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tiques ou à telles opinions. Elle admet tout l'assemblage des notions morales presque comme autant de faits évidents par eux-mêmes. D'où il arrive que les chrétiens, profondément instruits, et enrichis des dons les plus variés, se fourvoient ou ne peuvent être compris qu'à l'aide d'une étude des plus attentives, lorsqu'ils se mettent à parler ou à écrire sur la religion; et peut-être, après tout, ne sont-ils ni logiques, ni systématiques, regardant comme admis ce dont leurs lecteurs demandent la preuve, et semblant prendre pour la cause, la connexion ou l'antécédence; pour la preuve, la probabilité. Voilà pourquoi dans la discussion, des esprits myopes mais plus minutieusement raisonneurs ont quelquefois l'avantage surdes personnes telles que celles dont nous venons d'esquisser le portrait; ils ne comprennent pas que, même quand il s'agit d'excellence dans les facultés intellectuelles, on regarde comme le plus élevé des dons, de posséder sans raisonnement ni investigation, une connaissance intuitive de ce qui est beau dans l'art, ou de ce qui est efficace dans l'action; que c'est là, en effet, le génie; et que ceux qui communiquent par intuition avec la vérité morale, ont, en proportion, atteint, dans la partie spirituelle de leur nature, cette perfection spéciale que l'on trouve si rarement, et à laquelle on attache tant de prix, parmi les qualités intellectuelles de l'âme.

XIII

Ne pourrions-nous pas même aller jusqu'à assurer non seulement que la Vérité morale sera défendue

avec moins d'habileté par ceux qui en sont les dépositaires naturels, mais encore que le langage est nsuffisant pour l'exposer et la défendre complètement? Il n'y a pas de proportion entre ses vues et le langage humain. Car, après tout, qu'est-ce que le langage, sinon une composition artificielle, adaptée à des fins particulières déterminées par nos besoins? Et ici ne suffit-il pas d'un coup-d'œil, pour voir qu'il n'a pas été formé en vue d'idées si relevées, si délicates, si étrangères à tout ce qui tient au monde, que celles que, pour me servir des expressions de l'Ecriture,« personne ne peut apprendre » s'il ne fait partie de cette réserve d'hommes d'élite « rachetés d'entre les hommes, » et dans la bouche desquels <«< on ne trouve point de mensonge ». Ce n'est pas seulement ce langage céleste qui manque d'expressions correspondantes aux idées. Il est impossible, assurément, de représenter avec exactitude, au moyen des mots, le caractère moral, bon ou mauvais, tel qu'il se manifeste soit en pensée, soit en action. Nous pouvons, en effet, par un effort, le réduire à ces formules conventionnelles; mais, dans l'ensemble de ses dimensions, il est aussi difficile d'écrire et de lire un homme (si je puis m'exprimer ainsi), que de donner une profondeur réelle à un tableau.

XIV

Maintenant que nous avons fait ces remarques sur la nature de la Vérité morale, tirons de sa retraite notre Docteur, qui en est la personnification, pour le conduire après ses trente ans de préparation, au

