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poffeffion qui duroit depuis long-temps. L'Italie elle-même, qui penfe maintenant que les autres peuples ne fçachent en mufique que ce qu'ils ont appris d'elle, faifoit venir fes Muficiens de nos contrées avant le dernier fiecle, & païoit alors le même tribut à l'art des Ultramontains qu'elle prétend recevoir aujourd'hui de tous les peuples de l'Europe. Il me fouvient bien d'avoir lû dansles Ecrivains Italiens plufieurs paffages qui le prouvent, mais je crois devoir épargner au Lecteur la peine de les lire, & à moi celle de les retrouver. Je ne pense pas qu'il demande d'autres preuves que le paffage de Guichardin que j'ai cité. Je me contenterai donc d'alléguer encore un paffage du Corio', qui nous a donné une hiftoire de Milan fi curieufe, & fi connue de tous les fçavans. Dans le récit que le Corio fait de la mort du Duc Galeas Sforce Vifcomti, qui fut affaffiné en mil quatre cent foixante & feize dans l'Eglife de faint Etienne de Milan, il dit: (a) Le Duc aimoit beaucoup la Mufique, & même il tenoit à fes gages une trentaine de Muficiens Ultramontains, aufquels il donnoit de gros appointemens. Un d'eux

(a) Fol. 421.

nommé Cordier, touchoit du Prince cent ducats par mois.

&

L'erreur de croire que les Italiens fuffent les reftaurateurs de la mufique en Europe, a jetté le Poëte, dont je parle, dans une autre erreur, c'eft de faire un Italien de Roland Laffé, un des Muficiens des Païs-bas, loué par Guichardin. Ce Poëte le cite donc fous le nom d'Orlando Laffo,& il nous dit qu'il fut un des premiers réparateurs de la musique. Mais cet Orlando Laffo, quoiqu'on le trouve dans quelques Auteurs mal informez avec les deux noms terminez à l'Italienne,n'en étoit pas plus Italien que le Ferdinando Ferdinandi de Scarron, qui étoit natif de Caën en France.La méprife vient de que RolandLaffé a pris à la tête de plufieurs œuvres dont les paroles font latines,le furplus d'Orlandus Laffus, en latinifant fon furnom fuivant l'u fage de ce temps-là. Quelqu'un prévenu que tout bon Muficien devoit être Italien, aura donné à ces deux noms la terminaifon Italienne, en les traduifant en François. Roland Laffé étoit François, ainfi que la plupart des Muficiens citez par Guichardin, dre le nom de François dans fa fignification la plus naturelle, qui eft de

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fignifiet tous les peuples dont la langue maternelle eft le François, fous quelque domination qu'ils foient nez. Comme un homme né à Strasbourg eft Allemand, quoi qu'il foit né fujet du Roi de France, de même un homme né à Mons en Hainault eft François, quoiqu'il foit né fujet d'un autre Prince, parce que la langue Françoise eft dans le Hainault la langue naturelle du païs. Or Roland Laffé, qui mourut fous le regne de notre Roi Henri IV. étoit de Mons, comme on le peut voir dans l'hiftoire de Monfieur de Thou, qui fait un éloge affez long de ce Muficien. (a) On ne fçauroit même dire que Laffé puiffe être reputé Italien , parce que l'Italie auroit été fa patrie d'élection. Après avoir demeuré en differens endroits de l'Europe, it mourut au service de Guillaume Duc de Baviere, & il fut enterré à Munich. Enfin ce Muficien eft poftérieur à Gaudimelle & à plufieurs autres Muficiens célebres du temps de Henri II. & de François I.

Revenons aux Opera & à l'énergie que le chant donne aux vers. Ce que l'art du Muficien ajoûte à l'art du Poë(a) Lib. 119, pag. 45.6.

par

te fupplée en quelque façon à la vraifemblance, laquelle manque dans ce fpectacle. Il eft contre la vrai-femblance, me dira-t-on, , que des Acteurs lent toûjours en vers Alexandrins, comme ils le font dans nos Tragédies ordinaires. J'en tombe d'accord, mais la vrai-femblance eft encore bien plus choquée par des Acteurs qui traitent leurs paffions, leurs querelles & leurs interêts en chantant. Le plaifir que nous fait la Mufique répare néanmoins ce défaut. Ses expreffions rendent aux Scénes des Opera le pathétique que le manque de vrai-femblance devroit leur ôrer.

On pleure donc aux Scénes touchantes des Opera, ainsi qu'aux Scénes touchantes des Tragédies qui fe déclament. Les adieux d'Iphigénie à Clitemneftre, ne firent jamais verfer plus de larmes à l'Hôtel de Bourgogne, que la reconnoiffance d'Iphigenie & d'Orefte en ont fait répandre à l'Opera. Defpreaux auroit pû dire de l'Actrice qui faifoit le perfonnage d'Iphigenie dans l'Opera de Duché il y a vingt & un ans, (a) ce qu'il a dit de l'Actrice qui faifoit le perfonnage dans laTragédie de fon ami.

(a) En 17111

Jamais Iphigenie en Auli de immolée N'a coûté tant de pleurs à la Grece assemblée, Que dans l'heureux fpectacle à nos yeux étalé, En a fait fous fon nom verfer la Chaumellé. (a) Enfin les fens font fi flatez par le chant des récits, pár l'harmonie qui les accompagne, par les choeurs, par les fymphonies & par le fpectacle entier, que l'ame qui fe laiffe facilement féduire à leur plaifir, veut bien être enchantée par une fiction dont l'illufion eft palpable, pour ainfi dire. Ex voluptate fides nafcitur.

Je parle du commun des hommes. Ainfi qu'il cft plufieurs perfonnes, qui pour être trop fenfibles à la mufique s'en tiennent aux agrémens du chant, comme à la richeffe des accords, & qui éxigent d'un compofiteur qu'il fa crifie tout à ces beautez, il eft auffi des hommes tellement infenfibles à la mufique, & dont l'oreille, pour me fervir de cette expreffion, eft tellement éloignée du cœur, que les chants les plus naturels ne les touchent pas. Il est jufte qu'ils s'ennuient à l'Opera. L'art du Muticien ne fçauroit compenfer le plaifir que leur fait perdre le défaut do

Ya) Epitre à Racine

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