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MONSIEUR; on y voit ensuite plusieurs autres hommes désignés le sieur, et comme ces derniers étaient sans doute de la troupe de Molière, en voici les noms, avec la désignation des rôles qu'ils remplissaient: BÉJART représentait le peintre et un ivrogne; JOACHIM, un Suisse et l'alchimiste; LA BRUGUYÈRE, un courtisan et la Dissolution; LA PIERRE, la Discorde et la Sobriété; MARTIAL, un Suisse; MOLIÈRE, le poëte et une harangère. Enfin on y trouve encore cinq noms de femmes; mais comme l'une d'elles est désignée Madame d'Argencourt, et que l'on ne donnait pas le titre de Madame aux actrices, on pense que c'étaient des dames de la société du prince; d'autant plus qu'aucune des actrices connues de la troupe de Molière ne figure dans le ballet, et cependant, pour Mme Duparc, c'était une bien belle occasion de se distinguer comme danseuse; mais l'usage n'admettait pas les actrices dans les divertissements de ce genre. Le titre du livret ne dit pas que le ballet soit de la composition de Molière; toutefois, le couplet de la harangère pourrait le faire croire :

Je fais d'aussi beaux vers que ceux que je récite,
Et souvent leur style m'excite

A donner à ma muse un glorieux emploi.
Mon esprit de mes pas ne suit pas la cadence.
Loin d'être incompatible avec cette éloquence,
Tout ce qui n'en a pas l'est toujours avec moi.

Enfin, il est probable que les représentations des Précieuses et du Dépit amoureux, signalées par certains auteurs comme ayant été données en 1654, et contestées par d'autres, ont eu lieu dans l'occasion dont il s'agit. Molière resta probablement à Montpellier jusqu'au 5 mai 1655, époque à laquelle le prince de Conti quitta cette ville pour aller en Roussillon.

Au commencement de juillet 1655, il revint à Lyon, où il demeura plus de trois mois. C'est dans cette ville que d'Assoucy, qui avait quitté Paris à la mème époque, le rencontra, et qu'il reçut de Molière et des Béjart la longue hospitalité dont il fait l'éloge. C'est également à Lyon que Molière eut occasion de revoir le prince de Conti, qui, à son passage, assista aux représentations que Molière y donnait avec succès; et c'est alors peut-être que le prince l'engagea à venir à Pézénas pour l'époque des états. De Lyon, Molière se rendit, en août, à Avignon; il y fit la connaissance de Nicolas Mignard, qui habitait cette ville, et d'Assoucy y perdit dans un tripot tout ce qu'il avait : Vêtu comme notre premier père Adam, lorsqu'il sortit du Paradis terrestre, dit-il.

A l'arrivée du prince de Conti à Pézénas, pour les états de 16551656, Mme de Calvimont, sa maîtresse, proposa d'envoyer chercher la comédie. Daniel de Cosnac, premier gentilhomme de la chambre du prince et intendant de ses plaisirs, sachant que Molière était dans le Languedoc, l'invita à venir. Pendant que cela se passait, une troupe de comédiens arriva à Pézénas, et Cormiers, qui en était le directeur, ayant su se rendre favorable à Mme de Calvimont, le prince de Conti engagea sa troupe. Molière, par suite de la missive qu'il avait reçue, se mit en route pour Pézénas le 20 octobre 1655; mais, à son arrivée, il fut assez mal reçu; le prince de Conti voulait le renvoyer sans indemnité. De Cosnac, qui se trouvait compromis dans l'affaire, s'était décidé à donner trois mille livres de sa propre bourse à Molière; mais avant d'en venir là, il voulut essayer de le faire agréer. Il s'entendit d'abord avec Sarrazin, secrétaire du prince, et ils obtinrent de faire jouer Molière en présence de M. de Conti. Ce dernier n'ayant pas été satisfait de la représentation, insista pour que la troupe de Molière fût renvoyée; mais, à la seconde représentation, donnée deux jours après, il en fut plus content. Alors Sarrazin, qui s'était épris des charmes de Mme Duparc, gagna Mme de Calvimont, et tous trois, réunissant leurs efforts, firent renvoyer Cormiers et conserver Molière.

En conséquence, le prince de Conti le logea, lui et sa troupe, dans son magnifique domaine de la Grange-des-Prés, situé près de la ville; il le défraya de tout, et d'Assoucy dit que c'était une Cocagne. Molière donnait à Pézénas deux représentations par semaine, dont une le samedi ; et dans les jours qui lui restaient libres, il allait exploiter les alentours: Mèze, Lunel, Gignac, Marseillan, Agde, Nissan, Montagnac, Béziers. A Mèze, il descendait à l'hôtel du Saint-Esprit, dit, depuis, l'Auberge des Comédiens. Le transport de sa troupe, suivant M. Raymond, se faisait à cheval; Molière, comme chef, en avait un pour lui seul; on en octroyait aux actrices un pour deux, et aux hommes un pour trois; ce qui veut dire assez que la moitié de la route se faisait à pied.

