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fait, (a) que la mufique moderne n'avoit rien,ni de la force, ni de l'énergie de la mufique ancienne. Faut-il s'éton ner, c'eft le fens de fes paroles, que notre musique ne faffe point les effets que celle des anciens fçavoit faire, puifque les chants les plus variez & l'harmonie la plus riche ne font que des fadaifes fonores & des niaiferies harmonieuses, quand le Muficien ne fçait pas faire un usage sensé de ces chants & de cette harmonie, pour bien exprimer fon fujet, & quand il ne fçait pas animer encore fa compofition par un rithme convenable à ce fujet, de maniere que cette compofition exprime quelque chofe, & qu'elle l'exprime bien. Quippe cum omnis cantus S harmonia quantumvis elegans, fi & verborum intellectus & motus abfint aliquid fignificantes, nihil nifi inanem continent fonum, nemini mirum videri debet abeffe ab hodierna musica virtutem qua tantopere in veteri prædicatur,

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Si quelque mufique moderne manque du mérite dont parle ici Monfieur Voffius, ce n'eft point celle de Lulli. Ce qu'il appelle ici verborum intelle&tum ou l'expreffiont parfaite dans ce Mu (a) In Prefat,

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ficien. Les perfonnes qui ne fçavent pas le François, devinent les fentimens & les paffions des Acteurs qu'il fait décla mer en mufique. Qu'on le figure donc quelle comparaifon Voffius auroit faite des cantates & des fonates des Italiens avec les fymphonies & les récits de Lulli, s'il les eut connus, lorfqu'il écrivit le: livre dont je parle. Mais il paroît par la date mife au bas de faPréface(a) qu'il l'avoit faite dès 1671. précisément quand Lulli travailloit à fon premier Opera. Les fymphonies convenables au fujet& bien caracterifées, contribuent donc beaucoup à nous faire prendre interêt dans l'action des Opera, où l'on peut dire qu'elles jouent un rôle. La fiction qui fait endormir Atys, & qui lui préfente enfuite des objets fi diverfifiez durant fon fommeil, devient plus vraifemblable & plus touchante par l'impreffion que font fur nous les fymphonies de differens caracteres qui précedent le fommeil, ou qui fe fuccedent à propos pendant fa durée. La fymphonie de l'Opera de Roland, qu'on appelle communémentLogistille, joue très-bien fon rôle dans l'action où elle eft introduite. L'action du cinquiéme acte où

(a) En forme d'Epitre à Milord Arlington•*

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elle eft placée, confifte à rendre la raifon à Roland, qui eft forti furieux de la Scéne à la fin du quatriéme acte. Cette belle fymphonie donne même l'idée de celles dont Ciceron & Quintilien difent que les Pythagoriciens fe fervoient pour appaifer, avant que de mettre la tête fur le chevet, les idées tumultueufes que les mouvemens de la journée laiffent dans l'imagination, de même qu'ils emploïoient des fymphonies d'un caractere oppofé pour mieux. mettre les efprits en mouvement lorfqu'ils s'éveilloient, & pour fe rendre ainfi plus propres à l'application. (a) Pythagorais certè moris fuit & cum evigilaffent animos ad lyram excitare,quò efJent ad agendum erectiores, & cum fomnum peterent ad eamdem priùs lenire. mentes, ut fi quid fuißet turbidorum negotiorum, componerent. Pour le dire en paffant, le premier air danfant du Prologue d'Amadis, celui qui vient après la fin du fommeil, donne l'idée de ces airs, au fon defquels les Pithagoriciens achevoient de s'éveiller,

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Pour revenir à la fymphonie de l'O. pera de Roland, qui nous donne une idée des airs, au fon defquels les Py

(a) Inftit. lib. 9. cap. şi

tagoriciens fe difpofoient au fommeil, elle eft entierement dans la verité de l'imitation. Il eft vrai-femblable qu'elle puifle produire l'effet pour lequel la Poëfie du Muficien la deftine. Le fentiment nous enfeigne d'abord qu'elle eft très-propre à calmer les agitations de l'efprit, & comme une difcuffion bien faite juftifie toûjours le fentiment nous trouvons en l'examinant par quelles raifons elle eft fi propre à faire l'impreffion que nous avons déja fentie.

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Ce n'eft point le filence qui calme: le mieux une imagination trop agitée. L'expérience & le raisonnement nous enfeignent qu'il eft des bruits beaucoup plus propres à le faire, que le filence même. Ces bruits font ceux, qui comme celui de Logiftille, continuent longtemps dans un mouvement prefque toujours égal, & fans que les fons fuivans foient beaucoup plus aigus ou plus graves, beaucoup plus lens ou plus vites que les fons qui les précedent, de maniere que la progreffion du chant fe faffe le plus fouvent par les intervalles moindres. Il femble que ces bruits qui ne s'accelerent ou ne fe retardent, quant à l'intonnation & quant au mouvement, que fuivant une pro

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portion

portion lente & uniforme, foient plus propres à faire reprendre aux efprits ce cours égal, dans lequel confifte la tranquillité, qu'un filence qui les laifferoit fuivre le cours forcé & tumultueux, dans lequel ils auroient été mis. Un homme qui parle long-temps fur le même ton, endort les autres, & la preuve que leur affoupiffement vient de la continuation d'un bruit qui fe foûtenoit toûjours à peu près le même, c'est que l'Auditeur fe réveille en furfaut, fi l'Orateur ceffe tout-à-coup de parler, ou s'il lui arrive de faire quelque exclamation fur un ton beaucoup plus haut que le ton fur lequel il déclamoit auparavant. On voit tous les jours des perfonnes travaillées d'infomnie, ne pouvoir s'endormir qu'au bruit d'une lecture ou d'une converfation. Dès le bruit ceffe, elles fe réveillent. Il eft donc une vrai-femblance en fymphonie comme en poëfie. Comme le Poëte eft affujetti dans fes fictions à fe conformer à la vérité de convenance de même le Muficien doit fe conformer à cette verité dans la compofition de Les fymphonies. Je m'explique. Les Muficiens compofent fouvent des fymphonies pour exprimer des bruits que nous Tome 1. V

que

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