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II.-REPORT OF THE FRENCH DELEGATION.

[Rapport fait aux Ministres des Affaires Étrangères et du Commerce et de l'Industrie par la Délégation française à la Conférence internationale de la Haye pour l'unification du droit relatif à la lettre de change et au billet à ordre.]

MONSIEUR LE MINISTRE:

PARIS, le 15 Octobre 1910.

Vous avez bien voulu nous désigner comme Délégués du Gouvernement français à la Conférence internationale de La Haye pour l'unification du droit relatif à la lettre de change et au billet à ordre. Nous avons l'honneur de vous rendre compte des résultats de ses travaux. Les divergences nombreuses qui existent entre les lois commerciales des divers pays ont le grave inconvénient d'entraver le développement des relations internationales. D'abord, il est difficile aux commerçants de connaître les lois des pays auxquels ils n'appartiennent pas et qui leur sont souvent applicables quand ils contractent avec des personnes appartenant à d'autres nationalités ou quand ils font des opérations en dehors de leur propre pays. Puis ces divergences donnent lieu à des conflits de lois en présence desquels il est parfois malaisé de déterminer quel est le pays dont on doit appliquer la loi. De là naissent des incertitudes et parfois des procès qui sont une cause de frais et de perte de temps.

Aussi depuis longtemps a-t-on émis le vœu qu'il fût fait un code de commerce unique pour tous les Etats; c'est ce qu'on a souvent appelé un code de commerce international. Mais on a généralement fini par reconnaître qu'une entente entre les Etats sur toutes les matières commerciales est d'une réalisation impossible. Du reste, il est des matières commerciales sur lesquelles une telle entente ne serait pas d'une réelle utilité; ce sont celles qui, au point de vue des rapports internationaux, n'ont qu'une importance restreinte.

Si l'unification complète du droit commercial ne paraît pas réalisable, il est, du moins, possible d'y parvenir sur quelques matières. L'une de celles où cette unification rendrait les plus grands services est assurément la matière de la lettre de change et du billet à ordre.

La lettre de change a une utilité considérable dans les rapports internationaux. Elle évite les transports de numéraire, elle permet d'échapper à quelques-uns des inconvénients de la diversité des monnaies, elle sert au règlement de toutes les dettes internationales entre les États et entre les particuliers.

Fréquemment, une lettre de change créée dans un pays est payable dans un autre et, entre le jour de son émission et le jour de son échéance, une lettre de change est souvent l'objet d'endossements successifs faits dans les pays les plus divers. Quand les lois des pays de l'émission, du payement, des endossements sont divergentes, les intéressés sont difficilement au courant de ces lois et des difficultés s'élèvent sur le point de savoir quelle est la loi à appliquer.

Ce qui est vrai de la lettre de change l'est aussi du billet à ordre. Seulement, ce dernier effet de commerce est beaucoup moins employé que la lettre de change dans les relations internationales.

L'idée d'unifier les lois sur la lettre de change a été émise dès le XVIII° siècle. Mais c'est surtout de nos jours, dans la seconde moitié du XIX et depuis le commencement du xx, qu'un mouvement marqué s'est produit, en faveur de cette idée, dans un grand nombre de pays, et spécialement en France.

Ce ne sont pas seulement des personnes isolées, commerçants ou jurisconsultes, qui ont prôné les avantages d'une législation uniforme en matière de lettre de change. Des associations de commerçants et de jurisconsultes, des congrès ont émis des voeux répétés sur ce point, des parlements ont invité leurs gouvernements à s'occuper de la réalisation de ces vœux et des projets ont été préparés.

Dès le milieu du XVIIIe siècle, l'unification des lois relatives à la lettre de change fut recommandée par Accarias de Sérionne. Mais cette idée paraît avoir été oubliée pendant de longues années; c'est seulement depuis un demi-siècle environ qu'elle a donné lieu à des manifestations favorables répétées et variées. Il importe de mentionner les principales; il en résulte avec évidence qu'il y a là un but poursuivi depuis longtemps avec une remarquable persévérance. En 1863, l'Association anglaise pour les progrès de la science sociale (National association for the Promotion of Social Science), dans sa session de Gand, accueillit favorablement une proposition de M. Asser, avocat, professeur de droit à Amsterdam1, tendant à ce que les jurisconsultes des principaux pays commerçants s'entendent pour rédiger une loi uniforme sur la lettre de change.

