, non-feulement pour faire entendre à ceux qui devoient obéir, les ordres de leurs Commandans, mais encore pour animer le courage des combattans, & même quelquefois pour le retenir. On a touché ces inftrumens differemment, fuivant l'effet qu'on vouloit qu'ils fiffent, & on a cherché à (a) Traité du Subl cap. 32.

rendre leur bruit convenable à l'usage auquel on le deftinoit.

Peut-être aurions-nous étudié l'art de toucher les inftrumens militaires autant que les anciens l'avoient étudié, fi le fracas des armes à feu laiffoient nos combattans en état d'entendre diftinc¡tement le fon de ces inftrumens. Mais quoique nous n'aïons pas travaillé beaucoup à perfectionner nos inftrumens militaires, & quoique nous aïons fi fort négligé l'art de les toucher qui donnoit tant de confideration parmi les anciens, que nous regardons ceux qui exercent cet art aujourd'hui, comme la partie la plus vile d'une armée, nous ne Jaiffons pas de trouver les premiers principes de cet art dans nos camps. Nos trompettes ne fonnent point la charge comme ils fonnent la retraite. Nos tambours ne battent point la chamade du même mouvement dont ils battent la charge.

Les fymphonies de nos Opera, & -principalement les fymphonies des Ope-ra de Lulli, le plus grand Poëte en my-fique dont nous aïons des ouvrages, -rendent vrai - femblables les effets les plus furprenans de la mufique des anciens. Peut-être que les bruits de

guerre de Thefée, les fourdines d'Armi de, & plufieurs autres fymphonies du même Auteur auroient produit de ces effets qui nous paroiffoient fabuleux dans le récit des Auteurs anciens, fi l'on les avoit fait entendre à des hommes d'un naturel auffi vif que des Atheniens, & cela dans des spectacles où ils cuffent été émus déja par l'action d'une Tragédie. Nous-mêmes ne fentonsnous pas que ces airs font fur nous l'impreffion que le Muficien a eu l'intention de leur faire produire ? Ne fentons-nous pas que ces fymphonies nous agitent, nous calment, nous attendriffent, enfin qu'elles agiffent fur nous à peu près comme les vers de Corneille & ceux de Racine y peuvent agir.

Si l'Auteur anonime du Traité De ·Poematum cantu & viribus Rithmi, que je crois être Ifaac Voffius, parce que fes amis me l'ont dit, & parce que cet ouvrage eft rempli des préventions en faveur de la Chine & des Chinois, que tout le monde fçait bien avoir été particulieres à ce fçavant homme ; fi, disje, cet Auteur avoit pû entendre les Opera de Lulli, & principalement les derniers, avant que d'écrire le Traité dont je parle, il n'auroit pas dit, comme il l'a

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