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peut être obtenue pour tous les crimes. Une distinction doit être établie. Les crimes politiques s'accomplissent dans des circonstances si difficiles à apprécier, ils naissent de passions si ardentes, qui souvent sont leur excuse, que la France maintient le principe que l'extradition ne doit pas avoir lieu pour fait politique. C'est une règle qu'elle met son honneur à soutenir. Elle a toujours refusé, depuis 1830, de pareilles extraditions, elle n'en demandera jamais. Quand un Français livré par une Puissance étrangère, comme auteur d'un crime ordinaire, est en même temps accusé d'un crime politique, il ne peut être jugé que pour le crime ordinaire. Immédiatement après le jugement, s'il est acquitté, et après l'expiration de sa peine, s'il a été condamné, le gouvernement du roi lui indique, pour sortir de France, un délai, passé lequel, s'il est trouvé sur le territoire, il est jugé pour le crime politique.

Comme les actes d'extradition sont non-seulement personnels à celui qu'on livre, mais qu'ils énoncent en outre le fait qui donne lieu à l'extradition, l'individu qu'on a livré ne peut être jugé que sur ce fait. Si, pendant qu'on procède à l'instruction du crime pour lequel il est livré, il surgit des preuves d'un nouveau crime pour lequel l'extradition pourrait ètre également accordée, il faut qu'une nouvelle demande soit formée à cet effet. Ces règles me paraissent suffisantes pour vous mettre à même de trancher la plupart des difficultés qui se présenteront à vous; mais dans une matière si délicate, qui intéresse la paix du royaume, puisqu'il importe de ne pas troubler les rapports qui existent avec les Puissances amies, je vous recommande de me consulter souvent.

J'ai raisonné jusqu'à présent dans l'hypothèse où les questions relatives à l'extradition seraient soumises à l'administration, où les procureurs généraux s'en trouveraient saisis comme maîtres de l'action publique; mais les tribunaux peuvent être appelés incidemment à en connaître. Quelle est, à cet égard, leur compétence? En principe général, le gouvernement seul est juge de la validité d'une extradition, et il en résulte qu'il lui appartient d'en fixer la portée, d'en interpréter les termes. Dès lors, quand on soutient devant un tribunal, ou qu'une extradition est irrégulière, ou qu'elle est interprétée dans un sens, soit trop favorable, soit préjudiciable à l'inculpé, le tribunal doit surseoir jusqu'à ce que le gouvernement ait fait connaître sa décision. C'est ce que la Cour de cassation a jugé le 29 août 1840.

§ 3. Maintenant, quelles sont les pièces qui appuieront la demande d'extradition, et, en premier lieu, comment cette demande sera-t-elle formée? C'est au gouvernement seul à agir; il ne vous est pas permis, en cette matière, de vous entendre, sous aucun prétexte, avec les agents des Puissances étrangères; vous ne pouvez pas non plus vous adresser directement aux autorités judiciaires des pays voisins, pour obtenir l'extradition; vous pouvez correspondre seulement avec les magistrats étrangers pour avoir des renseignements.

Les pièces qui doivent être jointes à la demande sont différentes, selon que la procédure contre l'individu dont on réclame l'extradition est plus ou moins avancée. Si l'arrêt de la chambre des mises en accusation est rendu, vous m'enverrez cet arrêt; s'il y a eu condamnation par contumace ou contradictoire, vous m'adresserez les arrêts de condamnation. Quand l'extradition est demandée au commencement de la procédure, vous me transmettrez un mandat d'arrêt. Ce mandat ne peut être remplacé par le mandat d'amener, qui ne contient pas la qualification du fait, et qui est presque toujours décerné avant que ce fait soit bien connu. Le mandat d'arrêt n'est point un acte exécutoire à l'étranger, c'est simplement un document. Je fais cette remarque parce que des juges d'instruction, des officiers du ministère public ont souvent accompagné les mandats d'invitations, de réquisitions adressées aux autorités étrangères. Cela est contraire au principe qui renferme l'autorité des magistrats dans le territoire. Quelques juges d'instruction saisissent la chambre du conseil, pour obtenir une ordonnance qui homologue, pour ainsi dire, le mandat d'arrêt. Cette formalité est surabondante et inutile. Le mandat doit être rédigé avec soin, et la qualification du fait doit y recevoir le développement nécessaire. Ce mandat me sera transmis par vous avec une lettre explicative.

Le gouvernement belge consent à faire arrêter l'individu dont l'extradition est demandée, sur le vu du mandat d'arrêt; mais il ne le livre que sur la présentation de l'arrêt de la chambre des mises en accusation. Le gouvernement espagnol exige aussi la production de l'arrêt de la chambre des mises en accusation. Cette pièce devra donc m'être transmise après le mandat, quand il s'agira d'un individu réfugié en Belgique ou en Espagne; l'arrêt me sera transmis assez à temps pour que je puisse le produire dans les trois mois qui auront suivi l'arrestation en Belgique du malfaiteur qu'on réclame de cette Puissance; sinon, aux termes du traité de 1834, il serait mis en liberté. En général, vous suivrez avec célérité les poursuites commencées contre des inculpés dont l'extradition pourra être demandée et obtenue.

