페이지 이미지
PDF
ePub

tisfaire ; & comme l'un & l'autre ne trouvoient point de repos dans les bras du fommeil, ils réfolurent de paffer une partie de la nuit à s'entretenir. Ainfi le genereux Ofmin jugeant à propos de fe retirer pour laiffer prendre un leger repas à Don Alvare & en faire autant, n'ofant manger manger ensemble dans la crainte de donner quelque foupçon, il lui promit qu'auffitôt que tout fon monde feroit retiré, de revenir le trouver, & de contenter fa curiofité ; ce qu'il fit après avoir pris les précautions neceffaires pour n'être entendu de perfonne. Ofmin, voyant que Dom Alvare lui prêtoit attention, commença fon difcours en ces

termes.

HISTOIRE D'OSMIN.

Q

Uand l'obligation où je fuis, Seigneur, de reconnoître la confiance que vous prenez en moi, ne me forceroit pas à vous donner toute la mienne, l'extrême amitié que vous avez fait naître dans mon cœur m'y obligeroit. indifpenfablement.

Vous fçavez, Seigneur, que fept ou huit ans avant la guerre ouverte entre les Maures & les Efpagnols, il fe faifoit fur les terres des uns & des autres cent fortes d'actions & de brigandages indignes de fe paffer entre des nations gouvernées par des Rois,, mais fur tout, les Maures ne fe laffoient point de faire des courfes pour butiner les Efpagnols ; ils ne fe contentoient fouvent pas de leurs richeffes, les enfans qu'ils

trouvoient occafion d'enlever, faifoient prefque toûjours une partie de leur butin.

J'étois alors fous la tutelle d'un vieillard nommé Don Diegue, & de Dona Maria fa femme, qui vivoient à Tarragone dans une petite maison qu'ils avoient au bord de la mer, & dont ils faifoient valoir le revenu. Je les aurois toûjours pris pour les auteurs de ma naiffance, fi leur propre aveu ne m'eût inftruit que j'étois d'un fang plus illuftre. Don Diegue étoit pauvre, & malgré la médiocreté de fa fortune, j'étois toûjours mis de façon à faire douter de fa pauvreté, les réflexions que j'ai faites depuis m'ont donné lieu de croire que la dépenfe qu'ils faifoient pour moi partoit d'une au

tre main.

Ils ne m'ont jamais nommé ceux de qui je tiens la vie; mais j'avois

j'avois neuf à dix ans lorsqu'un jour badinant avec une médaille d'or que Dona Maria m'avoit mife au col, cette bonne femme me dit en m'embraffant: Votre fecret,mon fils, eft renfermé dans cette boëte, il feroit dangereux de la perdre, & pour vous, & pour

nous.

A ces mots, s'étant mise en devoir de me l'ôter, je me débarassai de fes bras avec adreffe & je courus au bord de la mer dans un endroit affez écarté pour n'être point interrompu dans mon deffein. Là, je tentai d'ouvrir la médaille; & y ayant fait d'inutils efforts, la chaleur du jour & le bruit des flots de la mer qui battoient une petite éminence où je m'étois affis, m'inviterent au fommeil; je m'y rendis fans peine.

A mon reveil, je me trouvai avec la derniere surprise dans un

N

vaiffeau rempli de gens qui m'étoient inconnus; ils étaient autour de moi,ils m'admiroient &me contemploient avec une amitié qui m'empêcha de tomber dans le défaut ordinaire des enfans, qui eft de répandre des larmes quand on les fépare des gens qui les ont élevés ; au contraire, je les careffai, & répondis à leur amitié.

Comme ils virent que je m'expliquois en Espagnol, ils me parferent dans la même langue, & le principal d'entr'eux m'ayant pris dans fes bras, me dit, avec un férieux bien au-deffus de mon âge, que m'ayant trouvé quelque agré ment, il m'avoit enlevé pour me mettre auprès du Roi de Grenade fon maître ; qu'il feroit ma fortune, & que j'y ferois bien mieux que dans le lieu où ils m'avoient pris. Je vous avoüerai, Seigneur, que malgré ma jeuneffe, mon

« 이전계속 »