Un jour, allant ainsi de Gignac à Montagnac, la valise de Molière se détache de la croupe de son cheval; une jeune fille, qui la voit tomber, s'empresse d'aller la cacher sous ses jupes. Dès que Molière s'aperçoit de ce qui lui arrive, il retourne en arrière; la jeune fille lui dit que la valise est tombée beaucoup plus loin; le cavalier pique des deux; aussitôt la villageoise cache la valise dans un fossé et court après le comédien, comme pour l'assister dans ses recherches; tandis

qu'au contraire c'était pour mieux le fourvoyer. Molière en racontant la perte de sa valise, disait : « Comment voulez-vous qu'il en « ait été autrement? je sortais de Gignac, j'étais devant Brignac, « j'allais à Montagnac en passant par Lavagnac; au milieu de tout « ces gnac ma valise était perdue. » A Balarga, à Saint-Pons-deMauchiens, on vous dit l'histoire de cette valise où se trouvaient << tant de trésors! tant de riches habits! tant de pierreries! »

Quand la rigueur du temps l'exigeait, on était en hiver, la troupe recourait à des moyens de transport plus confortables, et se trouvait aux prises avec le voiturin, personnage cupide et hableur, vantant son carrosse comme s'il l'avait équipé à l'égal d'un prince; tandis que la vérité était loin de là. Un jour, la troupe se faisant transporter de Pézénas à Béziers, dans une voiture à trois chevaux, tout-à-coup, étant à mi-chemin, et quand la nuit commençait à répandre ses sombres voiles, la portière s'ouvre, et le voiturin signifie qu'il faut faire le reste de la route à pied. « Pourquoi (demande Molière)? Parce «que (répond le voiturin) deux de mes chevaux sont aveugles, et << que le troisième qui était borgne, et qui les conduisait, vient d'a< voir son bon œil paralysé par un coup de sang.» (Anecdote populaire du pays.) Enfin, par suite d'un voyage de ce genre plus malencontreux que les autres, et qu'il avait fait à Marseillan, les notables de la ville s'imposèrent une cotisation, « pour venir en aide aux comédiens, que l'insuffisance des recettes avait mis dans un cruel embarras. »

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Plus tard, le prince de Conti, voulant éviter à Molière toutes les vicissitudes qu'il éprouvait dans ses petites tournées, frappa, à tort et à travers, des réquisitions de chevaux et de voitures, que les communes mettaient à la disposition des comédiens; et comme il se rencontrait parfois beaucoup de mauvaise grâce de leur part, le prince faisait escorter la troupe par un détachement de sa compagnie de gendarmes qui levait toutes les difficultés. A Montagnac, on parle d'une aventure dans laquelle Molière aurait été surpris en tendre conversation avec la belle châtelaine de Lavagnac; ce qui l'aurait obligé de sauter par une fenêtre pour échapper à de mauvais traitements.

Ces excursions ne pouvaient être que de courte durée, car Molière, tous les samedis, allait se faire accommoder par Gély, son barbier, chez lequel il s'asseyait ensuite dans un grand fauteuil, où il se plaisait à raconter les incidents de ses voyages, au grand ébahissement des habitués de la boutique de Gély on conserve précieusement, à Pézénas, le fauteuil dont il s'agit.

Après la clôture des états, faite le 22 février 1656, le prince de Conti fit remettre à Molière, pour les appointements de sa troupe, une assignation de 5,000 livres sur les fonds des étapes de la province, et dont le paiement fut tout d'abord refusé. Molière voulait quitter le pays, et ne pouvait alors y poursuivre les démarches nécessaires pour obtenir le paiement de l'assignation; heureusement, son ancienne connaissance de Sigean, Martin-Melchior Dufort, entrepreneur des étapes, était à Pézénas. Molière lui fit part de l'embarras dans lequel il se trouvait, des ajournements auxquels serait sans doute exposé le paiement de l'assignation qu'il avait reçue du prince de Conti; et il lui proposa de s'en charger. Dufort accueillit favorablement la demande de Molière, et lui donna rendez-vous à Narbonne pour conclure l'affaire.

