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Nous avons déjà discuté ce point en ce qui regarde la critique textuelle1. Touchant la conservation des textes bibliques, les décisions et l'enseignement de l'Église ne garantissent que deux faits généraux, également reconnus par une critique impartiale, à savoir, que les livres bibliques n'ont pas été altérés dans leur substance, et que les altérations accidentelles qui peuvent exister dans les textes ecclésiastiques n'ont jamais eu pour résultat d'y introduire une erreur doctrinale, une croyance étrangère à la révélation conténue dans les Écritures authentiques. L'intégrité substantielle, que l'Église assure à la Bible dont elle fait usage, se trouve garantie implicitement aux autres textes anciens de l'Écriture, à cause du rapport étroit qu'ils ont avec les textes ecclésiastiques. La Bible hébraïque, la Bible grecque, la Vulgate latine, malgré les nombreuses divergences qui existent entre elles, représentent substantiellement les Écritures originales. Aucune de ces Bibles ne peut passer pour un témoin indiscutable et parfaitement exact du texte primitif dans ses menus détails. Or ce sont justement ces détails qu'examine la critique textuelle. L'exercice de celle-ci ne sera donc entravé aucunement par la doctrine de l'Église touchant la canonicité des Livres saints et l'authenticité de la Vulgate.

4. Histoire du texte hébreu de l'Ancien Testament, p. 203-211.

Il est vrai qu'une interprétation trop rigoureuse des décrets de Trente conduit certains théologiens à d'autres conclusions. Cette interprétation nous mènerait aussi à un désastre exégétique. Le savant, condamné à retrouver dans les Écritures primitives, surtout dans le texte hébreu de l'Ancien Testament, tous les passages de la Vulgate ayant une signification dogmatique et morale, n'atteindrait jamais le but qu'il serait obligé de poursuivre. Toute version est déjà un commentaire. Saint Jérôme a bien pu mettre, et de temps en temps il a mis sa propre pensée, une pensée vraie en elle-même, conforme à a tradition ecclésiastique, au lieu de la pensée primitive, principalement dans les passages obscurs et où le texte hébreu lui-même a souffert1. Après saint Jérôme, un passage comme le verset des trois témoins célestes, dans la première Épître de saint Jean, a pu s'adjoindre au texte de la Bible sans que l'on soit obligé de le rétablir dans le grec, où très probablement il n'exista jamais. Sa présence dans la Bible officielle de l'Eglise romaine lui confère l'autorité d'un témoignage traditionnel; elle ne saurait lui donner l'autorité d'un témoignage biblique, cette autorité n'appartenant qu'au texte authentique de l'Épître.

1. Voir notre étude sur Le livre de Job, introduction, p. 7-11. 2. Voir Histoire du Canon du Nouveau Testament, p. 260-271, 290-294.

Les définitions de l'Église ne gênent pas davantage l'exercice de la critique dans les questions d'authenticité. Jamais jusqu'à ce jour l'Église n'a défini que te livre de la Bible appartient à tel auteur, ou qu'il a été composé de telle manière. Elle a déclaré simplement que tous les livres de la Bible sont inspirés et canoniques. L'Église pourrait certainement, si elle le jugeait à propos, émettre une décision sur cette matière, comme elle pourrait le faire aussi en matière de critique textuelle. Il s'agit là de faits qui sont en relation directe avec l'objet de la révélation, bien qu'ils n'y soient pas compris, et l'Église a le droit de porter sur ces faits un jugement absolu, dès qu'elle en reconnaît le besoin ou l'utilité. Mais autre chose est le droit strict, autre chose l'exercice actuel et complet du droit. Pour qu'une définition soit formulée, il est nécessaire d'abord que la matière soit préparée. Or, si l'origine de certains livres bibliques ne prête guère à discussion et n'a pas besoin d'être garantie autrement, celle de certains autres est fort obscure. Ainsi l'Église pourrait promulguer une définition sur l'origine du Pentateuque; mais, à l'heure présente, on ne trouverait sans doute pas un seul théologien catholique, véritablement au courant de la question, pour soutenir que l'attribution à Moïse du Pentateuque tout entier doit être présentée aux fidèles comme un point de foi ou une vérité certaine

selon les principes de la foi. On ne songera pas d'ailleurs à enlever à Moïse, par un jugement solennel, tout ou partie du Pentateuque. D'où il suit qu'une définition ecclésiastique sur un pareil sujet a peu de chances de se de chances de se produire, et que la critique reste libre d'examiner la question avec la prudence et la maturité convenables.

L'Église nous enseigne que les Livres saints contiennent la révélation sans mélange d'erreur. La logique demande qu'ils renferment aussi les preuves historiques de la révélation. Pour satisfaire à ce dernier objet, il faut que la Bible, prise dans son ensemble, soit authentique au moins dans un sens large, que ce soit un document historique suffisamment complet, exact et digne de foi pour établir l'origine divine de la religion. Mais on ne peut déduire de cette nécessité logique ni du caractère divin de la Bible, que l'attribution particulière de tel livre à tel auteur soit objet de foi ou garantie absolument par la doctrine de la foi. Les questions d'origine et de composition restent donc, méme pour les Livres saints, des questions d'histoire littéraire, qui relèvent directement du témoignage historique et de l'examen critique. Elles peuvent très bien, dans certains cas, n'admettre pas de réponse certaine : l'auteur et la date de plusieurs écrits bibliques sont parfaitement inconnus. Mais là où il y a certitude, il s'agit de certitude historique, alors même que la

doctrine de la foi confirme d'une manière générale et indirectement les conclusions de l'historien. Sans cette certitude historique, toute la démonstration évangélique et l'apologétique chrétienne rouleraient dans un cercle vicieux. Il convient donc de traiter les questions d'authenticité biblique plus prudemment que les questions de littérature profane, à raison du caractère sacré des documents; mais il n'y a pas lieu d'employer une autre méthode1.

Ici encore, en exagérant les conséquences de la doctrine traditionnelle sur l'inspiration des Écritures, on pourrait susciter à la critique de graves embarras. C'est ce qui arriverait, par exemple, si l'on considérait comme inspirés et nécessairement vrais tous les titres de livres, ou bien si l'on prenai toujours à la lettre les attributions apparentes, les formules de citation d'un livre sous le nom de tel ou tel auteur. Les titres sont, la plupart du temps, des données surajoutées aux morceaux qu'ils précèdent : si respectables que soient ces données à raison de leur antiquité, du soin avec lequel la tradition les a conservées, on a le droit d'en vérifier l'exactitude. Les indications contenues dans les livres eux-mêmes ne doivent pas être interprétées non plus d'une façon toute mécanique et brutale, mais selon l'esprit des auteurs et de l'antiquité. Les

1. Cf. Revue biblique, 1892, p. 557-559.

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