Lorsque, postérieurement à la demande d'extradition, le fait imputé à celui dont l'extradition est demandée perdra le caractère de crime pour prendre celui de simple délit, vous m'en avertirez immédiatement, pour que la demande soit retirée ou le prévenu rendu à la liberté et conduit hors des frontières, s'il avait été amené en France. Il est inutile de dire que, dans le cas où une ordonnance, un arrêt de non-lieu, une ordonnance d'acquittement intervient, je dois en être averti sans délai.

Quand un individu est livré et amené en France, c'est à l'autorité administrative qu'il doit d'abord être remis; mais, comme il importe qu'il soit le plus promptement possible à la disposition de l'autorité judiciaire, le procureur général dans le ressort duquel il est conduit, le reçoit des mains de l'autorité administrative, et, si le jugement ne doit pas

être rendu dans son ressort, il s'entend immédiatement avec le procureur général dans le ressort duquel l'accusation doit être purgée, pour que la translation soit opérée. L'autorité administrative remet l'ordre de conduite, ou tout autre document équivalent, qui suffit pour saisir le procureur général du lieu où est transféré le prévenu.

§4. Je me suis occupé jusqu'ici de l'extradition en ce qui concerne les individus qui, après avoir commis un crime en France, ont fui à l'étranger; mais la France, usant de réciprocité envers les Puissances étrangères, consent à leur livrer les malfaiteurs qui ont commis des crimes sur leur territoire. Les magistrats sont tout à fait étrangers à la négociation qui intervient alors; mais il est important que vous sachiez dans quelles limites est renfermée l'autorité judiciaire française, quant à l'aide qu'elle peut prêter aux autorités du pays étranger où un crime a été commis. Souvent des magistrats étrangers transmettent directement aux procureurs généraux, à leurs substituts et même aux tribunaux, des mandats, des ordres d'arrestation, des jugements de condamnation. Ces mandats, ces jugements ne sont point exécutoires en France : l'arrestation d'un étranger ne peut être opérée qu'en vertu de l'ordonnance du roi qui ordonne l'extradition. Ces mandats ou jugements doivent m'être adressés par les magistrats qui les ont reçus, pour que je m'entende sur la question d'extradition avec M. le ministre des affaires étrangères. Vous êtes souvent instruit qu'un étranger qui a commis un crime dans son pays, se trouve dans votre ressort. Si cet étranger est porteur d'un passe-port falsifié, s'il se livre à la mendicité, au vagabondage, etc., vous ferez opérer son arrestation, et vous m'en instruirez immédiatement; mais, quand cet étranger n'a commis aucun délit en France, vous vous rappellerez que c'est à l'autorité administrative seule à prendre les moyens de surveillance, à adopter les mesures de police qui peuvent l'empêcher d'échapper aux poursuites commencées contre lui hors de France.

L'exécution de l'ordonnance d'extradition est confiée aux agents de l'ordre administratif; mais, quand l'étranger que livre la France se trouve sous le coup de poursuites dans le royaume, et qu'il est écroué en vertu d'un ordre de la justice française, vous avez diverses déterminations à prendre.

Si l'étranger dont l'extradition est accordée, subit une peine en France, il ne pourra être livré qu'après que cette peine aura été subie. Si des poursuites ont été commencées contre lui, elles doivent être mises à fin; s'il est acquitté, l'ordonnance d'extradition sera immédiatement exécutée; s'il est condamné, elle ne le sera qu'après sa peine subie. Mais c'est dans l'intérêt de la vindicte publique seule que l'extradition peut être retardée; l'intérêt particulier ne pourrait être écouté, et, en conséquence, un créancier qui retient en prison un débiteur étranger dont l'extradition serait accordée, ne saurait s'opposer à ce qu'il fût livré à la Puissance étrangère qui l'a réclamé. En effet, par suite de l'extradition,

l'étranger se trouve sous la main de la justice étrangère, il est complétement à sa disposition, et l'assurance du payement d'une dette ne peut être mise en balance avec l'utilité qu'il y a à punir un malfaiteur. Si, dans un cas pareil, des créanciers réclamaient auprès de vous, vous n'auriez aucun égard à leurs réclamations; et si, comme il y en a eu des exemples, ils s'adressaient aux tribunaux, vous soutiendriez l'incompétence de l'autorité judiciaire, et vous vous entendriez, au besoin, avec l'autorité administrative pour que le conflit fût élevé. Le conseil d'État a, le 2 juillet 4836, approuvé un arrêté de conflit rendu dans de semblables circonstances.

