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quelques citations empruntées à des auteurs dont l'autorité n'est pas contestée.

Voici comment s'exprime Foucart (1): « L'indépendance qui doit exister entre l'autorité judiciaire et l'autorité administrative n'exige pas seulement qu'elles ne puissent prononcer que sur les matières qui leur sont réservées, mais encore que les actes émanés de l'une soient respectés par l'autre. Ainsi les ordonnances royales, les décrets impériaux, les arrêtés des préfets et des maires sont obligatoires pour les tribunaux qui doivent en faire l'application en les prenant pour bases de leurs jugements. » Et, plus loin, l'écrivain ajoute : « Si l'acte administratif est clair, quand même les parties ne seraient pas d'accord sur le sens à lui donner, les tribunaux doivent néanmoins en ordonner l'application.

M. Dareste (2), s'occupant à la fois de l'application et de l'interprétation des actes administratifs ou judiciaires, formule le double principe de la manière suivante : «< Chacune des deux autorités, administrative ou judiciaire, est exclusivement compétente pour interpréter les actes émanés d'elle-même. Lorsque ces actes sont clairs et n'ont pas besoin d'être interprétés, ils peuvent être indistinctement appliqués par l'une ou par l'autre. »

M. Trolley (3) n'est pas moins précis : « Les tribunaux civils, dit-il, peuvent et doivent appliquer les traités, mais ils n'ont pas le droit de les interpréter. »

M. Bertauld (4), adaptant le principe aux conventions d'extradition, écrit : « Si les termes de la convention offrent de l'équivoque et du doute, l'autorité judiciaire, compétente pour l'appliquer, n'est pas compétente pour l'interpréter. »>

M. Faustin-Hélie (5), sans dégager aussi nettement le principe, en reconnaît implicitement l'existence, lorsqu'il dit : « La convention, par laquelle l'extradition a été consentie, fait, en effet, la loi du pays qui l'exécute; il doit se renfermer dans les termes de cette convention; il ne doit pas en outrepasser les limites. » A ces savants jurisconsultes il faut joindre M. Th. Ducrocq (6), (1) Foucart: Éléments du droit public et administratif. (2) M. Dareste. La justice administrative en France, p. 206.

(3) M. Trolley. Trailé de la hiérarchie administrative, t. I, p. 160,

n° 119.

(4) M. Bertauld. Cours de Code pénal et leçons de législation, 2o édit., p. 581 et 582.

(5) M. Faustin Hélie, Traité de l'instruction criminelle, ch. v, § 136, p. 719.

(6) M. Ducrocq. Théorie de l'extradition, p. 54 et suiv

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qui a écrit sur cette thèse des pages remarquables, et réuni, avant nous, les citations qui précèdent.

Une jurisprudence constante a consacré la même doctrine et reconnu aux tribunaux le droit et le devoir d'appliquer les actes administratifs qui leur sont présentés. Nous pouvons citer, notamment, les arrêts de la Cour de cassation en date des 13 mai 1824, 26 février 18 4, 20 décembre 1836, 25 mars 1839, 27 décembre 1842, 20 décembre 1843,... etc.

Le principe est donc établi d'une manière inébranlable, en doctrine et en jurisprudence: les tribunaux ont le droit et le devoir d'appliquer les traités d'extradition.

Un corollaire important doit en être immédiatement déduit.

§ 2.

Les tribunaux ne doivent juger l'extradé que sur les chefs d'accusation pour lesquels l'extradition a été autorisée.

Cette règle se déduit si rigoureusement du principe posé dans le paragraphe précédent, qu'elle n'a pas besoin de démonstration spéciale. Du moment que le pouvoir judiciaire est tenu d'appliquer les traités d'extradition, il doit, comme le dit M. FaustinHélie, se renfermer dans les termes de ces traités et ne pas en outrepasser les limites; il doit observer les réserves qui y sont formulées, et ne pas connaître des infractions qui ont été exceptées.

