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min & Almoradine en firent autant cette Princeffe avoit employé tout fon pouvoir pour l'obliger à partir; mais enfin elle se rendit aux raisons qu'il lui allégua pour ne la point quitter, & au ftratagême dont il s'étoit fervi pour garantir la vie.

Toute cette illuftre compagnie s'étant raffemblée, Dom Alvare remercia Almoradine des foins qu'elle avoit pris pour lui, & tous enfemble firent voir tant de douleur de fe féparer, que la Reine craignant que le jour parût avant que Dom Alvare partît, le pria

de fe retirer. A cet ordre il fe mit à genoux devant elle, & cette genereuse Princesse lui donnant fa main à baifer: Adieu, Dom Alvare, lui dit-elle, oubliez votre esclavage, & ne vous fouvenez que de l'eftime que nous conferverons éternellement pour

vous.

A ces mots elle le fit relever; & lorsqu'il eut pris congé d'Almoradine, & dit un adieu auffi tendre que triste à la belle Princeffe de Grenade, la Reine obli. gea Zéluma & Ofmin de l'emmener. Ils le firent fortir de ce lieu prefque par force, & laiffe. rent les Princeffes fi touchées, que la Reine fit deffein de refter quinze jours à la campagne avec Félime & Almoradine.

Ces trois amis arriverent à l'endroit où il falloit fe féparer ; jamais douleur ne fut plus vive & plus fincere. Dom Alvare em

braffa cent fois Ofmin & Zéluma fans pouvoir les quitter: enfin il falut fe dire adieu : tout ce que l'amitié a de tendre & de tou chant fut épuisé en cette occafion. Ofmin donna fes trois hommes à Dom Alvare, qui avoient un or. dre écrit de fa main, pour lui

faire trouver fur la route tout ce qui lui étoit néceffaire. Ainfi Dom Alvare fentit fouvent les effets de la generofité d'Ofmin depuis Grenade jufqu'en Efpagne, où je le laiffe arriver heureufement, pour dire ce qui fe pafla dans l'Alembre le lendemain de fon départ, jour auquel on lui avoit destiné un fupplice digne de la cruauté de Boadilly. Tout fut préparé dès le matin dans la place de ce Palais pour la mort de Joraé; Boadilly avoit fait mettre le portrait d'Abenamard fous un dais enrichi de diamans, au milieu de la place, vis-à-vis de l'échaffaut destiné au criminel, croyant appaifer les manes du Prince de Fez, en rendant cette peinture témoin de la punition de fon ennemi. Le Roi, accompagné du Prince Almenfor, de Zéluma & d'Abdelec, se rendit fur fon

balcon, voulant honorer de fa préfence cette barbare exécution. Un peuple innombrable s'étoit affemblé dans l'impatience de voir arriver le prifonnier, quand ceux qui étoient allés pour le prendre

vinrent annoncer fa mort. Ofmin arriva un moment après, qui inftruifit le Roi de ce prompt trépas, avec des termes aufquels fa generofité donna fi bien tous les traits de la verité, que Boadilly, malgré fon naturel foupçonneux, n'en prit aucun ombrage. Il ordonna que l'on fit au corps inanimé du criminel, le même traitement qui lui étoit deftiné vivant; & ne trouvant pas le même plaisir à ce fpectacle qu'il en efperoit de l'autre, il fe retira. Le Prince Zéluma, charmé de cet heureux fuccès, partit auffi-tôt pour en aller informer la Reine & les Princeffes; & Ofmin, fatisfait d'avoir

fauvé Dom Alvare, rentra dans le fort des Tours vermeilles, toûjours amoureux & toûjours infortuné.

Cependant, Dom Alvare ayant fçu à Grenade que Ferdinand étoit campé devant Baëca, il en prit le chemin, & y arriva fans danger, jugeant bien que le Duc de l'Infantade y feroit. Il apprit en arrivant qu'il étoit au quartier du Roi, il s'y rendit fans perdre de tems; & lui fit dire qu'un Cavalier demandoit à lui parler. Le Duc croyant que ce pouvoit être quelques avis touchant les Ennemis, fortit pour voir qui c'étoit; mais quelle fut fa furprise, lorsqu'il vit à fes pieds ce fils qui lui étoit fi cher, & dont la mort prétenduë lui faifoit regreter la longueur de fes jours! Tout guerrier qu'il étoit, il ne put empêcher fes larmes de couler, il le tint long

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