§ 5. Il me reste à vous entretenir de l'exécution des commissions rogatoires qui peuvent être transmises à l'étranger, et aussi de l'exécution de celles qui sont envoyées par les autorités étrangères. Nos relations avec les Puissances étrangères sont diverses, relativement à l'exécution des commissions rogatoires émanées des tribunaux français; mais le gouvernement peut obtenir de toutes certains documents, certaines

mesures conservatoires.

Toutes les commissions rogatoires qui devront être exécutées à l'étranger, me seront transmises. Dans aucun cas, les magistrats ne correspondront avec les autorités judiciaires à l'étranger, pour la transmission ou l'exécution de ces commissions rogatoires. Si l'on trouve convenable d'y joindre une note explicative, elle me sera adressée, et je la ferai parvenir au gouvernement étranger. Les magistrats français ont fait précéder quelquefois de réquisitions adressées aux magistrats étrangers les commissions rogatoires qui étaient transmises à ceux-ci : cela ne doit point être ainsi. Aucun lien' judiciaire n'existe entre les magistrats des deux nations différentes : il est inutile de faire des réquisitions auxquelles il ne peut être obtempéré. Il faut, si l'on juge nécessaire d'employer une formule, se servir d'une formule d'invitation, de prière; et cette formule devra être aussi simple et aussi brève que possible.

les

Il y a une exception aux règles qui précèdent : elle est relative à l'exécution des commissions rogatoires dans les États de S. M. Sarde. L'article 22 d'un traité conclu à Turin, le 24 mars 1760, est ainsi concu: « Pour favoriser l'exécution réciproque des décrets et jugements, cours suprêmes déféreront de part et d'autre à la forme du droit, aux réquisitoires qui leur seront adressés à ces fins, même sous le nom desdites cours. » Les sénats des diverses provinces dont se composent les États sardes, se fondant sur cette disposition, ne permettent l'envoi en France que des commissions rogatoires qu'ils ont délibérées. Ces commis sions rogatoires sont rédigées en leur nom et adressées à la cour royale dans le ressort de laquelle elles devront être exécutées. Ces mêmes sénats exigent, par réciprocité, que les commissions rogatoires, venant de France, quel que soit le magistrat saisi de l'information qui les nécessite, leur soient adressées par la cour royale du ressort, et ils en subordon

nent l'exécution à leur propre autorité. Ainsi, quand une commission rogatoire devra être envoyée dans les États de S, M. Sarde, vous la soumettrez à la cour royale pour que cette cour en délibère; et si elle juge convenable de la transmettre, elle rendra un arrêt portant invitation à l'un des sénats des États de Sardaigne de l'exécuter. C'est par la première chambre civile de la cour et en chambre du conseil, que l'arrêt doit être rendu. Vous m'en transmettrez ensuite une expédition; car les corps judiciaires de deux pays étrangers ne doivent pas correspondre entre eux, et l'arrêt de la cour royale ne sera exécuté qu'en vertu du consentement réciproque des deux gouvernements.

Le gouvernement français consent à ce que des commissions rogatoires émanées de tribunaux étrangers soient exécutées en France; mais il veut les examiner avant d'autoriser leur exécution, pour s'assurer qu'elles ne contiennent rien de contraire aux lois du royaume. Le magistrat auquel une commission rogatoire est transmise directement de l'étranger, et ce cas est très-fréquent, doit donc me l'envoyer immédiatement pour que je décide s'il y a lieu d'y faire droit. Ces commissions rogatoires seront exécutées par le juge d'instruction, sur la réquisition du ministère public: les témoins doivent être entendus dans la forme ordinaire; ils peuvent être contraints par les voies de droit à déposer; quand le magistrat instructeur aura accompli sa mission, il rendra une ordonnance de soit remis au parquet, et vous me transmettrez toutes les pièces dans le plus bref délai.

Telles sont, monsieur le procureur général, les instructions qu'il m'a paru nécessaire de vous transmettre sur la matière de l'extradition. C'est une des parties de l'administration criminelle où il se commet le plus d'erreurs, où j'ai le plus souvent occasion de rappeler les règles aux magistrats. Faites, par vos soins, qu'il n'en soit plus ainsi. Je compte sur votre zèle et vos lumières pour que le service, sur ce point, soit régularisé. Je vous prie de m'accuser réception de la présente circulaire, dont je vous adresse des exemplaires en nombre suffisant pour que vous puissiez en transmettre aux procureurs du roi, aux substituts et aux juges d'instruction de votre ressort.

Vous voudrez bien considérer comme abrogées les circulaires relatives à l'extradition qui ont été adressées par la chancellerie à vos prédécesseurs, et notamment celles des 6 octobre 1810, 12 juin 1846, et 34 juillet 1824.

Recevez, monsieur le procureur général, l'assurance de ma considération distinguée.

Le garde des sceaux, ministre secrétaire d'État au département de la justice et des cultes,

M. MARTIN (du Nord).

Le maître des requétes, directeur des affaires criminelles et des grâces,

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