En 1869, la Société de législation comparée de Paris, qui venait de se fonder, mit la question à l'ordre du jour en constituant une commission pour l'étude critique comparative des lois sur cette matière.

Les difficultés que suscitèrent les lois françaises de 1870 et de 1871, relatives à la prorogation des délais des protèts ou des échéances et les décisions divergentes rendues par les tribunaux des divers pays, attirèrent spécialement l'attention sur les inconvénients de la diversité des lois. De 1872 à 1875, des congrès de jurisconsultes réunis en Hongrie, en Danemark, en Allemagne, proclamèrent que l'unification des lois relatives à la lettre de change est un besoin de commerce international.

On ne tardera pas à se mettre à l'œuvre en cherchant à donner satisfaction à ces vœux répétés.

L'Association pour la réforme et la codification du droit des gens (qui est devenue l'International law association), dans des réunions tenues, de, 1876 à 1878, à Bréme, à Anvers et à Francfort-sur-leMein, sur le rapport d'une commission composée de représentants de douze États, vota 27 règles (connues sous le nom de règles de Brème) qui indiquent les solutions à adopter sur les principales questions dans une loi uniforme relative à la lettre de change.

Il s'agissait là seulement des bases générales d'un projet de loi. Un projet de loi complet fut rédigé par les soins de M. Cesare Norsa, avocat à Milan. Ce projet comprenant 106 articles fut discuté et adopté par l'Institut de Droit international, dans sa session tenue à Bruxelles en 1885 et recommandé à l'attention des gouvernements.

En 1884, le Roi des Belges constitua une commission chargée d'organiser un Congrès de Droit commercial qui se réunit à Anvers

1 Actuellement Conseiller d'État et Ministre d'État à La Hayc. C'est lui qui a présidé la Conférence de La Haye dont les travaux font l'objet du présent rapport.

en 1885. Il vota un projet de loi sur la lettre de change, sur le billet à ordre et même sur le chèque, en 57 articles à recommander à l'adoption des différents Etats. Le Congrès d'Anvers comprenait des délégués officiels de quinze gouvernements, spécialement du Gouvernement français, et des représentants de banques, de chambres de commerce, de bourses, de facultés de droit et d'associations juridiques d'un grand nombre de pays. Ce projet fut complété et révisé en 1888, dans un second Congrès tenu à Bruxelles.

Le Congrès international du Commerce et de l'Industrie, qui se tint, en 1889, à Paris, à l'occasion de l'Exposition universelle, s'occupa du même sujet. Sur le rapport de MM. Lyon-Caen et Cousté, il adopta dix-huit règles formulant les bases d'une loi uniforme sur les lettres de change. En outre, une adresse au Gouvernement belge fut votée pour le remercier de la grande et utile initiative qu'il avait prise dans les Congrès d'Anvers et de Bruxelles.

En 1900, la question fut traitée à Paris dans les séances du Congrès international de Droit comparé, organisé par la Société de législation comparée. En 1904, elle fut reprise par l'association des jurisconsultes suisses réunie à La Chaux-de-Fonds.

A partir de 1905, le mouvement s'accentue, les vœux et les résolutions favorables à l'unification des lois se multiplient. Il ne se passe plus une seule année sans que quelque fait se produise à cet égard.

Au Congrès international des chambres de commerce et des associations commerciales et industrielles, tenu à Liège en 1905, un délégué de la chambre de commerce de Vérone présenta un rapport concluant à la nécessité de la convocation d'une conférence pour la préparation d'une loi uniforme sur la lettre de change. Mais la décision à prendre fut remise au Congrès de Milan, qui se réunit en 1906. Celui-ci vota une résolution invitant les membres du Congrès à faire, auprès de leurs gouvernements respectifs, des démarches pour les déterminer à entamer des négociations tendant à la confection d'une loi uniforme sur la lettre de change.

