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que l'autorité judiciaire « doit surseoir dès que le caractère des faits produits devant elle est contesté comme constituant ou ne constituant pas une extradition. › — Nous reviendrons tout à l'heure sur cette décision, afin de montrer que l'exception admise par la Cour suprême n'est pas fondée.

Il est encore douteux que la chancellerie ait abandonné définitivement le système exposé dans la circulaire de 1841. La question n'a été, depuis lors, qu'incidemment posée dans les documents officiels, et l'opinion du pouvoir exécutif n'a pas eu l'occasion de s'affirmer d'une manière définitive.

Dans la dépêche du ministre lue à l'audience de la Cour d'assises de la Vienne, le 3 décembre 1866, il est dit que les questions diplomatiques ne peuvent être débattues utilement devant les tribunaux cette assertion n'est pas conciliable avec le droit que les tribunaux auraient de surseoir, pour qu'il fût statué sur ces mêmes questions par l'autorité compétente.

Cependant, la dépêche adressée au procureur général de la Cour de cassation et lue à l'audience du 4 juillet 1867 (affaire Renneçon-Charpentier), contient le passage suivant, qui semble en contradiction avec les indications précédemment émises :

<< Enfin l'arrêt Dermenon, du 4 septembre 1840, défend aux tribunaux de décider si des actes d'une autorité étrangère constituent ou non une extradition virtuelle, sans en référer à l'interprétation du gouvernement. Les tribunaux se conforment ordinairement à une jurisprudence aussi sage, et il en a été fait récemment une application irréprochable par la Cour d'assises de la Vienne, dans l'affaire Lamirande. » (Arrêts des 3 et 4 décembre 1866.)

Nous avons peine à nous expliquer ce rapprochement l'arrêt Dermenon fait un devoir aux tribunaux de surseoir pour en référer au gouvernement, et l'arrêt Lamirande (3 décembre 1866), repousse des conclusions qui tendaient à un sursis de cette nature. Le rédacteur de la dépêche n'a sans doute fixé son attention que sur cette idée, très-juste d'ailleurs, que les deux arrêts consacrent, à savoir que les actes d'extradition échappent au contrôle de l'autorité judiciaire.

La circulaire ministérielle du 30 juillet 1872 décide formellement que « l'autorité judiciaire puise dans la seule remise de l'inculpé, renvoyé régulièrement devant elle, les pouvoirs nécessaires pour le juger, sauf les réserves consenties par le gouvernement

français envers le gouvernement étranger. » On peut facilement déduire de cette phrase que les tribunaux n'ont pas à surseoir, lorsqu'une exception est soulevée contre l'acte d'extradition. Nous ne voulons pourtant pas disconvenir que la pensée du pouvoir exécutif gagnerait à être plus explicitement formulée.

Quoi qu'il en soit, la règle est suffisamment fondée en théorie et même en jurisprudence; elle se déduit trop logiquement de cette autre règle qui enlève aux tribunaux l'appréciation des actes administratifs, pour qu'on hésite à l'insérer au Code du droit d'extradition.

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Cependant, la Cour de cassation a récemment reculé devant l'application rigoureuse de cette règle. Le sieur Faure de Montginot, poursuivi en France pour banqueroute frauduleuse, escroquerie et abus de confiance, s'était réfugié en Belgique; arrêté provisoirement dans ce pays, sur la requête du gouvernement français, il demanda à être mis à la disposition des autorités françaises, sans attendre l'accomplissement des formalités de l'extradition. Une fois devant la justice, il éleva la prétention de n'être jugé que sur le chef de banqueroute frauduleuse, comme s'il avait été livré à la suite d'une extradition régulière. Cette prétention fut admise successivement par un jugement du tribunal de la Seine, du 29 mars 1867, et par un arrêt confirmatif de la Cour de Paris du 24 mai suivant. La question fut portée devant la Cour de cassation, qui, avec raison, cassa et annula cet arrêt dans l'intérêt de la loi. Nous reviendrons sur ce sujet dans le chapitre suivant. Pour l'instant, nous voulons seulement relever un des motifs qui dépare, à nos yeux, l'arrêt de la Cour suprême du 25 juillet 1867 : « Attendu, y est-il dit, qu'il n'appartient pas à l'autorité judiciaire d'expliquer ni d'interpréter les conventions d'extradition, et qu'elle doit s'arrêter et surseoir, dès que le caractère des faits produits devant elle est contesté comme constituant ou ne constituant pas une extradition. » Voilà ce qu'il nous est impossible de comprendre. L'autorité judiciaire a-telle été saisie régulièrement de la poursuite, par la remise que le pouvoir exécutif lui a faite de l'inculpé? Oui. Le pouvoir exécutif a-t-il fait connaître que cette remise avait lieu à la suite d'une extradition, et que certaines réserves, posées par une convention diplomatique, devaient être observées? Non. Dès lors, à quoi bon surseoir? L'autorité judiciaire doit statuer sur tous les chefs; elle commet un excès de pouvoir, en examinant, pour décider s'il y a

