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de leur plein gré, se placer sous la protection des lois du pays de refuge le détenu, amené de force sur ce territoire, n'aurait dès lors aucun droit de s'en prévaloir. Cette objection provient d'une erreur que nous avons déjà, plus d'une fois, signalée. Les prescriptions et les réserves, insérées dans les traités d'extradition, n'ont pas été dictées par l'intérêt du réfugié; elles ne constituent pas une faveur qui lui est accordée. Elles ont été inspirées par des considérations de justice et d'humanité; elles relèvent d'un intérêt général, et résultent des principes fondamentaux du droit public en vigueur dans le pays de refuge. L'individu réclamé n'a pas le droit de se prévaloir des prescriptions d'un traité, qui a pour unique objet de définir les obligations respectives des deux nations contractantes. Par conséquent, il n'existe, à ce point de vue, aucune différence entre le réfugié volontaire et l'individu amené par contrainte. Le gouvernement ne doit aucune faveur à l'un ni à l'autre; mais il se doit d'observer, à l'égard de tous deux, les principes que des raisons d'ordre supérieur lui ont fait inscrire dans le droit public.

A quoi tend, du reste, l'objection que nous cherchons à réfuter? A établir que le transit des extradés doit être autorisé, sur la simple demande du pays requérant, sans que le pays tiers ait à s'inquiéter des conditions dans lesquelles l'extradition a été accordée. Un pareil système conduirait à des résultats inacceptables.

D'après un usage presque universel, les gouvernements ne consentent point à l'extradition de leurs nationaux. Devraient-ils donc autoriser, sur leur territoire, le transit d'un national, dont l'extradition aurait été accordée par un pays voisin à un autre État? Se prêter de la sorte à la remise d'un national à la justice étrangère, serait une inconséquence flagrante.

La France, comme beaucoup d'autres États, tient à honneur de ne pas consentir à l'extradition d'un réfugié politique. Devrat-elle permettre le transit d'un étranger dont l'extradition aura été autorisée pour une infraction politique?

Une nation civilisée ne livre point un étranger à un pays sauvage, où l'attend un supplice barbare. Devra-t-elle, en pareille hypothèse, autoriser le transit d'un extradé?

Poser de telles questions, c'est, les résoudre. Il suffit donc, pour avoir raison de l'objection, d'en montrer les conséquences directes. Nous le répétons le transit d'un extradé ne doit être autorisé

s'il

que dans le cas où son extradition aurait dû être accordée, avait été arrêté sur le territoire du gouvernement intermédiaire. Il résulte de ce principe que le gouvernement requis a le droit et le devoir d'examiner chaque demande de transit qui lui est adressée, et de vérifier, pour chaque cas particulier, s'il y a lieu de se prêter à la mesure d'extradition pour laquelle son concours est réclamé. Il ne doit pas s'engager, d'une manière générale et absolue, à autoriser le transit des individus dont l'extradition sera accordée par tel pays à tel autre. Deux Puissances, séparées par un État intermédiaire, ont un intérêt manifeste à obtenir de cet État un engagement général de cette nature. Mais l'État intermédiaire doit réserver sa liberté d'action, et ne pas aliéner son droit de statuer sur chaque cas spécial. Accorder, par avance, une autorisation générale, ce serait s'associer, sans restriction, à toutes les mesures d'extradition prises par les deux États cocontractants, et s'exposer à concourir à la violation des principes qui dominent la matière.

Il est indispensable, d'ailleurs, sous un autre point de vue, que l'État requis conserve la faculté de répondre par un refus à une demande de transit. Il est des circonstances où le transfèrement d'un étranger sur son territoire ne pourrait s'effectuer sans de sérieux inconvénients pour l'ordre public. L'État requis, alors, a un intérêt manifeste à refuser le transit. C'est encore une raison pour qu'il ne prenne pas, à l'avance, un engagement général et absolu.

