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touché du fort d'un homme qu'il avoit donné à fa fille, & pour lequel il avoit pris une forte eftime, remontroit fagement au Roi de Grenade que cet efclave étoit Efpagnol, que fa naiffance pouvoit être illuftre, & que s'il le faifoit mourir fans en donner part aux Rois de Caftille, ce feroit les irriter encore, & que la mort de cette efclave cauferoit peut-être la ruine de Grenade.

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Zéluma appuya fortement les raifons d'Abdelec malgré le courroux que lui en marqua le Prince Almenfor; mais Boadilly, toûjours prévenu contre les malheureux, par fa cruauté naturelle, ne voulut rien accorder en faveur de Joraé. La Reine même qui entra dans ce moment, ne put rien obtenir, malgré les charmes & la douceur qu'elle employa fléchir fon barbare époux

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qui ne répondoit à fes prieres que par des regards pleins de rage & de fureur. Ne m'en parlez plus, dit-il enfin, celui que vous protegez tous fubira dans deux jours le plus affreux fupplice, & quand il n'auroit fait d'autres crimes que celui d'armer contre mes volontés ceux qui devroient les approuver, il périra.

A ces mots il entra dans fon cabinet fuivi d'Almenfor, & la triste Almahide ayant donné la main à Zéluma, il la reconduifit à fon appartement, où Félime & Almoradine l'attendoient.

Nous n'avons pû fléchir le cruel Boadilly, leur dit cette belle Reine, fongeons à fauver Dom Alvare, il eft perdu fi nous retardons un moment. Zéluma qui rêvoit profondément pendant ce difcours, prit la parole & s'adreffant à la Princeffe Almo

radine: Madame, lui dit-il, vous pouvez feule garantir la vie de Dom Alváre, le tems nous eft trop cher pour chercher des détours: ainfi fouffrez que je vous dife que je fçai qu'Ofmin vous eft dévoué, & que la refpectueufe paffion qu'il a pour vous le fera tout tenter pour vous la prouver : ordonnez-lui de délivrer Joraé & de le remettre entre mes mains, & fans doute vous ferez obéïe.

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Je veux bien vous avoüer, lui répondit Almoradine avec une modefte hardieffe, qu'Ofmin doit affez au Prince Abdelec mon pere, pour faire quelque chofe à ma confideration il eft genereux, il aime les Espagnols; & s'il eft vrai qu'il ait de plus tendres. fentimens pour moi, , je veux bien les éprouver en faveur d'un homme pour lequel vous vous interreffez tous & que j'eftime infini

ment. Ainfi, fans tarder davantage, la Reine n'a qu'à lui ordonner de fe rendre chez elle au commencement de la nuit, & ce fera en la présence que j'emploirai tous mes foins à lui perfuader ce que nous fouhaitons de lui. Zéluma dit alors qu'il avoit un efclave fidele qui s'acquiteroit de cette commiffion. Il pria enfuite Félime d'écrire à Dom Alvare, & cette aimable Princeffe, pouvant fuivre fon penchant fans rougir, obeït avec joye.

Tandis qu'elle écrivoit, Zélu ma fit appeller l'esclave auquel il fe fioit; la Reine lui donna fes ordres pour Ofmin, Almoradine lui donna les fiens, & Félime le chargea de fa lettre après l'avoir lue aux Princeffes. Comme elle parloit au nom de toutes en general, elles ne crurent pas neceflaire de lui écrire en particu

lier. L'efclave partit & fe rendit aux Tours vermeilles, où ayant été conduit devant Ofmin, il lui fit fçavoir ce que la Reine fouhaitoit de lui. Ce genereux Gouverneur l'affura qu'il fe rendroit à l'heure marquée au Palais de l'Alembre. L'esclave lui ayant demandé la permiffion de voir Joraé de la part du Prince Zéluma, il lui accorda; on le mena à fa chambre ; & comme on ne croyoit de nul confequence de laiffer deux efclaves enfemble, celui de Zéluma eut la liberté de rendre la lettre de Félime à Joraé fans avoir de témoins. Dom Alvare l'ouvrit avec précipitation, & y trouva ces paroles.

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