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Or supposons que la divine bonté nous pardonne. Le mal est fait néanmoins, le monde reste vicié. « Quel antagoniste Dieu pourra-t-il opposer à ces puissances mauvaises; quelle force maîtrisera-t-elle et la férocité des passions, et le scepticisme impitoyable qui paralyse toute l'activité de l'esprit humain en quête de vérité religieuse? » Théoriquement, la raison toute seule pourrait bien retrouver Dieu. Pratiquement nous voyons, « qu'en dehors de l'Eglise catholique, l'Europe court, plus vite chaque jour, à l'athéisme universel ». Ne semble-t-il pas qu'une puissance enseignante et infaillible puisse être un moyen simple et efficace, de tenir tête à cette «immense énergie de l'intelligence », et d'en refréner les agressions (1).

Bref, en face du « mal géant », Dieu a dressé un autre colosse, également redoutable « as tremendous », l'Eglise infaillible. Après une page où Newman développe l'étendue de ce privilège essentiel de l'Eglise, il conclut :

Voilà quelles sont les prétentions de l'Eglise, et je déclare m'y soumettre absolument, je crois à tout le dogme révélé, tel que les apôtres l'ont confié à la garde de l'Eglise, tel que l'Eglise me le définit, je le reçois, tel qu'il est à cette heure, interprété infailliblement par l'Eglise qui en a la garde, et je le reçois, implicitement, dans toutes les interprétations futures

(1) A. p. 377-383.

que cette même Eglise lui donnera. Je me soumets encore à ces traditions universelles de l'Eglise, matière d'où sont tirées les nouvelles définitions dogmatiques faites au cours des siècles, revêtement et illustration des dogmes déjà définis. Et je me soumets à ces autres décisions, théologiques ou non, du Saint-Siège, qui me sont proposées par des organes choisis par lui, et qui, infaillibles ou non, exigent à tout le moins mon acceptation et obéissance. Enfin, graduellement la pensée catholique, aux mains de grands esprits tels que saint Athanase, saint Augustin et saint Thomas, a pris, peu à peu, certaines formes définies. C'est une science comme les autres, avec une méthode et une phraséologie qui lui sont propres. Je ne suis pour ma part aucunement tenté de réduire en poussière ce grand héritage de pensée qui a été légué aux derniers temps de l'Eglise (1).

La lettre au duc de Norfolk, destinée à calmer l'agitation soulevée en Angleterre par la définition du concile du Vatican, est, elle aussi, un long acte de foi à l'infaillibité de l'Eglise et du Pape.

On sait quelle place occupe dans l'apologétique catholique, l'argument du Judex controversiarum. Laissés à nos lumières ou à celles de l'Ecriture, nous ne pourrions pas choisir à coup sûr entre l'erreur et la vérité. Nous avons donc besoin d'un juge infaillible qui choisira pour nous. J'ai vu souvent répéter, et peut-être, ai-je cru moi-même que cet argument avait converti Newman au

(1) A. 377-390.

catholicisme. Il n'en est rien, comme j'espère le montrer bientôt. En tout cas, Newman était trop profondément dogmatiste pour ne pas sentir la force de cette preuve. Si lui-même s'est converti par d'autres raisons, il a tenu pourtant à ce que Charles Reding, le converti de Loss and gain, capitulât devant la nécessité d'un Judex controversiarum.

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Je vous déclare dit ce jeune homme, lequel ressemble souvent très fort à Newman je vous déclare que si l'Eglise romaine est aussi ambiguë que notre propre Eglise, alors, je ne verrai plus ce qui m'empêcherait de devenir sceptique. Que voulez-vous que je fasse s'il n'existe aucune autorité compétente pour me dire ce que je dois croire (1). O l'heureux homme dit-il en un autre endroit l'heureux homme qui sait ce qu'il doit croire (2).

Or si l'Eglise n'avait pas les théologiens à son service, l'infaillibilité serait un privilège chimérique. Newman n'a jamais hésité devant cette conséquence nécessaire. Nous verrons tantôt — au chapitre de la raison raisonnante - par suite de quels principes il croit devoir limiter l'action de l'intelligence pure dans les choses de la foi, mais enfin il a toujours déclaré formellement que << la science théologique, c'est-à-dire l'exercice de l'intelligence sur les vérités révélées, bien que

(1) L. G. 227. (2) L. G. 191.

n'étant pas directement devotional, est tout ensemble naturelle, excellente et indispensable ».

Elle est naturelle, parce que l'intelligence est une de nos plus hautes facultés; excellente, parce que nous avons le devoir de mettre en pleine valeur toutes nos facultés; indispensable parce que si nous ne raisonnons pas, nous, comme il faut, sur les vérités révélées, d'autres raisonneront de travers. En conséquence, l'intelligence catholique passe en revue le depositum de la révélation et en dresse le catalogue. Elle place, ajuste, définit chacune de ces vérités, elle les rapproche et les synthétise. De plus, elle prend à part certains aspects spéciaux de ces vérités, les analyse, les explique, tâche de les faire remonter jusqu'à leurs principes premiers, ou du moins les éclaire par des hypothèses... Logiques, ses déductions sont vraies, puisqu'elles sont déduites de la vérité, et donc, en un certain sens, elles sont une portion du depositum, auquel, en un autre sens, elles s'ajoutent (1).

En ce qui concerne l'objet même de la foi, le depositum fidei, l'adhésion de Newman ne me semble ni moins catégorique ni moins entière.

La foi dont parle l'Evangile est un dépôt précis, un trésor commun à tous, toujours un, toujours le même à chaque siècle, formulé en termes précis, tel enfin

(1) G. A. p. 145.

qu'on peut le recevoir, le conserver et le transmettre (1)...

La foi veut dire évidemment une doctrine définie. Le depositum est certainement une série de vérités et de préceptes (2)...

La théologie ne peut être que déductive. Elle ne connait qu'une seule question : qu'est-ce qui est révélé? Toute connaissance doctrinale découle d'une source première. S'il nous est possible d'étendre nos connaissances et de multiplier nos propositions, cela ne peut se faire qu'en comparant et ajustant entre elles les vérités originales. Pour résoudre les problèmes nouveaux, nous n'avons pas d'autre moyen que de consulter les réponses du passé. L'idée d'une doctrine toute nouvelle, et qui serait simplement ajoutée du dehors, est intolérable aux oreilles catholiques. La connaissance la plus élémentaire de notre Credo rend impossible toute imagination de ce genre. La révélation est une doctrine, seuls les apòtres en ont reçu le dépôt, seule la déduction peut y toucher, seule l'autorité de l'Eglise peut la sanctionner. La voix divine a parlé une fois pour toutes: l'unique problème qui reste est de savoir comment l'entendre (3).

Et n'essayez pas de désagréger ce bloc, de choisir telles vérités, de négliger telles autres, suivant les idées que vous vous faites de leur importance.

(1) P. S. II. XXII. 2) P. S. II. XXII. (3) I. U. p. 223.

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