페이지 이미지
PDF
ePub
[ocr errors]

« la charge d'en référer immédiatement au ministre de l'intérieur. » Le droit et la procédure d'extradition ont aujourd'hui leur fondement légal, en France, dans la loi de 1849 et dans le décret de 1811.

Avant de terminer ce chapitre, il convient de dire un mot d'une question qui a soulevé de vives controverses entre les auteurs. Il s'agit de savoir si le droit international oblige un État à donner suite à la demande d'extradition qui lui est adressée par une autre Puissance.

On suppose, bien entendu, qu'aucun traité général d'extradition n'existe entre ces deux États; car un traité de cette nature a précisément pour effet de créer pour l'État requis l'obligation de satisfaire aux demandes d'extradition dans des cas déterminés.

Au nombre des auteurs anciens qui se prononcent pour l'affirmative, c'est-à-dire pour l'obligation de l'État requis, les publicistes ont coutume de citer en première ligne Grotius et Vattel. C'est à tort, selon nous. Nous avons reproduit plus haut le passage dans lequel Grotius expose sa théorie sur ce point d'après lui, l'État requis est tenu de juger l'individu réclamé ou de l'extrader; c'est une alternative qui est laissée à l'État requis, et non une obligation stricte qui lui est imposée. Vattel ajoute un terme à l'option qu'il accorde à l'État requis. Le souverain, dit-il (1), doit obliger le coupable à réparer le dommage ou l'injure, si «< cela se peut, ou le punir exemplairement; ou enfin, selon le «< cas et les circonstances, le livrer à l'État offensé pour en faire justice. C'est ce qui s'observe assez généralement à l'égard des grands crimes, qui sont également contraires aux lois de sûreté << de toutes les nations. Les assassins, les incendiaires, les voleurs » sont saisis partout, à la réquisition du souverain dans les terres « de qui le crime a été commis, et livrés à la justice.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

D'autres auteurs ont été plus loin: ils ont soutenu que le pays de refuge a le devoir strict de livrer le malfaiteur à la Puissance compétente, qui le réclame pour le juger et le punir.

L'opinion contraire est plus généralement adoptée aujourd'hui. (Voir Wheaton, Revue étrangère, t IX, p. 350 et suiv., et aussi dans ses Éléments de droit international; Massé, Traité du droit international privé, t. II, chap. VIII, Extradition, etc.) Mais on

(1) Vattel, le Droit des gens, liv. II, ch. vi, § 76.

"

se borne, sans démonstration, à poser en règle que nul État souverain n'est tenu, à moins d'un pacte spécial, de livrer, sur la demande d'un gouvernement étranger, soit ses propres sujets, soit des sujets étrangers, accusés de crimes commis dans un autre pays; cependant, ajoute-t-on, « l'extradition des individus accusés « de crimes contre la paix et la sécurité générale de la société a lieu, de fait, de la part de certains États, par des raisons de con« venance et d'utilité générale. » Cette formule de Wheaton a eu l'heureuse fortune d'être agréée et reproduite par la plupart des publicistes postérieurs. Il est généralement admis, aujourd'hui, que toute extradition, en l'absence d'un traité formel, est subordonnée à des conditions de convenance, dont l'État requis reste seul juge. Cette règle est confirmée par les faits. Mais elle n'a pas encore été, croyons-nous, justifiée en théorie pure.

C'est une conséquence directe de ce que l'extradition n'est jamais que le résultat d'un contrat. Pour que le contrat soit valable, il faut, en thèse générale, que le consentement des deux parties soit libre. L'État requis, figurant à la convention comme partie contractante, n'est donc pas soumis à l'obligation préexistante d'accorder l'extradition demandée. Sans doute, dans le droit des gens, la violence n'est pas nécessairement un vice du consentement; dans quelques circonstances exceptionnelles, le droit est forcé de céder devant la force, et la jurisprudence internationale reconnait la validité de certaines conventions, où le consentement de l'une des parties n'a pas été donné volontairement. Mais de telles exceptions doivent être strictement renfermées dans les bornes que la nécessité impose. On ne raisonne pas, ici, sur des cas exceptionnels, mais sur l'hypothèse générale où deux États souverains sont en présence, et s'entendent pour résoudre, par un arrangement librement consenti des deux parts, une question d'intérêt commun. Il est évident que, dans de telles conditions, l'extradition n'est pas obligatoire pour l'État requis.