Sur ce point, la doctrine n'a pas varié. Il suffit de citer les noms de MM. Faustin-Hélie, Legraverend, Trébutien, Bertauld, Le Sellyer, Morin, Fœlix et Demangeat, Brouchoud, Ducrocq, Duverdy, qui, tous, reconnaissent qu'un extradé doit être jugé seulement pour les infractions qui ont motivé l'extradition.

La jurisprudence est également fixée dans le même sens. Dès 1843, le principe est clairement formulé dans un arrêt rendu, le 15 février, par la Cour d'assises du Pas-de-Calais; il y est reconnu «< que l'extradition n'est accordée que pour l'objet déterminé dans la demande qui en a été faite; que les conséquences de l'extradition ne peuvent pas s'étendre au delà du fait

qui l'a motivée; que ce serait violer les principes du droit des gens que de ne pas s'en tenir à l'objet et à la cause de l'extradition. »

Par un arrêt du 24 juin 1847, la Cour de cassation approuve la Cour d'assises de la Seine, qui avait refusé de faire prononcer le jury sur les infractions pour lesquelles l'extradition n'avait pas été autorisée. La Cour suprême y constate en outre «< qu'il est de principe en matière d'extradition, que l'extradition n'est accordée que pour l'objet déterminé dans la démande qui en a été faite. »

Nous pourrions citer encore une sentence du conseil de révision de Paris, en date du 20 décembre 1861, et un arrêt de la Cour de cassation du 4 mai 1865.

La Cour d'assises de la Vienne, dans un arrêt du 3 décembre 1866 (affaire Sureau Lamirande), consacre également la règle: « Attendu qu'il est de principe que l'accusé ainsi extradé ne peut être jugé contradictoirement par la Cour d'assises que sur les chefs d'accusation pour lesquels son extradition a été accordée... »

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La Cour de Paris, dans un arrêt du 24 mai 1867 (affaire Faure de Montginot), qui a été cassé pour d'autres motifs, a fait application de la règle dans les termes suivants : L'extradition n'ayant été accordée que pour le crime de banqueroute fraududuleuse, Faure de Montginot ne peut être jugé, dans l'Etat où il se trouve, sur les délits d'escroquerie et d'abus de confiance qui lui sont reprochés... »

Ajoutons encore l'arrêt de la Cour de cassation du 26 juillet 1867 (affaire Guérin), qui résume assez complétement, pour un cas particulier, les droits et les obligations du pouvoir judiciaire relativement au jugement des extradés :

« La Cour; attendu que les traités et conventions d'extradition sont des actes de haute administration, qui interviennent entre deux Puissances et que, seules, lesdites Puissances peuvent expliquer ou interpréter quand il y a lieu; mais qu'il appartient essentiellement à l'autorité judiciaire d'en faire l'application aux espèces, lorsque leur sens et leur portée sont clairs et ne présentent point d'ambiguïté; attendu que l'accusé, livré à la justice de son pays en vertu des mêmes traités ou conventions par le gouvernement sur le territoire duquel il s'était réfugié, n'a aucun titre pour réclamer contre l'extradition dont il a été l'objet ; que, dès lors, la seule remise au gouvernement français de l'accusé

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extradé investit légalement les tribunaux français du droit de prononcer sur l'accusation formulée à son égard; attendu qu'il est constant, en fait, que, sur la demande du gouvernement français, Guérin a été remis par ordre du gouvernement belge à la disposition de la justice française;

attendu que cette extradition a eu lieu, sans restriction ni réserves, sur le vu d'un arrêt de la Cour d'assises du Bas-Rhin du 18 décembre 1865, qui avait condamné l'accusé par contumace à la peine des travaux forcés à perpétuité pour crimes de banqueroute et de banqueroute frauduleuse en qualité d'agent de change, faits complexes, tous deux punis des mêmes peines aux termes des art. 89 C. comm. et 404 C. pénal, et par la législation belge;-attendu qu'en rejetant, dans ces circonstances, les conclusions de Guérin tendant à n'être jugé que pour le crime de banqueroute frauduleuse proprement dite, et d'être relevé de toute peine pour le crime de faillite comme agent de change, auquel l'acte d'extradition ne devait pas recevoir d'application, la Cour d'assises du Bas-Rhin n'a pas commis d'excès de pouvoir ni violé le droit de la défense; qu'elle a fait, au contraire, une saine appréciation des principes et règles de la matière ; rejette, etc.. >>

