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AVERTISSEMENT.

E tâche dans la premiere Partie de cet Ouvrage, d'expliquer en quoi confifte principalement la beauté d'un Tableau & la beauté d'un Poëme, quel merite l'un & l'autre ils peuvent tirer de l'obfervation des regles, & quel fecours enfin les productions de la Poëfie & celles de la Peinture peuvent emprunter des autres Arts, pour se montrer avec plus d'avantage.

DANS la feconde Partie, je traite des qualitez foit naturelles foit acquises, qui font les grands Peintres comme les grands Poëtes, & j'y cherche la caufe qui a pû rendre quelques fiécles fi féconds, & les autres fiécles fi fteriles en en Artifans celebres. J'examine enfuite comment la réputation des Artifans illuftres s'établit ; à quels fignes on peut prévoir fi la celebrité où ils font de leur temps eft un renom durable, ou bien une vogue paffagere ; & quels font enfin les préfages fur la foi desquels il est mis d'augurer que la renommée d'un Peintre ou d'un Poëte vanté par les Contemporains, ira toujours en aug

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mentant, de maniere qu'il fera plus prifé encore dans les fiécles à venir qu'il ne l'a été dans le fien.

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LA troifiéme Partie de cet Ouvrage eft uniquement emploïée à l'expofition de quelques découvertes que je pente avoir faites concernant les reprefentations théatrales des Anciens. Dans les éditions précedentes de mon livre, cette expofition fe trouve dans la premiere Partie. Je l'avois placée à l'endroit de l'Ouvrage, où le fujet paroiffoit l'amener. Mais on m'a fait obferver que ma digreffion inferée où elle l'étoit, faifoit perdre de vûë trop long-temps, la matiere principale. Ainfi j'ai fuivi le confeil qu'on m'a donné, d'en faire un Volume féparé, & je l'ai fuivi d'autant plus volontiers, que les augmentations que j'avois à faire à la differtation dont il s'agit, auroient rendu ma faute encore plus grande.

REFLEXIONS

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N éprouve tous les jours que les vers & les tableaux caufent un plaifir fenfible, mais il n'en est pas moins difficile d'expliquer en quoi confifte ce plaifir qui reffemble fouvent à l'affliction, & dont les fimptomes font quelquefois les mêmes que ceux de la plus vive douleur. L'art de la Poëfie & l'art de la Peinture ne font jamais plus applaudis que lorfqu'ils ont réiiffi à nous affliger.

Tome I.

A

La réprefentation pathetique du facrifice de la fille de Jepthé enchaffée dans une bordure, fait le plus bel ornement d'un cabinet qu'on a voulu rendre agréable par les meubles. On neglige pour contempler ce tableau tragique les fujets grotefques & les compofitions les plus riantes des Peintres galands. Un poëme, dont le fujet principal eft la mort violente d'une jeune Princeffe, entre dans l'ordonnance d'une fète ; & l'on deftine cette tragedie à faire le plus grand plaifir d'une coinpagnie qui s'affemblera pour fe divertir. Generalement parlant les hommes trouyent encore plus de plaifir à pleurer, qu'à rire au théatre.

Enfin plus les actions que la Poëfie & la Peinture nous dépeignent, auroient fait fouffrir en nous l'humanité fi nous les avions vûës veritablement, plus les imitations que ces Arts nous en préfentent ont de pouvoir fur nous pour nous attacher. Ces actions, dit tout le monde, font des fujets heureux. Un charme fecret nous attache donc fur les imitations que les Peintres & les Poëtes en fçavent faire, dans le tems même que la nature témoigne par un fremiflement interieur qu'elle fe fouleve contre fon propre plaifir,

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Jofe entreprendre d'éclaircir ce Paradoxe & d'expliquer l'origine du plaifir que nous font les vers & les tableaux. Des entreprises moins hardies peuvent paffer pour être temeraires, puifque c'est vouloir rendre compte à chacun de fon approbation & de fes dégouts; c'est vouloir inftruire les autres de la maniere dont leurs propres sentimens naislent en eux. Ainfi je ne fçaurois efperer d'être approuvé, fi je ne parviens point à faire reconnoître au Lecteur dans mon livre ce qui fe paffe en lui-même, en un mot les mouvemens les plus intimes de fon cœur. On n'hefite gueres à rejetter comme un miroir infidele le miroir où l'on ne fe reconnoît pas.

Les Ecrivains qui raisonnent fur des matieres, s'il étoit permis de parler ainfi, moins palpables, errent fouvent avec impunité. Pour demêler leurs fautes, il eft neceffaire de reflechir & fouvent même de s'inftruire; mais la matiere que j'ole traiter eft préfente à tout le monde. Chacun a chez foi la regle ou le compas applicable à mes raifonnemens, & chacun en fentira l'erreur dès qu'ils s'écarteront d'une ligne de la

verité.

D'un autre côté c'eft rendre un fer

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