Cette solution n'est pas, d'ailleurs, en opposition avec celle de Grotius et de Wattel. Si l'État requis n'est pas tenu, en droit strict, d'autoriser l'extradition réclamée, il n'est pas cependant libéré de tout devoir. Sur lui pèse l'obligation, qui incombe à toute société bien organisée, de ne pas laisser la loi morale impunément violée. Il doit donc juger le coupable, ou le livrer pour être jugé. Ainsi se pose l'alternative indiquée par les jurisconsultes du dix-septième siècle.

CHAPITRE II.

NOTIONS HISTORIQUES.

Le droit d'extradition est tout moderne. L'histoire n'en remonte pas plus haut qu'au milieu du siècle dernier. C'est à cette époque, seulement, que les rapports réguliers, en matière d'extradition, commencent à s'établir entre les Puissances européennes. Ces rapports deviennent de jour en jour plus fréquents. Les principes et les règles s'en dégagent lentement, et il se forme peu à peu un corps de doctrines, qui prend place dans le droit international. Ce travail de formation a duré plus d'un siècle, et il n'est pas encore aujourd'hui achevé. Mais, c'est depuis quarante ans à peine, que les grands principes de la matière ont été suffisamment établis pour former ce droit spécial qu'on nomme le droit d'extradition.

Le mot extradition lui-même est nouveau. Il n'était pas usité au siècle dernier, et ne se rencontre dans aucune des conventions passées par la France avant 1828. Dans les traités conclus avec le Wurtemberg, en 1759 et en 1765; avec l'Espagne en 1765, avec l'Espagne et le Portugal en 1778 (la date de l'accession du roi de France à ce dernier traité est 1783), c'est l'expression restituer ou remettre qui est employée. Le mot extradition ne figure même pas dans le traité d'Amiens, du 27 mars 1802 (article 20), où il est dit, que les parties contractantes « seront tenues de livrer en justice les personnes accusées..., etc. » L'expression latine correspondante tradere n'apparaît pas davantage dans les actes ou ouvrages écrits en latin, durant les siècles précédents; c'est le mot remittere qui est employé. Le décret du 19 février 1791 est, à notre connaissance, le premier document officiel où se trouve le mot extradition.

Sur cette question d'histoire, nous nous séparons de la théorie généralement émise. M. Faustin Hélie et, après lui, la plupart des publicistes qui ont écrit sur l'extradition, en font remonter l'institution aux temps les plus reculés. Ils en citent des exemples datant des premiers âges, et la montrent luttant, dans le cours

des siècles, soit avec le droit d'asile, soit avec le droit de souveraineté.

De ces deux derniers droits, nous ne dirons rien. L'étude ne s'en rattache qu'indirectement à notre sujet, et l'on saisit, à la seule indication qui en est donnée, l'obstacle qui a pu en résulter pour le fonctionnement régulier de l'extradition. Le lecteur curieux pourra, d'ailleurs, se reporter à l'histoire intéressante que M. Faustin Hélie en a tracée au début de son chapitre sur l'extradition (1).

Nous nous bornerons à examiner rapidement quelques-uns des exemples cités depuis Grotius, et choisis à des époques différentes de l'histoire ancienne. On verra, de la sorte, s'il est possible d'y placer les premières applications du droit d'extradition.

D'abord, l'histoire sainte nous montre les tribus d'Israël se rassemblant en tumulte et sommant la tribu de Benjamin de livrer les hommes de Gabaa, qui s'y étaient réfugiés après avoir commis un crime; puis Samson livré par les Israélites aux Philistins, qui leur faisaient la guerre.

