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n'a jamais été à la merci d'un accident particulier. A côté des accidents favorables d'où l'on fait dépendre toute la fortune de la religion israélite, il en est d'autres funestes qui auraient dû en procurer la ruine totale et qui en ont, au contraire, accéléré le progrès. Ne pourrait-on pas dire aussi que le iahvéisme prophétique mit tout son enjeu sur une seule chance, le Deutéronome présenté à Josias comme gage infaillible de salut, et que la malheureuse fin du pieux roi était la banqueroute de toutes les promesses1? Jérémie cependant n'en fut pas déconcerté. L'espérance d'Israël survécut à cette catastrophe ; elle survécut à la ruine du premier temple, que l'on avait tant de raisons de croire intangible; elle survécut à l'état misérable où languit pendant quelque temps la communauté juive de Jérusalem après le retour de la captivité; elle survécut à la mort de Judas Machabée, qui ne fut pas enseveli dans son triomphe mais bien dans une défaite qui aurait dû paraître irrémédiable. Et pourquoi ne pas ajouter

1. Renan s'abstient de souligner cette épreuve capitale de la foi iahvéiste et se demande simplement (III, 262) comment les (( piétistes » purent expliquer «< la mort prématurée et imméritée de ce prince accompli selon Iahvé ».

2. Cf. Is. viii, 18; xxxı, 5-9. Jérémie (vii, 10 et suiv.), faisant entrevoir que le temple de Jérusalem aurait le même sort que celui de Silo, scandalisait ses contemporains; on l'excuse sur ce que sa prédiction est conditionnelle (JÉR. XXVI), comme elle l'était en effet, même dans l'esprit du prophète.

3. « La misère, en ces premiers temps du retour, dut être horrible» (IV, 4).

4. Cf. I MACCH. IX, 23-27.

qu'elle survécut à la mort de Jésus, qui, vu l'état d'esprit de ses disciples, aurait dû être la fin de tout pour ceux qui l'avaient suivi?

Après chacune de ses épreuves, la foi se relève plus vivante et plus ferme, plus pure aussi et plus large dans l'idéal qui lui refait une espérance. Il y a là autre chose qu'une série de hasards heureux, de coups de dés qui réussissent au lieu de manquer, il y a une force mystérieuse, cachée dans une idée qui marche et qui se réalise en marchant, que les obstacles excitent, au lieu de la retarder, qui profite plus de ses déconvenues apparentes que de ses succès. Un observateur facétieux peut nombrer les illusions qui sont tombées sans qu'on y fît seulement attention, à chaque tournant du chemin, et se persuader, par des syllogismes très subtils, que la foi des générations repose sur la masse de ces illusions. qu'elle a laissées derrière elle et qu'elle ne connaît plus. Il faut bien que sa force ait été ailleurs, c'està-dire en elle-même, dans l'esprit invisible qui la poussait en avant, même et surtout quand les événements paraissaient devoir l'accabler. Par ce côté encore, la religion juive, jusqu'à l'avènement du christianisme, et le christianisme depuis Jésus offrent un exemple unique. Toute leur histoire est comme une perpétuelle répétition de celle des disciples d'Emmaüs, une série d'espérances trompées. convoyant une espérance inébranlable: ce qu'on

avait attendu n'est pas arrivé, mais on a entrevu, comme dans un éclair, le Sauveur qui doit venir, et l'on s'est remis en marche plus confiant qu'auparavant. Ce n'est rien, c'est l'humanité qui rêve, dit le rationaliste superficiel. C'est tout, dit la foi, car c'est Dieu qui vient. N'est-ce pas la foi qui a raison?

A. LOISY. Études bibliques.

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L'ÉVANGILE SELON SAINT JEAN1

C'est un beau livre à commenter que l'Évangile johannique, et c'est aussi opinion courante chez les théologiens, même chez les critiques, qu'il est plus facile à interpréter que l'Apocalypse. Peut-être cette opinion vient-elle de ce qu'on ne cherche pas dans l'Évangile tout ce qu'il contient, tandis que l'on veut trouver dans l'Apocalypse plus que l'auteur ne s'est proposé d'y mettre. Quoi qu'il en soit, nous voyons les commentateurs de l'Évangile aborder leur tâche aussi allègrement que s'il s'agissait d'expliquer la parabole du Pharisien et du publicain, ou le Discours sur la montagne. Les critiques affirment une différence de caractère entre saint Jean et les Synoptiques, mais ils s'accordent assez mal pour la définir, et, d'ordinaire, ils appliquent indistinctement les mêmes procédés d'herméneutique aux quatre Évangiles. A plus forte raison nos commentaires en usent-ils ainsi, bien qu'ils dussent avoir appris des anciens Pères à distinguer l'Évangile spirituel, théologique et mystique, des Évangiles corporels, où

1. Revue du clergé français, 1er novembre 1898.

l'histoire est simple réalité, le discours simple vé

rité.

Le plus récent, et non le moins remarquable, des commentaires catholiques sur le quatrième Évangile ne fait pas exception à cette règle. Le P. Knabenbauer, dont nous recommandons à nos lecteurs l'important ouvrage, ne voit pas plus de mystère aux récits de Jean qu'à ceux de Marc, ni à ses discours qu'à ceux de Matthieu ou de Luc. A peine remarque-t-il, pour nous la signaler, une couleur de style qui est johannique; mais le fond, la substance serait absolument de même nature que la substance de l'Évangile synoptique.

Et pourtant la tradition des siècles chrétiens se résumerait assez bien dans les paroles d'un vieux prologue latin, antérieur à saint Jérôme, qui découvre dans tous les faits et discours un sens plus profond que celui de la lettre. Aurions-nous besoin qu'on nous dise de ne pas laisser perdre une partie de notre héritage, qu'on nous invite à ne pas restreindre la signification d'un livre que nos pères comprenaient

1. Commentarius in Evangelium secundum Joannem. Paris, Lethielleux, 1898.

2. Primum signum ponens (Johannes) quod in nuptiis fecit Deus ut ostendens quod erat ipse legentibus demonstraret quod, ubi Dominus invitatur, deficere nuptiarum vinum debeat ac veteribus immutatis nova omnia quæ a Christo instituuntur appareant. De quo singula in mysterio acta vel dicta evangelii ratio quærentibus monstrat. » WORDSWORTH et WHITE, Novum Testamentum latine, IV, Ev. sec. Johannem.

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