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crime que pour en inspirer l'horreur. Il suffit de lire ses ouvrages pour se convaincre que, naturellement imbu de la politique italienne de son temps, qui n'était guère que la perfidie et la scélératesse, il employa tout ce qu'il avait d'esprit et de talent à réduire en système ce qu'il voyait pratiquer tous les jours. Cette sorte de perversité peut se rencontrer dans un pays de révolution, tel qu'alors était l'Italie. Mais je dois observer aussi à ceux qui, ne connaissant point la mesure des choses, voient des ressemblances où il n'y a que des rapports éloignés, qu'on a fait injure à Machiavel en agrégeant à son école nos docteurs révolutionnaires : la différence est très-grande. Machiavel examine les occasions où l'assassinat et l'empoisonnement, les moyens d'oppression, de division et de destruction, peuvent être utiles ou nécessaires à la puissance qui ne fait pas entrer la morale dans sa politique. Il raisonne le crime, mais il ne le consacre pas; il n'en dissimule pas même les dangers, et enseigne à en sauver l'horreur, autant du moins qu'il est possible. S'il se fût trouvé avec des hommes qui ne connussent d'autre politique que le pillage universel et le massacre universel, et qui posassent pour première base de gouvernement l'abolition

de tout ordre social, moral et légal, comme le font encore aujourd'hui ceux qui veulent à toute force proclamer le gouvernement révolutionnaire, il n'aurait vu en eux que la lie des bandits de l'Europe, devenus fous depuis qu'on les a déchaînés; et Machiavel, en voulant séparer la tyrannie de la démence absolue, eût vraisemblablement péri parmi nous, comme étant de la faction des hommes d'état, où de la faction des modérés, ou de la faction des honnétes gens: on peut choisir.

Il appartient à l'époque dont je parlais, par sa comédie de la Mandragore, qui, de son temps, eut un grand succès, et dont nous avons une imitation dans les œuvres de J.-B. Rousseau. Tout imparfaite qu'est pour nous cette pièce, elle donna la première idée de l'intrigue et du dialogue comique, comme la Sophonisbe du Trissin fut la première tragédie composée d'après les règles d'Aristote. Mais ces essais, quoique dignes d'estime, furent alors des semences stériles, et la poésie dramatique resta dans son enfance chez ces mêmes Italiens qui, dans les autres arts, étaient les précepteurs des nations.

Elle prenait cependant, non pas encore un vol soutenu ni bien réglé, mais un essor quelquefois

très-élevé, chez des peuples que l'Italie regardait comme des barbares. L'Espagne, qui tenait des Maures sa galanterie chevaleresque, ses tournois, ses poésies d'un tour oriental, et ses romances amoureuses, eut alors son Lope de Vega, et, depuis, son Caldéron, qui montrèrent de l'invention, de la fécondité et un génie théâtral. On sait que leurs innombrables drames, divisés en journées, sont dépourvus de tout ce que l'art enseigne, et de tout ce que le bon sens prescrit; mais il y a des situations, des effets, des caractères même, et c'est ce que n'ont point ou presque point nos meilleurs tragiques du même temps, aussi inférieurs aux Espagnols et aux Anglais, que Corneille et Racine leur ont été depuis supérieurs. C'est au même moment que parut chez les Anglais leur Shakespeare, qui eut les beautés et les défauts de Lope et de Caldéron, mais qui, sans porter l'art plus loin qu'eux, l'emporta sur eux par un talent naturel, quelquefois élevé jusqu'au sublime des pensées, à l'éloquence des passions fortes, à l'énergie des caractères tragiques. Dans ces morceaux d'autant plus frappans qu'ils sont chez lui plus rares et plus mêlés d'alliage, il fut, il est vrai, au-dessus de son siècle, où la véritable

tragédie était ignorée partout; mais depuis que des génies du premier ordre, sous Louis XIV et de nos jours, l'ont portée à sa perfection, il n'appartient plus qu'à la prévention nationale chez les Anglais, ou parmi nous à la manie paradoxale, de comparer les maîtres dans le premier des arts cultivés par les nations éclairées à un écrivain qui, dans la barbarie de son pays et dans celle de ses écrits, fit briller des éclairs de génie.

Le Portugal pouvait se glorifier d'avoir donné à l'épopée un poëte de plus, Camoëns, qui eut, à la vérité, fort peu d'invention, mais qui, dans plus d'un endroit de sa Lusiade, retraça l'élévation d'Homère, et dans l'épisode d'Inès, l'expression touchante de Virgile. Son poëme, trop au-dessous de son sujet, qui était grand; trop défectueux dans le plan, qui est à peu près historique, se recommandait surtout par l'espèce de beauté qui contribue le plus à faire vivre les ouvrages de poésie, celle du style.

Le Nord n'avait encore rien produit dans les arts de l'imagination, mais il s'illustrait d'une autre manière par les services qu'il rendait aux sciences; et, quoiqu'elles n'entrent pas dans notre plan, il convient au moins de les rapprocher ici un mo

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ment sous ce coup d'œil général que je dois étendre sur tous les pas que faisait en même temps l'esprit humain, qui, dans tous les états de l'Europe, reprenait le mouvement et la vie.

Copernic n'est pas le premier, comme il est trop ordinaire de le croire, qui ait placé le soleil au centre du monde, et qui ait fait tourner autour de cet astre la terre et les planètes. Près de deux mille ans avant lui, un des disciples de Pythagore, Philolaüs, avait publié ce système : il venait encore d'être discuté et soutenu à Rome, dans le quinzième siècle. Mais il est resté à Copernic, parce qu'il réussit à le démontrer. Il étendit et perfectionna, par ses méditations, cette ancienne théorie long-temps oubliée, et parvint à expliquer heureusement tous les phénomènes célestes par le double mouvement de la terre, et par les révolutions régulières des planètes autour du soleil, en proportion de la distance où elles sont de cet astre, placé au centre de notre sphère. Galilée, dans l'âge suivant, rendit sensibles aux yeux les vérités enseignées par Copernic. Le Hollandais Métius venait d'inventer les verres d'optique: Galilée, à l'aide de cette découverte, que ses expériences enrichirent encore, nous montra

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