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INTRODUCTION

Le Dogmatisme de Newman

<< Amoureusement jaloux des droits du passé, ouvert à toutes les exigences des temps nouveaux, Newman était capable tout à la fois de garder à l'antiquité une dévotion extraordinairement tendre, confiante, profonde, et d'entrer avec une sympathie très décidée dans ce que le mouvement intellectuel des temps modernes a de plus redoutable et de plus subtil. » Ainsi parle un homme dont les moindres mots sur Newman ont, à mes yeux, plus de prix que les commentaires infinis de la littérature newmanienne (1). Moins timide, moins hésitant que le plus avancé de nos contemporains, et, en même temps, plus aveuglément, obstinément, cordialement fidèle au passé, que le plus intransigeant des adversaires des «< idées modernes », tel apparaît bien Newman, à ceux du

(1) D. CHURCH. Occasional papers, II, 307.

moins qui ont lu ses livres. Pour les autres, il sera, suivant leur bon plaisir, ou libéral ou rétrograde. Il inquiéta jadis, maintenant peu s'en faut qu'il n'impatiente, et toujours, hier comme aujourd'hui, il déconcerte ceux qui le voudraient semblable à eux, tout d'une pièce, homme d'exclusion et de parti. Qu'y faire? Nous n'y pouvons rien. L'auteur des University Sermons et de la Grammar of Assent croyait d'une foi d'enfant à toutes les histoires de la Bible, sans en excepter les premiers chapitres de la Genèse, et il n'hésitait pas à mettre en quarantaine, les systèmes des astronomes, qui l'auraient empêché de suivre des yeux et du cœur, avec la foi des anciens âges, NotreSeigneur montant au ciel.

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La vue de l'automne dit un de ses héros peut remuer chez moi que de la tristesse. La nature est malade et va mourir, Toutes ces rougeurs du paysage ne sont que des taches de mort... il n'y avait pas d'automne au Paradis terrestre... Les feuilles toujours vertes ne tombaient jamais. L'automne nous vient de la chute originelle (1).

Vue de poète, si l'on veut, mais d'un poète croyant et qui entend être pris à la lettre. Bien des pages qu'on va lire et notamment toute l'analyse du tract 85 sur l'Ecriture, nous montreront combien cette foi est simple, confiante sans réser

(1) L. G. 247.

ves. Mais comme ce livre consacré à la psychologie de la foi, ne traite pas directement de l'objet même de cette foi, il est bon que le lecteur soit fixé d'ores et déjà sur ce point capital, et averti, une fois pour toutes, de la sincérité et de l'intégrité du dogmatisme newmanien. D'ailleurs quelques vagues fantômes le gênent peut-être. On lui a dénoncé ou vanté Newman comme un chrétien « minimiste », un ennemi des théologiens. Il sait qu'un fameux agnostique, Huxley, s'est fait fort de tirer des œuvres de cardinal, un « manuel d'incrédulité » ; il se dit « qu'il n'y a pas de fumée sans feu » et veut enfin savoir à quoi s'en tenir sur le << libéralisme » de Newman. Qu'il en juge par lui-même. De tous les problèmes qui se posent

ou que l'on pose, car en vérité celui-ci ne se pose pas autour de la pensée de Newman, aucun ne se dénoue avec plus d'aisance.

Pour un logicien comme Newman, libéralisme et protestantisme, c'est tout un. L'un et l'autre. suppriment le dogme. Non pas qu'ils aient d'abord ni l'un ni l'autre, pleine conscience du but où ils vont. Les protestants, lorsqu'ils se séparent de l'Eglise gardienne du dogme, les libéraux lorsqu'ils émiettent et minimisent la foi, entendent bien faire la part du feu et ne pas abandonner tout l'Evangile aux infidèles. Heureuse inconséquence, mais éphémère. Le branle est donné, si rien ne l'arrête, les âges prochains verront sombrer le christianisme. Newman a vu

le danger et il le dénonce. « Qui parle ainsi est un libéral, écrivait-il en 1831, et c'est presque la pire chose que je puisse dire de quelqu'un (1). » Sa campagne tractarienne, sa propre conversion au catholicisme, son attitude, ses paroles, ses livres répétent constamment, sous une forme ou sous une autre, que le libéralisme est « le mal géant ». En 1879, à la veille de se taire pour toujours, il vient à Rome pour y recevoir le chapeau de cardinal, il répète une suprême fois son cri de guerre et il résume toute sa vie en disant : « J'ai voulu, autant qu'il dépendait de moi, barrer la route au libéralisme. »

Il ne se flattait pas. Dans sa forme aiguë et agressive, le libéralisme s'attaque directement à l'Eglise elle-même; adouci, modéré, conciliant, gentlemanlike, il essaie de réduire la révélation à un minimum qui aille chaque jour en se volatilisant davantage. Newman répond à cette double manœuvre en maintenant énergiquement soit la nécessité d'une Eglise infaillible, soit l'intégrité absolue du dépôt de la foi. Le dogme n'est pas livré au sens personnel de chaque fidèle, ni enfermé dans un livre mort, mais confié à la garde de l'Eglise. Le dogme est chose sacrée, inviolable et qui réclame de nous une adhésion sans réticences. Telle est la formule du dogmatisme newmanien.

Les pages fameuses de l'Apologia où Newman

(1) A. L. I. 237.

prépare et introduit sa définition de l'Eglise, ressemblent à un affreux cauchemar.

Ma conscience me rend aussi certain de l'existence de Dieu que de ma propre existence. Mais lorsque sortant de moi-même, je regarde le monde qui m'entoure, le spectacle qui s'offre à moi me remplit d'une indicible détresse. Le monde semble simplement donner un démenti à cette grande vérité dont tout mon être déborde, et cela m'étourdit et me confond comme si on m'assurait que je n'existe pas. Imaginez un homme qui se regardant dans un miroir ne s'y verrait plus. C'est bien l'impression qui me saisit lorsque, regardant cette vie fiévreuse du monde, je n'y trouve aucun reflet du créateur. C'est là pour moi une des grandes difficultés contre la vérité primordiale et absolue dont je viens de parler. Si ce n'était pas cette voix qui parle si clairement à ma conscience et à mon cœur, le spectacle du monde ferait de moi un athée, ou un panthéiste, ou un polythéiste. Je parle pour moi seul et je suis loin de nier la vraie force des arguments de l'existence de Dieu, que l'on tire d'une vue d'ensemble sur la société humaine. Ces preuves n'ont pour moi ni chaleur ni lumière... La vue du monde est «pleine de lamentations, de désolation, de terreur »>.

Il n'y a qu'une façon d'expliquer ce mystère d'épouvante. « Quelque terrible calamité originelle pèse sur la race humaine. » Dieu s'est vengé en se retirant de son œuvre, en l'abandonnant au péché, à la souffrance, à l'indifférence religieuse.

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