ordonnez fuffent heretiques, ils ne laiffoient pas d'être Evêques, parce qu'ils avoient reçu immediatement ce ministere de Dieu.

C'est donc une chimere inconnuë à toute l'antiquité que cette miffion extraordinaire & immediate que les Miniftres attribuent aux auteurs de leur Reformation: & les Peres ont été fi éloignez de croire qu'elle fut poffible après L'établiffement de l'Eglife, que tous leurs argumens font uniquement fondez fur ce principe: Qu'on ne peut être Evêque & Miniftre de l'Eglife fans fucceffion; & que quiconque eft né de lui-même, eft profane & ennemi de l'Eglife: Habere enim & tenere Eccle- Cyprian: fiam nullo modo poteft qui ordinatus in Ep. 76, Ecclefia non eft.

pour

Mais il n'eft pas befoin d'avoir recours à la tradition pour combattre cette réverie. La raifon feule fuffit cela. Et il n'y a qu'à reprefenter ce qu'elle enferme, pour convaincre tout le monde qu'il étoit difficile d'avancer une propofition plus temeraire.

Dire que la miffion des auteurs de la pretenduë Reformation étoit extraordinaire & immediate, c'eft dire qu'ils E 2

avoient

ayoient reçu de Dieu immediatement toute l'autorité & toute la puiffance qu'ils le font attribuée, & que Dieu les avoit établis fes Miniftres pour executer en fon nom tout ce qu'ils ont fait.

Il ne faut donc que confiderer quelle eft cette puiffance,& cette autorité qu'ils ont exercée, & quelle eft l'étendue de ce miniftere qu'ils pretendent que Dieu leur a confié,& par cette confideration on decouvrira d'abord que c'eft le plus grand miniftere & la plus grande puiffance que Dieu eut jamais communiquée à de fimples hommes.

Celle qu'il donna autrefois au Prophete Jeremie, en lui difant, qu'il l'avoit établi fur les Nations & fur les Roiaumes, pour arracher & pour detruire, pour ane antir & pour diffiper, pour édifier & pour planter, n'en étoit qu'une legere figure, puifqu'elle ne s'étendoit qu'à predire les malheurs qui devoient arriver aux peuples que ces propheties regardoient, & à reprendre les vices des Prêtres de fon tems fans les dépouiller de leur miniftere, & fans fe l'attribuer à foi-mê

me.

L'autorité que les Miniftres ont re

ещё

çuë de Dieu, va bien au-delà. Car voicice qu'elle enferme, felon l'idée qu'on s'en peut former fur leurs actions.

Il faut qu'ils aïent pretendu, 1. Que Dieu les avoit établis immediatement Evêques & Pontifes avec toute l'autorité que les anciens Evêques avoient eue pour gouverner l'Eglife de Dieu. 2. Que cette autorité & cette commiffion enfermoit une jurifdiction fur toute la terre, par laquelle ils y pouvoient prêcher leur nouvelle Réformation, & établir par tout des Pasteurs, pour la prêcher en leur nom.

3. Qu'ils avoient droit de dégrader, de dépofer & d'anathematifer tous les Palteurs qu'ils trouvoient établis dans tout le reste du monde, en quelque communion que ce fût. Car les anathemat fant comme ils ont fait, ils les ont en effet dépofez autant qu'il étoit en leur pouvoir. Et fi leur autorité étoit réelle & legitime, ces Evêques fe devoient tenir pour dépofez, & recourir aux Miniftres pour être rehabilitez. dans leur miniftere, quand même ils auroient embraflé la doctrine des Calviniftes.

4. Qu'ils étoient établis de Dieu

pour examiner tous les Conciles qui étoient tenus avant eux, pour cafler toutes les ordonnances injuftes qu'ils avoient faites, & pour inftituer un nouveau gouvernement de l'Eglife tout different de celui que les Conciles avoient établi avant eux. Car ayant fait toutes ces chofes, il faut qu'ils foutiennent qu'ils ont eu autorité de les faire.

5. Qu'auffi-tôt qu'ils parurent au monde, & qu'ils eurent publié leur prétendue Réformation, tous les Chrétiens du monde, Romains, Grecs, Armeniens, Jacobites, Neftoriens, furent obligez de renoncer à leurs Pafteurs ordinaires, & de fe foumettre à ce nouveau miniftere en abandonnant l'ancien, & en ne recevant plus aucun Pasteur, qui ne tirât son origine d'eux & qui n'eût reçu comme eux une misfion extraordinaire.

Voilà une partie de ce qu'enfermoit cette miffion extraordinaire. Et il eft.

vifible par là que la pretention de ces nouveaux Réformateurs eft pour le moins auffi furprenante, que celle d'un homme qui auroit la hardieffe de publier que Dieu l'auroit établi Roi de

toute

toute la terre, avec pouvoir de dépofer de leurs Etats tous les Rois & tous les Princes qui ne le reconnoîtroient pas.

L'une & F'autre pretention feroit fans exemple dans le paffé; l'une & l'autre tendroit à perfuader une chofe que le fens & la raison font incapables de découvrir; l'une & l'autre feroit fondée fur un ordre fecret & libre de la volonté de Dieu que l'on voudroit obliger les hommes de croire. On en doit donc juger de la même forte.

Or quel eft le jugement que l'on porteroit de celui qui voudroit perfuader aux hommes, que Dieu l'auroit établi Roi de tout le monde ? Ne croiroit-on pas le traiter avec beaucoup de douceur & d'indulgence, de lui demander qu'il autorifât donc par des miracles clairs & indubitables ce droit fi extraordinaire & fi inoüi Et pourroit-il s'exempter avec quelque aparence de raifon, de fatisfaire à une fi jufte demande ? Ne feroit-ce pas au contraire le comble, je ne dis pas de l'injuftice, mais de la folie, fi cet homme en vouloit être cru à fa parole, & fi par quelques qualitez humaines qui n'auroient nulle liaison E 4 necef