Une autre conséquence du même principe, c'est que l'État requérant doit fournir au gouvernement du pays de transit des éléments d'information qui lui permettent de prendre une détermination en pleine connaissance de cause. Il ne suffit point d'une déclaration ou d'un acte constatant que l'extradition du fugitif a été accordée par le pays de refuge. Il faut y joindre des renseignements précis sur la nationalité de l'extradé, sur la nature des infractions relevées à sa charge, sur la pénalité qui lui est applicable. En un mot, l'État requis doit avoir à sa disposition tous les éléments nécessaires pour apprécier exactement la portée de la mesure pour laquelle son concours est demandé. A l'État requérant revient le soin de fournir ces indications par la voie diplomatique.

D'après ce qui précède, on pourrait être tenté de soumettre les demandes de transit à des conditions de forme qui n'y sont pas applicables. Il a été soutenu que l'État requérant devait, pour

obtenir l'autorisation de transit, remplir les formalités déterminées par le traité d'extradition qui le lie avec le pays intermédiaire; en d'autres termes, qu'il devait former une véritable requête d'extradition contre l'individu qu'il voudrait faire transiter. C'est aller trop loin. En fait, il ne s'agit pas d'une extradition. Au moment où la demande de transit est formulée, l'individu, qui en est l'objet, n'est pas sous la protection du pays intermédiaire, et n'y sera jamais placé si la demande est repoussée; il peut être transféré, par une autre voie, dans le pays requérant. Le gouvernement du pays intermédiaire n'a donc pas à observer la même prudence, ni à témoigner la même circonspection que s'il était en présence d'un réfugié volontaire, placé directement sous sa protection. La conduite qu'il doit suivre est nettement indiquée, et se borne à ceci : prêter ses bons offices aux pays voisins, en s'entourant des précautions que lui conseillent le souci de sa responsabilité et les principes de justice et d'humanité. En droit, le traité d'extradition, conclu entre le pays requérant et le pays intermédiaire, est sans application à l'espèce. Ce traité consacre des obligations formelles, pour des cas définis. En matière de droit strict, les prescriptions ne doivent pas être étendues, par voie d'interprétation, au delà des limites qui y ont été assignées.

Il ne faut pas oublier, d'ailleurs, que le transit, comme l'extradition, est, de la part du pays qui l'autorise, un acte de souveraineté, qu'il peut accomplir dans sa pleine indépendance, en l'absence de stipulations conventionnelles expresses.

L'État requis est donc juge de la nature des éclaircissements à réclamer de la Puissance requérante. Aussi, dans certains cas, peut-il se contenter d'un très-petit nombre de preuves à l'appui de la demande.

Supposons, par exemple, que les deux pays, entre lesquels la question d'extradition s'est élevée, soient régis par le même droit public que la Puissance intermédiaire; supposons, de plus, que chacun de ces deux pays soit lié avec la Puissance intermédiaire par un traité d'extradition établi sur les mêmes bases que celui qui a été appliqué dans l'espèce. En fait, cette supposition n'a rien de forcé c'est la situation dans laquelle se trouvent la plupart des États d'Europe. Dans un tel état de choses, la notification de l'acte d'extradition suffira pour éclairer la religion du pays de transit, sans qu'il ait besoin d'exercer un contrôle sur

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le fond de l'affaire. Par cela même que l'extradition a été autorisée, conformément aux clauses du traité en vigueur entre les deux pays voisins, la Puissance intermédiaire est assurée que les principes dont elle tient à ne pas se départir, ont été observés. Il ne lui reste donc plus qu'à constater que l'extradé n'est pas un de ses nationaux, et n'est pas poursuivi pour une des infractions spéciales qui ne constitueraient point, à ses yeux, un motif d'extradition.

Rien ne s'oppose même, dans ce cas, à ce qu'elle prenne, par avance et sous des réserves bien déterminées, l'engagement général d'accorder le transit des malfaiteurs dont l'extradition aura

été autorisée par l'un des deux pays voisins. Il n'y a pas, ici, contradiction avec ce qui a été dit plus haut. En enfermant sa liberté d'action dans de telles limites, la Puissance intermédiaire ne compromet, en aucune façon, sa responsabilité, puisqu'elle est assurée de n'avoir pas à se prêter à une mesure qu'elle n'eût pas autorisée après un examen spécial.

