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coeur porté naturellement aux grandes chofes, me fit entendre avec plaifir que j'allois être auprès d'un grand Roi.

Cette ambition n'étoit pas toutà-fait extraordinaire à un enfant qui n'avoit vû qu'une affreufe folitude, & des perfonnes dont la fortune ne répondoit en nulle forte aux fentimens que la nature lui avoit donné. Il me demanda mon nom & qui j'étois ; je lui répondis que je n'en fçavois rien, mais que ceux qui m'élevoient, m'avoient toûjours appellé Ofmin. Ce nom s'accordant à leur nation, ils me le laifferent: leur deffein n'étant pas de me voler, ils ne m'ôtérent point ma médaille, que je garde encore avec foin, & dont j'eus la prudence de ne rien dire. Enfin, je fus conduit à Grenade & préfenté à Mulehy Affem, qui regnoit alors; j'eus le bonheur de

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lui plaire, & il me mit auprès du Prince Boadilly fon fils qui occupe aujourd'hui le Trône.

Nous étions de même âge, nous -cûmes les mêmes maîtres, & nous faifions les mêmes exercices. Cette conformité le contraignit, malgré fon orguëil naturelle, à me faire quelque amitié, & m'attira la feinte confideration de quelques Courtifans qui fçavoient que c'étoit plaire à Mulehy que de m'aimer; mais entre tous ceux qui me témoignoient de la bienveillance, je démêlai facilement la fincerité des fentimens du Prince Abdelec pere d'Almoradine.

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Ce Prince croyant voir en moi quelque chofe de plus grand que ma fortune, ne regarda mon état que comme un efclavage honorable qui me faifoit porter des fers dorés; & fçachant que j'ignorois manaiffance,il me traita plutôt en

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Prince & en ami, qu'en inconnu ; e il m'estima & m'aima veritable ment; & par fes confeils & fes fages inftructions, il voulut cultiver & fortifier lui-même les qualités qu'il s'imagina que j'avois reçu de la Nature; & fi j'en poffede quel-. ques-unes, c'est à fes foins genereux que je les dois.

Je m'attachai autant à lui par inclination, que je l'étois à Boadilly par devoir. Je fus jufqu'à dixhuit ans dans une fituation affez tranquille, & j'eus le bonheur de ne la voir troubler que pour me donner occafion d'acquerir de la gloire.

Mulehy Affem ayant des fujets de rompre la paix avec le Roi de Fez, qui feroient trop longs à vous expliquer,& qui ne font rien à mon fujet, il voulut que Boadilly portât la guerre jufques dans le fein de fes Etats: j'eus l'honneur

de l'y fuivre, ainfi que le Prince Abdelec. Je ne vous détaillerat point tout ce qui fe paffa en cette guerre, je vous dirai feulement que j'eus le bonheur de m'y diftinguer, & de fauver deux fois la vie au Prince Boadilly; que nous revînmes victorieux, ayant contraint le Roi de Fez, dont vous avez tué le fils, à faire une paix & une alliance qui a duré jufqu'à ce jour.

de

Le Prince Abdelee, attentif à faire remarquer mes moindres actions, porta fi haut le peu valeur que j'avois montré, que Mulchy voulut m'en récompen fer par le gouvernement du Fort des Tours vermeilles. Trois ans après, l'ambition de Boadilly s'étant déclarée, & les divifions des Zégris & des Abinferages ayant éclaté, Mulehy fut contraint d'abdiquer l'Empire en faveur de

fon fils. Ce fut à la cérémonie de fon Couronnement, où tous les Princes & les Princeffes du Sang le trouverent, que je vis pour la premiere fois la Princeffe Almoradine.

La voir & l'adorer ne furent pour moi qu'une même chofe; mais le défefpoir d'en être jamais aimé, par l'inégalité de nos pár conditions, me fit employer toute ma raison pour triompher de mon amour; n'ayant pû le vaincre, je m'y livrai entierement dans la réfolution de le cacher avec foin à celle qui l'avoit fait naître.

Content & fatisfait de l'aimer & de la fervir, fans qu'elle pût attribuer la vivacité de mes fentimens qu'à mon zéle & à mon refpect, je cherchai dans ma difcretion les douceurs & la fatisfaction que le deftin me refufoit. Je paffai cinq ans dans une continuelle at

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