Quelques jours après, le 5 octobre 1906, l'International law association, réunie en session à Berlin, vota une résolution par laquelle elle exprimait sa sympathie pour le projet d'unification du Droit relatif à la lettre de change, sur lequel elle avait déjà antérieurement porté son attention, et elle chargeait son comité exécutif de faire toutes démarches utiles pour assurer le succès.

La même association, réunie en 1908 à Budapest, révisa les règles de Brème adoptées de 1876 à 1878, et en fit les vingt-six règles de Budapest.

En 1907 (1er mai), le Reichstag allemand vota à l'unanimité une résolution favorable à l'unification du droit en matière de lettre de change et à la convocation d'une conférence internationale chargée de la réaliser.

Le mouvement s'étendit à l'Italie. Le 15 mai 1908, la chambre des députés italienne adopta une résolution semblable à celle qu'avait votée, l'année précédente, le Parlement allemand.

Le 4 septembre 1908, le Congrès international des chambres de Commerce, réuni à Prague, se prononça aussi en faveur de l'unification des lois sur la lettre de change et de la convocation d'une conférence internationale.

74733°-S. Doc. 768, 61-3- -26

L'Union interparlementaire réunie à Berlin proclama le 19 septembre 1908, à l'unanimité, la nécessité d'une loi uniforme sur la lettre de change.

La Fédération des Industriels et des Commerçants français s'associa, en 1908, à ces résolutions.1

A la suite de ces vœux, de ces résolutions, de ces projets, les gouvernements italien et allemand s'entendirent pour demander au gouvernement néerlandais de convoquer à La Haye une conférence internationale qui aurait à s'occuper de l'unification réclamée si vivement et si souvent dans tant de pays divers.

Une invitation fut adressée par le Gouvernement néerlandais à tous les États qui ont participé à la dernière conférence de la paix. Cette invitation fut suivie d'un Questionnaire indiquant toutes les questions que la conférence internationale aurait à résoudre pour parvenir à arrèter les termes d'une loi uniforme.

Un grand nombre de gouvernements ont fait des réponses à ce Questionnaire. Il en a été ainsi du Gouvernement français.'

Le Questionnaire du Gouvernement des Pays-Bas a été soumis au Comité de législation commerciale du ministère du commerce et de l'Industrie. Celui-ci a organisé une enquête dans laquelle il a entendu des représentants de la Banque de France, des grands établissements de crédit et de deux importants syndicats professionnels de banquiers: l'Union des Banquiers de Paris et de la province et l'Union des Banquiers des départements. Un rapport a été adressé au ministre du commerce et de l'industrie pour expliquer les principales réponses au Questionnaire proposées par le comité de législation commerciale. Ce rapport, communiqué au ministre des affaires étrangères, a été examiné par la commission de droit international privé qui s'est ralliée à ses conclusions. Celles-ci, approuvées par les deux ministres compétents, ont servi d'instruction aux délégués français. Ainsi, les questions posées ont été mûrement examinées en France et, grâce à l'enquête à laquelle il a été procédé, il a été tenu largement compte, dans les réponses faites aux questions posées, des idées des intéressés fondés sur l'expérience et sur les besoins de la pratique.

La conférence internationale convoquée à La Haye s'est réunie dans cette ville le 23 juin 1910 et ses travaux ont duré jusqu'au 25 juillet suivant. Trente-deux États y étaient représentés. Les Délégués étaient à la fois des jurisconsultes et des hommes versés dans la pratique des opérations de banque, spécialement des représentants des banques nationales ou d'importantes banques privées (Banque de France, Banque nationale de Belgique, Banque nationale Suisse, Banque d'Angleterre, Maison Mendelssohn et Cie de Berlin, Banque privilégiée Impériale et Royale de crédit pour le commerce et l'industrie de Vienne, Centralbanken for Norge de Christiania, etc.). La conférence a arrêté les termes d'un avant-projet de loi uniforme qui comprend 88 articles. En même temps, elle a rédigé un avantprojet de convention internationale à laquelle l'avant-projet de loi est annexé (art. 1er).