Dans l'histoire grecque, les Lacédémoniens déclarent la guerre aux Messéniens, qui refusaient de leur remettre un meurtrier. Ce sont ensuite les Achéens, qui menacent Sparte de la rupture d'une alliance, s'ils n'obtiennent la remise de quelquesuns de ses citoyens qui ont attaqué un de leurs villages.

Dans l'histoire romaine, on cite l'exemple de Caton proposant de livrer César aux Germains, en raison de la guerre injuste qu'il leur avait faite. On rappelle encore la demande d'extradition formée par les Gaulois contre les Fabius qui les avaient attaqués, la demande d'extradition formée par les Romains contre Annibal.

Dans les temps plus rapprochés, on cite une lettre de Charles VI au roi d'Angleterre, pour obtenir la remise de gens compromis dans des troubles civils. On rappelle encore une démarche de l'ambassadeur de la reine Élisabeth d'Angleterre auprès de la cour de France pour réclamer la restitution d'un nommé Morgan, accusé de haute trahison..., etc.

Il n'est pas possible de placer dans des faits de cette nature l'origine du droit d'extradition. Nous n'y voyons poindre aucun

(1) Traité de l'instruction criminelle, liv. II, ch. v.

des éléments, dont la réunion devra plus tard former une science. Ce sont des réclamations isolées, qui se produisent au hasard des événements, et sont suivies, de peuple à peuple, comme tout autre différend international. Il ne s'en dégage aucun principe, aucune pratique constante. On ne voit pas que les États, entre lesquels ont eu lieu ces extraditions isolées dont l'histoire a conservé le souvenir, aient jamais songé à en régulariser l'institution. Ce n'est pas un but de justice que l'État réclamant a en vue, lorsqu'il demande la remise d'un fugitif: c'est, le plus souvent, un intérêt d'ordre purement politique. Enfin, il ne paraît pas que les nations aient aperçu l'utilité réciproque qu'elles pouvaient retirer de semblables procédures; car l'extradition est très-rarement l'objet d'une convention librement consentie; la nation requérante ne demande pas, elle exige; le refus de la nation requise est un cas de guerre. Il n'en pouvait être autrement avec l'état d'isolement où vivait chaque peuple. Les pays limitrophes, loin d'avoir entre eux ces relations de bon voisinage qui sont aujourd'hui de règle, étaient généralement en hostilité. Ils défendaient, avec un soin jaloux, la souveraineté de leur territoire, et en faisaient, par suite, un asile inviolable pour les réfugiés. D'autre part, les relations étaient rares ou nulles entre nations voisines; on ignorait chez l'une, ce qui se passait chez l'autre; le crime n'avait pas d'écho au-delà de la frontière. L'extradition n'avait donc pas la raison d'être qu'elle a eue plus tard, lorsque la civilisation eut développé les rapports internationaux, et fait comprendre aux nations l'intérêt qu'elles avaient à s'unir pour la répression des crimes.

La vérité, à cet égard, a été mise en lumière par M. Villefort, qui, le premier, dans les lignes suivantes, a rompu avec la doctrine enseignée jusqu'alors (1):

« Les auteurs qui ont écrit sur ce sujet, et particulièrement les publicistes du dix-septième siècle, ont fait remonter l'origine de l'extradition fusqu'à l'antiquité la plus reculée. Mais, à vrai dire, les exemples qu'ils citent n'offrent point d'analogie avec nos extraditions actuelles. Il ne s'agit point là de malfaiteurs réclamés par la nation dont ils sont sujets à une autre nation indépendante chez laquelle ils ont trouvé un refuge. Tous ces exemples se rapportent à des faits constituant, la plupart du

(1) Des traités d'extradition de la France avec les pays étrangers. Paris, imprimerie Guyot et Scribe, 1851, p. 5.

« 이전계속 »