<< Le 3 mai 1656, en présence de M. de Cathelan, baron de Portel, « viguier et juge royal de Narbonne, intervient un accord, sous forme «< de police, entre: MARTIN-MELCHIOR DUFORT et JOSEPH CASSAIGNES, « d'une part; JEAN-BAPTISTE POQUELIN MOLIÈRE et MADELEINE BÉJART, << d'autre part. » En vertu de cet accord, « Dufort et Cassaignes, so<«<lidaires l'un pour l'autre, prennent l'assignation du prince de « Conti à leurs risques et périls, et en fournissent le montant à Molière «<et à la Béjart, de la manière suivante : 1,250 livres en espèces, et « pour le solde, soit 3,750 livres, une lettre de change à l'ordre de << Molière et de Madeleine Béjart, tirée par Cassaignes sur Dufort, et « acceptée par ce dernier, payable à un an de date. "

De Narbonne, Molière alla à Carcassonne, où il fut rencontré (juillet-août 1656) par Chapelle et Bachaumont qui venaient de Toulouse et se rendaient en Provence. De Carcassonne, la troupe se porta sur Castelnaudary et visita une seconde fois Toulouse. De là, rebroussant chemin, elle se dirigea sur Béziers, où l'Assemblée des états du Languedoc devait se réunir, le 17 novembre 1656, sous la présidence de messire Louis de Cardillac de Lévy, comte de Bieul, représentant le roi. D'Assoucy, qui avait quitté Molière à Narbonne pour aller à Montpellier, vint le retrouver à Béziers; mais comme il ne s'y trouvait pas aussi bien que l'année précédente à Pézénas, il lui faussa compagnie et partit: quelque temps après, il lui écrivit pour s'ex

cuser.

Molière devait avoir un assez grand intérêt à se trouver, à cette époque, à Béziers; l'assignation du prince de Conti n'était pas payée; l'échéance de la lettre de change de Dufort approchait; il était bon d'être sur les lieux pour en toucher le montant, parce que, si

Dufort ne recevait rien, il pouvait faire des difficultés

pour satisfaire à ses engagements. D'ailleurs, l'occasion de la réunion des états était favorable pour donner des représentations, et, de plus, Molière pouvait tenter d'obtenir une nouvelle gratification; enfin, il pouvait espérer, à force de démarches près des membres de l'assemblée, d'arriver à des fins convenables. En conséquence, il commença par donner des billets de spectacle gratis aux députés les plus influents pour se les rendre favorables. En outre, il offrit à la curiosité des spectateurs ses meilleures pièces, entre autres le Dépit amoureux, dont la représentation, suivant la plus grande probabilité, fut citée en cette occasion; toutefois, il est à croire qu'il avait été joué ailleurs auparavant. Mais bientôt l'Assemblée des états arrête: « qu'il sera notifié par « Loyseau, archer des gardes du roi en la prévôté de l'hôtel, de reti«rer les billets qui ont été distribués, et de faire payer, si bon leur « semble, les députés qui iront à la comédie; l'Assemblée ayant « résolu et arrêté qu'il n'y sera fait aucune considération (non plus. qu'aux gratifications réclamées par les comédiens); défendant « par exprès à MM. du bureau des comptes, directement ou in« directement, de leur accorder aucune somme, ni au trésorier de la << bourse de payer, à peine de pure perte et d'en répondre en son « propre et privé nom. Cet arrêté était clair; néanmoins, les comédiens ne se tinrent pas pour battus.

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Béjart aîné imagina un expédient pour capter la bienveillance des états. Il avait composé un riche armorial, dans lequel étaient contenus et décrits les qualités, les armes, les blasons des prélats et des barons des états; il en fit hommage à l'Assemblée. Mais, hélas! dans son vote du 16 avril 1657, elle alloua une somme de 500 livres à l'auteur et déclara « qu'à l'avenir elle n'accordera aucune grati«fication pour de pareils ouvrages, à moins qu'ils ne soient expresa sément commandés. » Voyant qu'il n'y avait rien à espérer, Molière et sa troupe quittèrent Béziers et se rendirent à Montpellier, où ils donnèrent quelques représentations assez fructueuses. A l'époque de l'échéance du billet de Dufort, 3 mai 1657, ils étaient installés à Nîmes, avec l'intention de se diriger sur Paris. Avant de s'éloigner, les comédiens voulant connaître le sort de la lettre de change de Dufort, elle fut présentée; mais Dufort la laissa protester. Rien ne les retenant plus dans le Languedoc, Madeleine Béjart seule resta à Nimes afin de poursuivre Dufort, et la troupe partit pour Avignon, où Molière fit la connaissance de Pierre Mignard qui revenait d'Italie et qui s'était arrêté chez son frère Nicolas Mignard. D'Avignon, la

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