Enfin, pour terminer cette revue de la jurisprudence, rappelons l'arrêt rendu, le 17 avril 1868, par la Cour d'assises d'Oran. Il y est constaté « qu'il est de principe que l'accusé ne peut être jugé de plein droit que sur les chefs d'accusation pour lesquels l'extradition a été obtenue... »

La règle a été affirmée de tout temps, en France, par l'administration, c'est-à-dire, par le pouvoir exécutif.

Le premier document à produire à ce propos, est la circulaire de 1841, adressée par le ministre de la justice aux procureurs généraux. Nous y lisons: « Du principe que l'extradition ne peut être accordée pour délit, il résulte que si un individu, qui a commis un fait qualifié crime en France, est livré au gouvernement français pour être jugé sur ce fait, et qu'en même temps il soit prévenu d'un délit, il ne doit pas être jugé sur ce délit... Quand un Français, livré par une Puissance étrangère comme auteur d'un crime ordinaire, est en même temps accusé d'un crime politique, il ne peut être jugé que pour le crime ordinaire... Comme les actes d'extradition sont non-seulement personnels à celui qu'on livre, mais qu'ils énoncent en outre le fait qui donne lieu à l'extradition, l'individu qu'on a livré ne peut être jugé que sur ce fait. » Il faut se rappeler qu'au moment où ces instructions ont été rédigées, le droit conventionnel n'admettait pas que les délits pussent donner lieu à extradition.

Plus tard, l'occasion fut offerte à la chancellerie de confirmer ces premières directions.

En 1866, la Cour d'assises de la Vienne fut saisie d'un procès criminel intenté contre le caissier de la succursale de la Banque de France à Poitiers. L'inculpé se trouvait sous le coup de poursuites pour vol qualifié, abus de confiance qualifié et faux en écriture de commerce et de banque. Son extradition avait été accordée seulement pour le dernier chef d'accusation par les autorités du Canada, conformément aux dispositions du traité franco-anglais du 13 février 1843. Au cours de l'audience (3 décembre 1866), le ministère public donna connaissance d'une dépêche du garde des sceaux, dans laquelle se trouvait le passage suivant : «< En ordonnant la comparution de l'accusé à la prochaine session des assises de la Vienne, vous n'avez fait qu'obéir à l'article 260 du Code d'instruction criminelle. Mais vous devrez vous conformer à la convention diplomatique et à mes instructions, en requérant que l'accusé ne soit jugé que sur le chef de faux, à moins qu'il n'accepte volontairement la décision du jury sur les autres points. - C'était dire, en termes formels, que l'accusé ne devait être jugé que sur les faits qui avaient donné lieu à l'extradition.

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La règle est formulée d'une manière plus générale dans une lettre du ministre de la justice au procureur général près la Cour de cassation, dont lecture fut donnée à la Cour dans son audience du 4 juillet 1867: « Si des restrictions ou des conditions sont imposées (à l'extradition accordée par une Puissance étrangère), elles peuvent lier sans doute la justice française, comme tout traité régulier, mais seulement sur une notification du ministre de la justice, et encore en ce qui concerne l'indication des chefs sur lesquels on aurait promis de ne pas statuer. »

Enfin, une circulaire du ministre de la justice adressée aux procureurs généraux, à la date du 30 juillet 1872, sur diverses questions relatives à l'extradition, se termine par cette phrase caractéristique... Les règles, en cette matière, sont du domaine du droit international et échappent entièrement au contrôle de l'autorité judiciaire, qui puise dans la seule remise de l'inculpé, renvoyé régulièrement devant elle, les pouvoirs nécessaires pour le juger, sauf les réserves consenties par le gouvernement français envers le gouvernement étranger.

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Voilà donc une règle établie aussi solidement que possible. Il est incontestable que les tribunaux ne doivent juger l'accusé que

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