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une idée, peut ne plus subsister, qui eft-ce qui la leur rendra, lorfque la mémoire nous rappellera l'idée de ces mêmes objets quoiqu'abfens? Je répons, Madame, que la mémoire n'eft que le retour d'une idée déja reçue. Un objet a occafionné un ébranlement dans une fibre du cerveau : c'est au retour de cet ébranlement qu'est attaché le renouvellement de l'idée. Il n'est pas néceffaire que ce fecond ébranlement foit fait par les mêmes efprits qui l'avoient caufé la premiere fois; par quelques efprits qu'il foit renouvellé, l'idée fera renouvellée. Lorfque renfermés en nous-mêmes nous dérobons toute notre attention aux objets extérieurs, les ef prits répandus dans le cerveau fe portent indifféremment à toutes les fibres nerveuses; & en les mettant

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en mouvement, ils réveillent en nous l'idée de plufieurs objets. C'est en ce fens que l'on peut dire que foit que nous veillions, ou que nous dormions, notre ame penfe fans ceffe, puifque les efprits font dans un mouvement continuel, & que dans ce mouvement ils ébranlent toujours quelques fibres du cerveau. Mais daignez faire attention, Madame, que de ce mouvement il ne réfultera jamais d'idée fenfible qui n'ait auparavant existé dans notre ame. Toute idée nouvelle fuppose un objet préfent aux organes des fens. Cette propofition eft d'autant plus vraie, que pour nous repréfenter l'image d'un objet quenous n'avons point vu, nous lions enfemble l'idée de plufieurs objets connus & fi dans nos rêves nous croyons appercevoir des figures qui

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n'ont

n'ont jamais exifté que dans notre imagination, de quelque efpece que foient ces idées monftrueufes, elles ne le font que par la bifarrerie de leur affemblage; chacune des parties dont elles font compofées tire fon origine d'un objet réel, & d'une idée vraie dans fon principe.

Tout ce que j'ai eu l'honneur de vous dire jufqu'ici, Madame, fur les idées & les paffions, ne regarde que les idées qu'excitent en nous les objets extérieurs, & les paffions qui naiffent à l'occasion de ces mêmes objets. Si l'imagination de la mere peut imprimer fur le corps de l'enfant renfermé dans fon fein quelque tache extérieure, en conféquence d'une idée qu'elle aura eue, ou d'une paffion dont elle aura été agitée; ce ne pourroit jamais être à l'occafion des objets fpirituels.

D

J'ai donc cru devoir me borner aux feuls objets fenfibles, & vous devez y ramener ces expreffions gé nérales qui femblent renfermer tout ce qui peut être l'objet de nos idées. C'est donc d'après tous ces faits bornés aux objets corporels que nous devons examiner fi la mere peut communiquer à l'enfant renfermé dans fon fein fes idées & fes paffions. Je ne veux point vous cacher, Madame, qu'un des plus grands Philofophes de notre fiecle, le P. Mallebranche, a foutenu cette communication d'idées. Vous pourrez le voir dans fon Livre de la Recherche de la Vérité ; je vous l'envoie, je vous prie de le lire: vous y trouverez tout ce qu'on peut dire de plus favorable en faveur du pouvoir de l'imagination. Si après cela je fuis affez heureux pour vous

ב

prouver que cette opinion n'eft qu'un faux préjugé, vous devrez plus facilement vous pardonner une erreur qui vous eft commune avec ce grand homme. Je fuis, &c.

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