milieu du fracas et du tumulte du monde; et pour le mettre en bonne voie, supposons-le environné de quelques titres de recommandation, soit ordinaires, soit extraordinaires, qui puissent le faire écouter de la multitude, tels que le pouvoir de faire des miracles, l'appui des chefs du gouvernement, la réputation du savoir. Car, par le temps qui court, il faut supposer tout cela : au milieu du bruit incessant qui se fait entendre dans le monde, il n'y a que celui qui crie fort et sans cesse qui attire l'attention. Les hommes professent un respect sincère pour la vertu, mais ils la laissent se morfondre, c'est un vieux proverbe. Ils ont, en effet, au fond du cœur, un sentiment mauvais qui, en dépit de pensées meilleures, leur fait envisager, comme une superstition et un esclavage, l'attachement à certaines lois et à certains. principes; pour eux, il n'y a de liberté que dans la faculté de vouloir efficacement le mal comme le bien, et ils savent par expérience (ce que personne ne peut nier) que celui qui secoue le joug d'une conscience délicate, accroît indéfiniment le talent qui est à sa disposition pour le temps, ainsi que son pouvoir immédiat d'arriver à ses fins. Ce qu'ils peuvent faire, c'est tout au plus d'admirer l'homme religieux et de le traiter avec déférence; mais, en son absence, ils sont forcés d'avouer, comme ils disent, qu'un être si aimable et si doux n'est pas propre à jouer son rôle sur la scène de la vie; qu'il est trop bon pour ce monde; qu'il est formé pour un âge plus primitif et plus pur: que son arrivée n'est plus de saison. Μακαρίσαντες ὑμῶν τὸ ἀπειρόκακον, dit, dans l'histoire le politique moqueur, οὐ ζηλοῦμεν τὸ ἄφρον; ne serait-ce pas la majeure partie des hommes de basse

comme de haute condition qui parleraient ainsi de l'apôtre saint Jean, s'il vivait aujourd'hui ?

XV

Il nous faut donc investir notre Docteur d'un certain appareil de puissance, afin qu'il inspire de la crainte. Et même avec cela, combien sa tâche, au premier coup d'oeil, ne paraît-elle pas devoir être stérile! Combien n'est-il pas peu probable qu'il puisse jamais faire un pas de plus que ne le comportent ses titres extérieurs de recommandation? Aussi, c'est merveille que la Vérité se soit répandue et maintenue parmi les hommes. Car, ne perdez pas de vue que ce qu'il doit promulguer, ce n'est pas seulement un corps d'opinions qu'il puisse déposer à la surface de l'âme, mais qu'il est destiné à changer les cœurs, comme le dit l'Ecriture, à mouler tous les hommes sur un seul modèle, s'en faisant aimer, ou plutôt leur faisant aimer plus que lui celui qui est le principe d'une création nouvelle. Dépourvu, comme nous l'avons dit, d'une éloquence suffisante, n'ayant pas même le langage à sa disposition, quelles sont, je le demande, les armes qu'il a en main? Il se trouve donc réduit, par la nature même des choses, à ses ressources personnelles, grandes ou petites; car il est évident qu'il ne peut confier sa charge à d'autres, comme à ses représentants, ni être transporté, pour ainsi dire, et mis en circulation par le monde jusqu'à ce qu'il ait rendu les autres semblables à lui.

XVI

Telle est l'histoire anticipée de la Vérité; ouvrezla, cette histoire, et vous y trouverez l'accomplissement de tout ce que nous venons de dire. La conscience de quelques-uns de ceux qui l'entendirent annoncer fut troublée un instant, et un grand nombre furent frappés de la majestueuse simplicité du grand Docteur; mais les orgueilleux et les hommes sensuels s'irritèrent contre lui; les prétendus philosophes trouvèrent ses doctrines étranges et chimériques; la multitude le suivit pendant quelque temps remplie d'une admiration stupéfaite, et ensuite abandonna subitement une cause qui paraissait perdue. En vérité, un Apôtre avait-il une autre tâche que celle de ressusciter les morts? Et de quel ridicule ne devait-il pas se couvrir, même aux yeux des hommes les mieux intentionnés et les plus sincères, en persistant à vouloir réchauffer, stimuler les membres glacés du cadavre, comme s'il eût pu lui communiquer sa propre vie, ou que le mouvement dût continuer un seul instant après le dernier effort de l'agonie?

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Ne fallait-il pas, en vérité, qu'un tel homme s'attendît à n'être regardé que comme un discoureur, un cerveau dérangé par son « grand savoir, » visionnaire, un enthousiaste, bon pour le désert ou le temple; pouvait-il espérer être autre chose qu'un sujet de raillerie à l'Aréopage, à Éphèse, un criminel condamné à combattre contre les bêtes, un acteur jouant un rôle qui se terminerait par sa propre mort.

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