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taille & par fes vêtemens, qui fe cache le vifage avec les mains, & dont l'attitude entiere marque encore la douleur la plus profonde. On conçoit fans peine que l'affliction de ce perfonnage doit furpaffer celle des autres, puifque ce grand Maître defefperant de la réprefenter, s'eft tiré d'affaire par un trait d'efprit. Ceux qui fçavent que Germanicus avoit une femme uniquement attachée à lui, & qui reçut les derniers foupirs, reconnoiffent Agrippine auffi certainement que les antiquaires la reconnoiffent à fa coëfure, & à fon air de tête pris d'après les médailles de cette Princeffe. Si le Pouffin n'eft pas l'inventeur de ce trait de Roëfie qu'il peut bien avoir emprunté du Grec qui peignit Agamemmon la tête voilée au facrifice d'Iphigenie fa fille; ce trait eft toujours un chef-d'œuvre de la Peinture. Je dis toujours le Pouffin conformement à l'ufage établi, bien que ce le dont les Italiens accompagnent les noms illuftres, puiffe donner à penfer que le Pouffin fut Italien. Nicolas Pouffin, c'est son nom, étoit d'Andeli en Normandie.

Je me fuis étonné plufieurs fois que les Peintres qui ont un fi grand interêt à nous faire reconnoître les perfonnages

dont ils veulent fe fervir pour nous toucher, & qui doivent rencontrer tant de difficultez à les faire reconnoître à l'aide feule du pinceau, n'accompagnaffent pas toujours leurs tableaux d'hiftoire d'une courte infcription. Les trois quarts des Spectateurs qui font d'ailleurs très-capables de rendre juftice à l'ouvrage, ne font point affez lettrez pour deviner le fujet du tableau. Il eft quelquefois pour eux une belle perfonne qui plaît, mais qui parle une langue qu'ils n'entendent point: on s'ennuïe bientôt de la der, parce que la durée des plaifirs, où l'efprit ne prend point de prend point de part, eft bien

courte.

regar

Le fens des Peintres Gothiques, tout groffier qu'il étoit, leur a fait connoître l'utilité des infcriptions pour l'intelligence du fujet des tableaux. Il eft vrai qu'ils ont fait un ufage auffi barbare de cette connoiffance, que de leurs pinceaux. Ils faifoient fortir de la bouche de leurs figures par une précaution bizarre, des rouleaux fur lefquels ils écrivoient ce qu'ils prétendoient faire dire à ces figures indolentes; c'étoit-là veritablement faire parler ces figures. Les rouleaux dont je parle fe font anéanis avec le goût Gothique: mais quel

quefois les plus grands Maîtres ont ju gé deux ou trois mots neceflaires à l'intelligence du fujet de leurs ouvrages, & même ils n'ont pas fait fcrupule de les écrire dans un endroit du plan de leurs tableaux où ils ne gâtoient rien. Raphaël & le Carrache en ont ufé ainfi : Coypel a placé de même des bouts de vers de Virgile dans la Gallerie du Palais Roïal, pour aider à l'intelligence de fes fujets qu'il avoit tirez de l'Eneïde. Déja les Peintres dont on grave les ouvrages commencent à fentir l'utilité de ces infcriptions, & ils en mettent au bas des eftampes qui fe font d'après leurs tableaux.

Le Poëte arrive encore plus certaine ment que le Peintre à l'imitation de fon objet. Un Poëte peut emploier plufieurs traits pour exprimer la paffion & le fen timent d'un de fes perfonnages. Si quelques-uns de fes traits avortent, s'ils ne frappent point précisement à fon but.; s'ils ne rendent pas exactement. toute l'idée qu'il veut exprimer, d'autres traits plus heureux peuvent venir au Lecours des premiers. Joints enfemble, ils feront ce qu'un feul n'auroit pu faire, & ils exprimeront ainfi l'idée du Poëte dans toute la force.. Tous les traits dont Ho

mere fe fert pour peindre l'impetuofité d'Achille, ne font pas également forts, mais les foibles font rendus plus forts par d'autres, aufquels ils donnent réciproquement plus d'énergie. Tous les traits que Moliere emploie pour craïonner fon Mifantrope, ne font pas également heureux, mais les uns ajoutent aux autres, & pris tous ensemble, ils forment le caractere le mieux deffiné & le portrait le plus parfait qui jamais ait été inis fur le théatre. Il n'en eft pas de même du Peintre qui ne peint qu'une feule fois chacun de fes perfonnages, & qui ne fçauroit emploïer qu'un trait pour exprimer une paffion fur chacune des parties du vifage où cette paffion doit être renduë fenfible. S'il ne forme pas bien le trait qui doit exprimer la paffion, fi, par exemple, lorfqu'il peint un mouvement de la bouche, fon contour n'eft point précisement la ligne qu'il falloit tirer, l'idée du Peintre avorte; & le perfonnage, au lieu d'exprimer une paffion, ne fait plus qu'une grimace. Ce que le Peintre fait de mieux dans les autres parties du vifage, peut bien engager d'excufer ce qu'il a fait de mal en deffinant la bouche, mais il ne fupplée pas le trait manqué. C'est même

fouvent en vain qu'il tente de corriger fa faute; il recommence fans faire mieux, & femblable à ceux qui cherchent dans leur memoire un nom propre oublié, il trouve tout hormis le trait qui pourroit feul former l'expreffion qu'il veut imiter. Ainfi quoiqu'il foit des caracteres qu'un Peintre ne puiffe pas exprimer, moralement parlant, il n'en eft pas qu'un Poëte ne puiffe copier. Nous allons voir auffi qu'il eft bien des beautez dans la nature que le Peintre copie plus facilement, & dont il fait des imitations beaucoup plus touchantes que le

Poëte.

Tous les hommes s'affligent, pleurent & rient; tous les hommes reffentent les paffions, mais les mêmes pasfions font marquées en eux à des caracte res differens. Les paffions font variées, même dans les perfonnes qui, fuivant la fuppofition de l'Artisan, doivent prendre un égal interêt à l'action principale du tableau. L'âge, la patrie, le temperament, le fexe & la profeffion mettent de la difference entre les fymptomes d'une paffion produite par le même fentiment. L'affliction de ceux qui regardent le facrifice d'Iphigenie vient du même fentiment de compaffion, &

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