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le jugement qu'on en porteroit feroit vifiblement temeraire.

Or ces paffages font de deux fortes. Car les uns font femblables dans l'expreffion, & donnent lieu neanmoins fouvent de prendre celui dont il s'agit en un autre fens que celui qui fe prefente d'abord. C'eft ainfi que les Miniftres pretendent expliquer ces paroles: Ceci est mon corps, en un fens differend du litteral par la comparaifon d'autres lieux qui pretendent y être femblables, & qui s'entendent neanmoins en un fens metaphorique.

Les autres font ceux qui contiennent quelque fens contraire au paffage dont il s'agit, pris dans le fens qui s'offre d'abord. Car cette contrarieté ne pouvant être réelle, oblige de prendre les uns ou les aurres dans un autre fens que celui que que les paroles prefentent. C'est ainsi que les Miniftres pretendent que les paffages de l'Ecriture, qui nous affurent que JESUS-CHRIST eft dans le ciel, étant contraires au fens litteral de ces paroles: Hoc eft corpus meum, obligent de recourir au fens de figure. Ainfi avant que d'être affuré du fens d'un paffage, il eft neceffaire de favoir O 4

s'il

s'il n'y a point de paffages qui montrent qu'on en peut prendre les paroles dans un autre fens que celui qui y paroit, & s'il n'y en a point même qui y obligent par la contrarieté qu'ils peuvent avoir avec ce fens aparent. C'eft-à-dire, que l'examen de tout paffage fur lequel on veut fonder quelque dogme, enferme, felon les termes mêmes des Calviniftes, une revuë de toute l'Ecriture, pour en comparer les expreffions avec ce passage, ou au moins la lecture des livres qui les auroient ramaffées, puifque fans cela on ne peut avoir une affurance raifonnable que l'on ne fe trompe pas dans l'intelligence de ce paffage par l'aveu même des Miniftres.

L'affurance même que l'on peut aquerir par ce moïen n'eft pas trop grande. Car n'y a t'il pas lieu de craindre, quand on liroit tout exprès toute l'Ecriture pour bien penetrer le fens d'un paffage, que l'on n'ait pas toujours l'efprit affez apliqué pour y remarquer tout ce qui peut fervir à l'éclaircir ou à le déterminer ? Combien y a-t'il de chofes qui nous échapent, quelque attention qu'on tâche d'y aporter? Que fi nous nous contentons de voir seule

ment

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ment les lieux que d'autres auront remarquez, quel fujet avons nous de nous tenir affurez de leur exactitude?

Mais enfin, il eft clair qu'en fe reduifant même à une exactitude telle que les hommes la peuvent aporter, cette feule condition d'examiner fur chaque passage tous les lieux de l'Ecriture, qui peuvent fervir à en determiner le fens, fuffit pour donner déja bien de l'exerci ce à tous ceux qui entreprendront de s'informer de la Religion par cette voie.

Quelque long que foit cet examen, il est encore bien éloigné d'être au point qu'il doit être pour porter un jugement raifonnable de ce differend. Il ne fuffit pas de confulter foi-même l'Ecriture, il faut auffi confulter ceux qui ont travaillé à l'éclaircir, & qui font établis pour l'expliquer. Car quelque clarté que les miniftres lui attribuent, ils ne pretendent pas neanmoins qu'elle nous difpenfe de recevoir inftruction des

hommes.

C'est ce que Chamier enfeigne expreffement dans le livre 9. de fon premier tome: Si, dit-il, par ses paroles, la feule Ecriture fuffit, Bellarmin entend que l'on exclut les moiens par lef OS quels

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quels on eft inftruit de ce que contient l'Ecriture; on lui accorde tout fon argument, c'est-à-dire, qu'on lui accorde qu'elle ne faffit pas fans le fecours des Interpretes. Car nous favons qu'il y a un ordre établi dans l'Eglife, & que cet ordre demande qu'il y ait des perfonnes qui expliquent l'Ecriture: & ce font ceax qui peuvent être apellez, Pasteurs on Docteurs.

Il reconnoit donc que cet examen de l'Eeriture n'exclut point, mais enferme plutôt la neceffité de recevoir l'inftrution des Docteurs, & que la prudence veut que l'on s'adreffe à eux, & que l'on fe ferve de leurs lumieres.

Mais fi l'on s'adreffe à quelques Interpretes,qui feront ceux que l'on choifira: Les Miniftres feront-ils affez injuftes, pour pretendre qu'il fuffit de confulter ceux de leur parti, & qu'il n'y a qu'eux que l'on doive confulter ? J'ai peine à croire qu'ils veuillent s'engager à foutenir cette pretention, puifqu'il eft vifible que fi des gens, qui chercheroient à s'inftruire de la Religion fans avoir encore de féntiment fixe & arrêté, avoient à faire choix de quelques Interpretes de l'Ecriture à

l'exclufion

l'exclufion des autres, ils leur prefereroient fans doute les Pasteurs de l'Eglife Catholique, parce que leur autorité eft bien mieux établie que celle des Miniftres.

Ils feront donc mieux de pretendre que cet homme qui veut examiner raifonnablement cette importante question de la regle de la foi, doit écouter les divers fentimens des uns & des autres, & leurs diverfes reflexions fur l'Ecriture, pour embraffer celles qui lui paroitront conformes au texte.

Il n'y a rien de plus jufte que d'exiger de lui cette forte de foin & de diligence. Car pourquoi croiroit-il que toutes les lumieres font renfermées dans fa tête, & qu'il n'a point befoin de celles d'autrui ? Pourquoi prefereroit-il certains Interpretes aux autres, n'étant point encore déterminé fur le fond de la doctrine? Le voilà donc embarqué à un terrible travail,

Car il feroit ridicule de vouloit qu'il se conteniât dans chaque parti du premier Interprete de l'Ecriture qu'il rencontrera, puifqu'il n'a pas droit de fupofer qu'il rencontrera d'abord le meilleur. Il faut donc qu'il en faffe le choix,

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