lieu de surscoir, si la remise de l'inculpé au gouvernement a été régulière. Du reste, comment en vient-elle à prononcer un sursis dans de telles circonstances? C'est en connaissant d'une exception préjudicielle, opposée par l'accusé. Or, comme nous le verrons bientôt, l'accusé n'a pas qualité pour se prévaloir de la convention d'extradition. Ainsi, à quelque point de vue qu'on se place, il faut reconnaître que la Cour ne doit pas surseoir, même lorsqu'une contestation s'élève sur le point de savoir s'il y a eu ou s'il n'y a pas eu extradition.

M. Ducrocq (1) admet deux autres cas de sursis.

Le premier est celui où l'autorité judiciaire croirait nécessaire de réclamer la production de l'acte d'extradition; elle pourrait alors << surseoir au jugement, comme dans toute autre affaire, la cause n'étant pas en état, en raison de l'absence aux pièces de l'acte à appliquer. » Nous avons indiqué plus haut les raisons qui s'opposent, absolument, à ce que l'acte d'extradition soit produit devant l'autorité judiciaire. C'en est assez pour déclarer que le tribunal n'a pas à surseoir, afin d'obtenir la communication de cette pièce.

Le second cas est celui où l'acte d'extradition, produit ou tenu pour tel en raison des documents de la cause, serait l'objet d'une véritable difficulté d'interprétation. « La Cour d'assises, dit M. Ducrocq, ne peut en faire que l'application pure et simple; et, s'il y a véritablement un doute, une obscurité dans cet acte d'extradition dont l'application est demandée, la Cour doit surseoir jusqu'à ce que cette interprétation soit donnée par l'autorité compétente;... et personne ne confondra le sursis, dont nous parlons ici, que l'accusé ou le ministère public pourront demander, ou que la Cour pourra prononcer d'office, avec le sursis au jugement que nous avons refusé à la Cour le droit de prononcer, au nom du principe de la séparation des pouvoirs. Ici, il n'y aura de la part de la Cour et des parties aucune appréciation expresse ou implicite de la légalité de l'acte; il s'agit seulement de savoir s'il résulte ou non de l'acte d'extradition, que l'accusé a été livré en raison d'un ou de plusieurs des crimes qui lui sont reprochés. Il ne nous paraît pas possible de nous rallier à cette théorie, et cela pour deux raisons. D'abord, nous n'imaginons pas comment la difficulté d'interprétation, que l'on veut écarter, pourrait naître.

(1) Loc. cit., p. 61.

