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Dom Alvare la remercia de fes bontés généreuses, & lui rendit un compte exact de tout ce qui s'étoit paffé.

Après cette confidence, Almoradine lui confeilla de fonger férieusement à fon départ: vos frequentes entrevûës, continuat'elle, avec Félime & Zéluma,ne pourront être long-tems fecrettes, & donneroient de dangereux foupçons au foible Boadilly, dont la haine pour les Efpagnols, ne demande que les occafions de faire perir ceux qui tombent entre fes mains. Ainfi, Dom Alvare, croyez-moi, partez inceffament, puifque vous êtes affuré de l'amitié de Zéluma & du cœur de Félime, & foyez perfuadé que pendant votre absence vous n'aurez point d'amie plus fidelle qu'Almoradine. Le Prince Abdelec m'a laiffé la maîtreffe de

vous rendre la liberté; & je vous affranchirois dès ce moment, si je ne vous ôtois par-là les moyens d'entrer dans l'Alembre; ainfi je ne briferai vos fers que lorfque vous ne voudrez plus les porter. Dom Alvare rendit mille graces à cette Princeffe, & la quitta en lui promettant que lorfqu'il auroit vû encore une fois Félime & Zéluma, fon départ la tireroit de l'obligeante inquiétude qu'il lui caufoit.

Pendant que cet illuftre efclave goûtoit toutes les douceurs que donne le plaifir d'être aimé, la Tendre Félime fe livroit entierement au penchant de fon cœur. Elle avoit inftruit la Reine de fa converfation avec Joraé; mais cette Princeffe,qui craignoit toûjours quelque malheur, la fit réfoudre de perfuader le lendemain à Dom Alvare de partir inceffam

ment.

Quelle que foit la douleur de fe féparer de ce que l'on aime, la crainte de le perdre pour jamais étant infiniment plus forte, fit confentir Félime à fe priver de la vûe de Dom Alvare, pour conferver des jours où les fiens commençoient d'être fortement attachés.

Le reste du jour & la nuit qui fui fucceda, furent employés diverfement par les illuftres perfonnes qui habitoient l'Alembre & l'Albifain. Boadilly ne s'occupa qu'à chercher les moyens de fauver la vie & fon Empire de la domination Espagnole. Abenamard, furieux de voir fon bonheur retardé, formoit le funeste deffein d'enlever Félime, & de la faire conduire à Fez,pour lui être un ôtage affuré des promeffes de Boadilly. Les douceurs d'une flamme mutuelle, oules rigueurs

de l'abfence, compoferent les pensées agréables où triftes des Princeffes Almahide & Félime, de Dom Alvare & de Zélu

ma.

Enfin les tenebres fe diffiperent, le jour parut, & chacun ne fongea qu'à executer les projets de la nuit. Dom Alvare ne vit pas plûtôt approcher l'heure où il de voit fe rendre dans l'Alembre, que fon amour l'y conduifit avec empreffement. On ne faifoit point de difficulté de l'y l'aiffer entrer, Almoradine l'ayant fait connoî tre pour un de fes efclaves. It trouva Félime qui fe promenoit dans le bois des trois Fontaines en attendantZéluma qui lui avoit envoyé dire qu'il iroit l'y joindre inceffamment.

Dom Alvare emporté par la violence de fa paffion à cette charmante vûe, fe jetta aux pieds de

Félime, & la regardant avec des yeux où l'amour étoit peint: La Princeffe de Grenade, lui dit-il, n'a-t'elle rien changé au fort dè Joraé?Non lui répondit-elle, en le faifant relever, les volontés de Zéluma & le mérite de Dom Alvare ne trouvent point d'oppofition dans mon cœur ; mais, Seigneur, continua-t'elle, il faut me prouver que j'ai quelque pouvoir fur vous, en quittant ces lieux dès demain, fi cela fe peut ; Grenade est un séjour trop dangereux pour vous, & vous n'ignorez pas que nous avons tout à craindre des fureurs de Boadilly.

Je fuivrai toûjours vos ordres Madame,lui dit-il,quoiqu'il m'en puiffe coûter; & fans fonger au danger que je cours, je ne m'occuperai jamais que du foin d'affurer votre repos; mais lorfque je fuis prêt à me priver d'une vûë

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