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fages & fes cadences fi vantées. Néan moins nous avons un Muficien, qui eft à la fois grand Artifan & homme de fentiment, lequel ne fe laiffe pas entraîner au torrent. (a) Mais notre poëfie aïant été corrompue par l'excès des ornemens & des figures, la corruption a paffé de-là dans notre mufique. C'eft la deftinée de tous les arts,qui ont une origine & un objet commun, que l'infection paffe d'un art à l'autre. Notre mufique eft donc aujourd'hui fi chargée de colifichets, qu'à peine y reconnoîton quelque trace de l'expreffion naturelle. Ainfi elle n'en eft point plus propre à la Tragédie, parce qu'elle flate l'oreille, puifque l'imitation & l'expreffion du langage inarticulé des paffions, font le plus grand mérite de la mufique Dramatique. Si notre musique nous plaît, c'est parce que nous ne connoiffons pas rien de mieux, & parce qu'elle chatouille les fens, ce qui lui eft commun avec le ramage des Chardonnerers & des Roffignols. Elle eft femblable à ces peintures de la Chine, qui n'imitent point la nature, & qui ne plaifent que par la vivacité & par la va

rieté de leurs couleurs.

(a) L'Auteur, dit-on, entendoit parler du Buononcini, i

Mais je ne veux point entrer d'avantage dans l'examen du mérite de la mufique Françoife & de la mufique Italienne. C'eft un fujet traité depuis un trop petit nombre d'années par des perfonnes d'efprits. D'ailleurs, je crois qu'il faudroit la commencer par une queftion préliminaire, dont la difcuffion feroit trop longue. Je voudrois donc examiner d'abord le fentiment d'un An

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glois, homme de beaucoup d'efprit qui foûtient en reprochant à fes Compatriotes le goût que beaucoup d'eux croïent avoir pour les Opera d'Italie, qu'il eft une mufique convenable particulierement à chaque langué, & fpecialement propre à chaque nation. (a) Suivant lui le genre de la mufique Françoife, eft auffi bon que le genre de

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la mufique Italienne. La mufique Françoife, continue-t'il, eft tres-bien adaptée au fon des mots, & convient fort avec la prononciation de la langue. Elle rend tres-bien les accens, dont les François accompagnent leur prononciation. Les differens airs de leurs Opera expriment à mergens naturellement gais éveillez, comme le font les François. C'est dommage qu'on les écoute

veille les mouvemens de

(a) Spectateur du 3. Av. 1718.

mal, & que le Parterre y falje fi fouvent Chorus avec le théatre. Souvent la voix de l'Acteur eft couverte par celle des auditeurs, qui ne lui laissent chanter feul que Les premieres paroles de fon air. Je me figurois, quand je m'y fuis trouvé, voir un Clerc de nos Paroiffes, qui n'a pas fi-tôt entonné le premier verfet du Pfeaume,que tout l'auditoire fe met à chanter, fi bien qu'on ne l'entend plus.

Je me contenterai donc de faire quelques remarques hiftoriques touchant la mufique Italienne. L'Auteur d'un Poëme en quatre chants fur la mufique, (a) où l'on trouve beaucoup d'efprit & de talent, prétend que lorfque le genre humain commença, vers le feiziéme fiecle,à fortir de la barbarie & à cultiver les beaux arts, les Italiens furent les premiers Muficiens, & que la focieté des nations profita de leur lumicre pour perfectionner cet art. Le fait ne me paroît pas véritable. L'Italie fur bien alors le berceau de l'Architecture, de la Peinture & de la Sculpture, mais la mufique reprit naiffance dans les Païsbas, ou pour mieux dire, elle y fleuriffoit déja depuis long-temps avec un fuccès, auquel toute l'Europe rendoit

(i) Imprimé en 1713.

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hommage. Je pourrois alléguer en preuve, Commine & plufieurs autres Ecrivains, mais je me contenterai de citer un témoin fans reproche & dont la dépofition eft tellement circonftanciée qu'elle ne laiffe plus aucun lieu au doute. C'eft un Florentin, Louis Guichardin, neveu du fameux hiftorien François Guichardin. Voici ce qu'il en dit dans un difcours fur les Païs - bas en general, qui fert de Préface à fa defcription de leurs dix-fept Provinces, livre très-connu & traduit en plufieurs langues. (a) Nos Belges font les Patriarches de la mufique qu'ils ont fait renaître, & qu'ils ont portée à un grand point de perfection. Ils naiffent avec un génie heureux pour la cultiver, & leurs talens pour xercer, font fi grands, que les hommes & ·les femmes de ce pais, chantent prefque tous naturellement avec jufteffe comme avec grace. En joignant enfuite l'art avec la nature, ils parviennent à fe faire admirer par la compofition, comme par l'execution de leurs chanfons & de leurs fymphonies dans toutes les Cours de la Chrétienté, ou leur mérite leur fait faire de fi belles fortunes. Je ne nommerai que ceux qui font morts depuis peu, & les vivans.

a) Edit. Janff. pag. s.

l'e

Au nombre des premiers, font Jean Teinturier de Nivelle, dont le rare mérite m'obligera de faire ci-dessous une mention particuliere, foffe Duprat, Aubert Ockeghuem, Richefort, Adrien Villart, Jean Mouton, Verdelet, Gombers, Loup-Louvart, Courtier, Crequillon, Clement, Corneille Hont. On compte parmi les vivans, Cyprien de la Rofée, Jean Cuick, Philippe du Mont, Roland Laffé, Mannicourt, Joffe Bafton, Chreftien Holland, Jacques Vas, Bonmarchez, Severin Cornet, Pierre Hot, Gerard Turnhout, Hubert Valerand, Jacques Berchems d' Anvers, André Pevernage, Corneille Verdonk, & plufieurs autres répandus dans toutes les Cours de la Chrétienté, où ils font comblez de biens & d'honneurs comme les Maîtres de cet art. En effet, la pofterité de Mouton & celle de Verdelet, ont été célebres en France dans la mufique jufqu'à nos jours. On obfervera que Louis Guichardin, qui mourut (a) l'année de l'avenement de notre Roi Henri IV. à la Couronne, parle de la poffeffion où étoient les Païs-bas, de fournir l'Europe de Muficiens ainfi que l'Italie le fait aujourd'hui concurremment avec la France comme d'une

(4) EN 1589

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