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LETTRE,

Félime à Dom Alvare.

E

peu

de foin que vous avez

Lpris de vos jours méritant un Supplice proportionné à votre faute, je le voulois commencer en vous privant de mes nouvelles ; mais les ordres de Zéluma l'ont emporté fur mes réfolutions. On travaille à vous Jauver; notre grande Reine s'intereffe pour vous, Almoradine & le Prince mon frere vont agir fortement, & Félime fait des vœux pour la réuffite de leurs deffeins. C'est tout ce que peut faire pour

vous,

LA PRINCESSE DE GRENAde.

Quoique cette lettre n'exprimât pas toute la tendrefle & l'inquiétude de Félime, elle en di

foit affez pour faire connoître à Dom Alvare une partie de fon bonheur. Il y fit réponse, & écri vit auffi à Zéluma & à la Princeffe Almoradine. La lettre qui s'adreffoit à Félime étoit en ces

termes.

LETTRE.

L'heureux esclave à la Princeffe de Grenade.

Ve ma prifon m'eft chere,puifqu'elle fait prendre à la divine Feume quelque interêt à ma vies mais que je crains, Madame, que ·les vœux dont vous accompagnez tous les foins de tant d'illuftres perJonnes ne foient plutôt pour me donner la mort, en m'éloignant de vous, que pour empêcher celle que mes ennemis me préparent. Si j'ai fait un crime en expofant mes jours n'en

devenez pas complice, en me privant fi tôt d'une vue qui fait tout le bonheur du fidele. DOM ALVARE.

L'efclave de Zeluma revint chez la Reine, où le Prince de Grenade, Félime & Almoradine l'attendoient avec impatience. Ils reçurent les lettres de Dom Alvare qui étoient remplies de tendreffe, d'eftime & de reconnoiffance. Almoradine voulant refter

au Palais pour parler à Ofmin, envoya dire au Prince Abdelec qu'elle pafferoit tout le foir chez la Reine qui s'étoit trouvée mal; en effet cette Princeffe, accablée de fes chagrins fecrets & de ceux de Félime qu'elle aimoit tendrement, fe fentit affez indifpofée pour manger en particulier, ce qui la délivra d'une foule de Courtisans qui ne pouvoient que l'embarraffer. Ainfi elle ne re

tint que les deux Princeffes, & fe fit fervir dans fon appartement par Helperence de Hita & quelques autres femmes en qui elle fe confioit. Pour Zéluma, il fortit dans l'intention de tenter encore de fléchir le Roi & le Prince Almenfor.

Les trois Princeffes pafferent enfemble la journée à s'entretenir de leurs infortunes, & à attendre l'heure qu'elles devoient voir Ofmin. Le Prince de Grenade les rejoignit fur le foir après avoir fait d'inutils efforts auprès de fon pere & de fon Roi.

Pour Ofmin, l'inquiétude où il étoit d'apprendre ce que lui vouloit la Reine & la Princeffe Almoradine, & charmé de pou voir être neceffaire à cette derniere, l'occupa entierement jusqu'à la nuit qu'il fe rendit à l'appartement de la Reine par un ef

calier dérobé, fur lequel l'efclave de Zéluma lui avoit dit qu'on l'attendroit. Hefperence de Hita l'annonça, & Zéluma fut audevant de lui & le fit entrer dans la ruelle de la Reine qui s'étoit mife fur fon lit; les deux Princeffes étoient autour d'elle affifes fur des carreaux. Ofmin se mit à genoux devant la Reine, & cette Princeffe lui tendant la main : Levez-vous, Ofmin, lui dit-elle, nous avons befoin de vous, & nous empruntons la voix de l'aimable Almoradine pour vous rendre favorable à nos prieres & vous en expliquer le fujet. Ofmin répondit à ce difcours avec le refpect que l'on devoit à cette belle Reine, & fe tournant du côté d'Almoradine : C'est donc à vous, Madame, lui dit-il, que je dois m'adreffer pour apprendre les ordres de la Reine; le

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