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PRÉFA CE.

I un Auteur doit être fenfible à des applaudiffemens qui l'honorent, il doit encore avoir plus d'égard pour des critiques qui l'éclairent. Le Public eft non feulement notre juge; il eft auffi notre maître; & c'eft fe rendre indigne de fes éloges que de ne pas profiter de fes cenfures. Auffi n'ai-je point balancé à corriger certains défauts que l'on a remarqués d'abord dans la Scene X. & dans le dénouement du Confentement forcé.

,

Mais lorfque quelques perfonnes, trop attachées à des beautés de mode, condamnent dans un ouvrage ce qui n'y eft pas conforme, je penfe qu'un Auteur peut ne point déférer à leurs décifions, & qu'il eft même en droit de les combattre. Ces per fonnes, peu flattées de la fimplicité de mon file prétendent que j'aurois dû le rendre plus délicat plus fin, en un mot plus épigrammatique; & ils cenfurent dans cette piece ce qu'ils louent euxmêmes ou plûtôt ce qui les frappe malgré dans les Comédies de Moliere. Je ne fais fi je ne leur prête point à l'égard de cet excellent Ecrivain des fentimens que peut-être ils n'ont pas. Mais au moins ne peuvent-ils difconvenir du plaifir que fes pieces font encore tous les jours aux Spectateurs. Diront-ils qu'en faveur de leur ancienneté on y rit par complaifance, ou par habitude; & que ce qui étoit bon autrefois, ne vaut plus rien aujourd'hui ? Il ne leur refte que ce retranchement, où je me garderai bien de les attaquer.

eux "

Pour moi qui fais gloire de prendre Moliere pour modele, fans me flarer de pouvoir jamais l'égaler,

j'ai voulu faire une Comédie qui plût fur le théa tre, fans éblouir, & qui fe foutînt à la lecture. Or je ne vois que le fentiment & le bon fens qui puiffent produire ce double effet. Quelques-uns de nos Auteurs ont beau vouloir mettre en crédit leurs brillans & leurs faillies. Ce prétendu efprit, comme l'expérience le prouvé, ne plaît que dans la nouveauté. Sa pointe aiguisée avec affectation s'émouffe à la vûe, dès qu'on la confidere de près, & je pourois citer plufieurs de ces traits d'efprit,aplaudis fans réflexion,qui dans le fond ne font rien moins qu'ingénieux. Ce n'eft pas en courant après l'efprit qu'on l'atteint. Jaloux de fa liberté, il fuit ceux qui le cherchent, & ne fe préfente qu'a ceux qui l'attendent. Je ne prétends pas néanmoins que nos bonnes pieces manquent d'efprit. Elles ont l'efprit qui convient à la Comédie, c'eft-à-dire l'efprit folide, qui n'eft pas celui avec lequel on brille dans les cercles & dans les ruelles où l'on ne demande qu'un plaifir vif & paffager. C'eft par cet efprit fimple, vrai & naturel que les pieces de Moliere ont toujours plû & plairont toujours. Le Glorieux, l'Ecole des Amans, l'Avare amoureux, la Pupile, & quelques autres Comédies de notre tems, ont la même deftinée, & je crois que c'eft-là la feule & véritable Comédie.

LE

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A joye que j'ai de vous voir, Cléante, m'est d'autant plus fenfible que je ne m'y attendois pas. Quoi! vous quittez Paris, dans le tems que les plaifirs y regnent?

CLEAN T E.

On n'eft pas toujours dans les mêmes difpofitions, mon cher Lifimon. On change à tout âge, & ces plaifirs, autrefois fi flatteurs pour moi, ne me touchent plus.

A

LISIMO N.

Ce que vous me dites là eft-il bien fincere!

CLEANT E.

Rien n'eft plus vrai, je vous affure.

LISIMO N.

J'applaudis de bon coeur à de fi beaux fentimens, & je m'en réjouis pour l'amour de vous. La feule chofe qui me fâche, c'eft que vous ayez choisi une faison fi peu favorable pour les amusemens de la campagne. Auteuil eft fort joli en été; mais il ne peut être agréable en hiver qu'à une espece de Milantrope comme moi.

CLEAN T E.

Il n'eft pas en mon pouvoir de mieux prendre mon tems. Car & c'eft ce qui me fait de la peine) ma vifite eft intéreffée.

LISIMO N.

Je puis vous rendre quelque fervice, mon cher Cléante ?

CLEANT E.

Un fervice de la derniere importance.

LISIMO N.

Voilà pour moi un furcroît de plaifir.

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CLEANT E.

Je vous demande pardon de la liberté que j'ai prife; mais j'ai amené une perfonne avec moi.

LISIMO N.

Votre excuse m'offenfe. Quel que foit celui pour qui vous vous intéreffez, il eft digne de mon eftime, dès qu'il mérite la vôtre. Mais où donc eft. cet ami? Pourquoi n'entre-t-il pas ?

CLEANT E.

Un moment, je vous prie. Vous allez être éton né. C'est une Dame que je vous amene.

Une Dame!

LISIMO N.

CLEANT E.

Vous ne ferez pas fâché de la connoître.

LISIMO N..

Voilà donc comme vous êtes changé ?

CLEANTE.

C'est la plus grande preuve que j'en puiffe donner

LISIMO N.

Effectivement, c'en eft une fort belle, qu'une

nouvelle amourette!

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