1 Bulletin mensuel de la Fédération des Industriels et des Commerçants français, no 63, 6* année, no 3, 1908.

2 Depuis longtemps on réclame de différents côtés, en France, une révision de la législation sur la lettre de change et sur le billet à ordre. Lors de la discussion au Sénat de la loi du 7 juin 1894, qui a supprimé la necessité de la remise de place en place dans la lettre de change, le Ministre de la justice, M. Fallières, promit de déposer un projet de loi faisant une révision générale de la législation sur les lettres de change et les billets ordre.

La convention contient l'engagement par les Etats contractants de mettre en vigueur dans leurs pays respectifs le projet de loi. Elle renferme, en outre, quelques dispositions ayant pour but de réserver aux lois nationales la faculté de résoudre autrement que la loi uniforme quelques questions sur lesquelles il n'était pas possible d'arriver à un complet accord ou de statuer sur des questions que la loi uniforme ne tranche point.

La loi uniforme est, d'après l'idée qui a été admise par la conférence, destinée à devenir la loi même de chacun des pays contractants et à se substituer, par suite, complètement à la loi en vigueur. Elle ne sera donc pas applicable seulement dans les rapports internationaux, elle le sera sur le territoire de chacun des États contractants même dans les relations entre les nationaux de chacun d'eux. On arriverait à des complications parfois très grandes si à côté des lois nationales demeurant en vigueur dans chaque pays, il y avait un droit spécial consacré par la convention pour les seules relations internationales.

La conférence a estimé, par suite, que la loi uniforme ne doit pas ètre restreinte aux seules lettres de change internationales. On peut entendre sous ce nom les lettres de change payables dans un pays autre que celui de leur création. Avec ce système, on laisserait subsister les lois nationales de chaque pays pour les lettres de change payables dans le pays même de leur émission.

On a fait remarquer que ces dernières lettres de change peuvent ètre endossées dans d'autres pays que celui où elles ont été émises et sont payables et qu'alors, la loi uniforme se trouvant sans application, les conflits de lois qu'on se propose d'éviter par l'unification du droit, continueraient à se produire.

La conférence a reconnu que l'accord entre les États est possible sur presque tous les points. Il a, toutefois, été constaté que, sur quelques-uns, il ne serait pas possible d'avoir raison de dissentiments tenant à des conceptions théoriques différentes ou provenant de besoins et d'usages pratiques variant suivant les pays.

Ces quelques dissentiments irréductibles ne touchant pas à des points vraiment essentiels, ne peuvent mettre obstacle à l'entente générale. Sur les questions sur lesquelles on ne peut espérer que l'accord se fasse, il a été réservé aux lois nationales de statuer librement, en dérogeant à la loi uniforme ou en comblant les lacunes qu'on y a laissées. Les réserves faites au profit des lois nationales sont insérées dans la convention.

Quelques-unes de ces réserves ont, pour la France, une réelle importance. Sur plusieurs points, les intéressés entendus dans l'enquête faite par le comité de législation commerciale ont indiqué qu'à aucun prix les avantages de l'unification ne devaient faire abandonner certaines règles admises par la loi française. Il a été donné satisfaction à ce désir par l'insertion d'une réserve au profit des lois nationales toutes les fois que les idées françaises dont il s'agit n'ont pu être consacrées par la loi uniforme.

Trois réserves de cette nature méritent d'être signalées pour bien faire comprendre que nous n'aurons à sacrifier aucun des principes auxquels les intéressés tiennent essentiellement, en adhérant à la convention projetée.

A. Les législations ne concordent pas dans leurs dispositions relatives à la forme de la lettre de change. Elles diffèrent notamment au point de vue suivant. Quelquesunes (lois allemande,

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