Admettons maintenant que le transit soit autorisé, et voyons comment il va être effectué.

Il y a le choix entre deux modes de procéder: ou bien l'extradé est conduit à travers le territoire du gouvernement intermédiaire par les agents de l'un des deux autres pays; ou bien il est remis aux autorités du pays de transit, qui le font transférer à la frontière de l'État requérant.

Le premier de ces moyens n'est pas sans inconvénients. Aucun gouvernement, sauf peut-être celui des États-Unis ou de l'Angleterre, n'est disposé à permettre, sur son territoire, à un étranger de faire acte d'autorité. Les agents étrangers, chargés de la conduite de l'extradé, ne peuvent donc ni agir, ni instrumenter, en qualité d'officiers de police. Si leur prisonnier cherche à s'évader, ou vient à se révolter durant le trajet, en un mot, s'ils ont besoin de l'assistance de la force publique, ils se trouvent sans qualité pour la requérir. Il faut qu'ils s'adressent aux autorités locales, qui seules peuvent mettre en mouvement la force publique, et prendre les mesures de police nécessaires pour avoir raison de l'extradé, ou le ressaisir s'il s'est échappé. Ce défaut d'autorité reconnue et d'action directe peut donner lieu à des conflits imprévus, rend difficile la mission des agents étrangers, et risque d'en compromettre le résultat. Aussi ce premier mode est-il peu u sité !

Le soin d'effectuer le transit est généralement laissé au gouvernement du pays intermédiaire, qui a des motifs de préférer aussi cette combinaison, malgré le surcroît de peine et de responsabilité qu'elle entraîne. L'extradé est livré par les autorités du pays de refuge aux autorités du pays intermédiaire; celles-ci le font conduire à la frontière du pays requérant, par l'un des moyens usités pour le transfèrement des prisonniers ordinaires. En France, l'extradé est, selon les cas ou selon le désir du pays requérant, conduit, de brigade en brigade, par la gendarmerie, ou transporté par le service des voitures cellulaires ou du chemin de fer. Ce n'est plus ensuite qu'une question de frais à régler avec le pays qui a demandé l'autorisation de transit. Le gouvernement du pays intermédiaire donne le concours de ses bons offices, pour assurer la conduite et la garde de l'extradé : il est naturel qu'il obtienne au moins le remboursement des dépenses qu'il a dû faire pour le voyage de l'extradé et des agents.

Droit conventionnel. Du jour où la pratique des extraditions a commencé à se généraliser, les questions de transit se sont posées. Cependant les indication's que le droit conventionnel fournit à cet égard n'apparaissent que tardivement. Les Puissances intéressées procédaient, sans doute, au règlement de ces questions par une entente diplomatique pour chaque cas particulier, sans se préoccuper de chercher à établir des règles générales et fixes.

Aucune mention relative au transit ne figure dans les traités d'extradition négociés par la France, de 1828 à 1853. Ce silence s'explique, en partie, par cette considération, que la France, en raison de sa situation géographique, n'est guère un pays de transit, au point de vue de l'extradition, qu'eu égard aux rapports de l'Espagne et du Portugal avec les autres États d'Europe.

Dans la convention conclue, en 1853, avec le grand-duché de Hesse, on trouve, pour la première fois, une clause attestant que la question du transit s'est présentée à l'esprit des négociateurs; l'article 9 porte en effet : « Les frais d'entretien et de passage sur le territoire des États intermédiaires sont à la charge de l'État qui réclame l'extradition. » — Aucune autre stipulation ne figure dans les traités français, négociés depuis cette époque jusqu'en 1869. C'est en Belgique que la question paraît avoir été étudiée avec le plus de soin. Longtemps, les négociateurs de ce pays ne s'en sont préoccupés qu'au point de vue de l'attribution des frais. L'ar

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