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Il s'agit, dit-on, d'un acte d'extradition dont l'application est demandée. Par qui est-elle demandée? Par le pouvoir exécutif. Mais, en demandant l'application de cet acte, le pouvoir exécutif n'indique-t-il pas précisément les réserves qui doivent être observées? S'il n'y avait pas de réserves, le gouvernement aurait purement et simplement remis l'accusé à l'autorité judiciaire, en laissant à celle-ci le droit et l'obligation de statuer sur tous les chefs d'accusation. Donc, pas de difficulté d'interprétation possible, et, par suite, pas de nécessité de surseoir! En second lieu, nous sommes disposé, quoi qu'on dise, à croire que la Cour, pour prononcer un pareil sursis, devrait nécessairement se livrer à une appréciation préalable de la convention d'extradition. « De la part d'une Cour d'assises, dirons-nous, en nous servant des expressions mêmes que M. Ducrocq emploie en autre lieu, examiner l'extradition, en s'arrogeant le pouvoir d'apprécier s'il convient de passer outre au jugement ou de surseoir, jusqu'à ce que l'autorité compétente ait déclaré si tel ou tel chef d'accusation doit être réservé, constitue sans doute une entreprise moins grave que si cette Cour se permettait d'annuler l'extradition; mais c'est toujours une entreprise sur les fonctions administratives. L'immixtion dans les fonctions réservées à l'administration est moins flagrante; mais il y a toujours immixtion. L'usurpation est moindre; mais il y a toujours empiétement et usurpation de pouvoir. Le principe de la séparation des pouvoirs reçoit sans doute une moins violente atteinte; mais il est toujours méconnu »... A un autre point de vue, «< cet arrêt ne serait-il pas une mise en demeure signifiée à grand bruit par l'autorité judiciaire à l'autorité administrative? Mise en demeure non-seulement d'interpréter, mais d'apprécier la légalité et la régularité de ses propres actes? Car, enfin, s'il y avait extradition, le pouvoir exécutif avait le devoir de porter à la connaissance du pouvoir judiciaire les réserves qui lui étaient imposées. L'arrêt de sursis, dans cet état de choses, n'est-il pas une mise en demeure au pouvoir exécutif de déclarer qu'il n'avait pas complétement rempli les obligations que lui dictaient les conventions internationales? « Et une telle mise en demeure n'est-elle pas également attentatoire au droit de l'autorité dont l'acte émane, et qui est seule juge de son opportunité et de sa légalité? On le voit M. Ducrocq nous ouvre lui-même un arsenal de bonnes armes pour repousser la faculté de sursis qu'il reconnaît aux tribunaux, dans le cas où des difficultés d'interprétation

s'élèvent sur l'acte d'extradition. Le savant professeur va jusqu'à donner à l'accusé le droit de demander le sursis dont il s'agit. Sur ce point encore, nous pensons différemment. Nous nous refusons et nous dirons pourquoi à reconnaître au prévenu qualité pour se prévaloir de l'extradition, à un titre quelconque. En définitive, la règle ne comporte pas d'exception. En aucun cas, les tribunaux ne doivent décider, pour une raison tirée de l'extradition, qu'il y a lieu de surseoir aux débats et au jugement.

§ 6.

Nouveau chef d'accusation relevé à la charge de l'inculpé
après l'extradition.

Voici pourtant une hypothèse où de sérieuses raisons semblent, au premier abord, conseiller aux tribunaux de surseoir pour en référer au gouvernement: c'est le cas où, dans le cours de l'instance, une nouvelle infraction, commise antérieurement à l'extradition, vient à être relevée à la charge de l'accusé. Il n'est pas douteux que la remise du fugitif n'a pas été accordée pour ce chef, puisqu'il n'en a pas été fait mention dans la demande d'extradition. Dans cet état de choses, il paraît naturel de surseoir, pour faire déterminer par l'autorité compétente le point de savoir si l'extradé doit être poursuivi et jugé sur le nouveau chef d'accusation.

Telle n'est pas, à notre avis, la solution de la difficulté.

La question doit être considérée sous deux points de vue: elle intéresse, à la fois, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Recherchons, d'abord, quelle est exactement la situation faite au gouvernement dans cette hypothèse, et quelles sont ses obligations. Nous pourrons, ensuite, tracer plus facilement la ligne de conduite que l'autorité judiciaire doit suivre.

En demandant et en obtenant l'extradition du fugitif pour certaines infractions déterminées, le gouvernement a pris implicitement l'engagement de ne pas le laisser poursuivre pour un autre fait. Donc, si, durant l'instance, un nouveau chef d'accusation vient à être découvert, il en doit être de cette incrimination comme de celles qui auraient été expressément réservées dans l'acte d'extradition. En vain ferait-on observer que cette

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