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chement à la fervir; & qu'entre plufieurs Seigneurs qui afpiroient à l'alliance du Duc de l'Infantade, il paroiffoit le plus empreffé. Elle rougit, elle pâlit, & prenant la parole avec crainte: Le Marquis d'Aguilar, dit-elle, a trouvé un protecteur en vous qui m'est fi cher, qu'il ne pouvoit mieux s'adreffer pour me faire entendre l'arrêt de ma mort fans me plaindre. Vous ne l'aimez donc pas, interrompit Dom Alvare Non, Seigneur, lui répondit-elle, & je fens que je ne l'aimerai jamais. Mais, lui dit-il, votre cœur est donc prévenu en faveur d'un autre? car enfin le Marquis eft bien fait, fa naissance est égale à la vôtre, & fa valeur le rend digne de l'estime que nos Rois ont pour lui; & je ne vois qu'une autre paffion qui puiffe excufer votre refus.

Vous me preffez beaucoup, lui dit Elvire, je ne fçai quel est votre deffein; mais, Seigneur, fans chercher à le pénetrer, je vous dirai avec franchise que l'Efpagne ne m'a encore rien montré qui m'ait fçu plaire. Dom Alvare ne voulut pas pouffer plus loin sa feinte, & regardant fa fœur avec tendreffe: Je ne puis vous em→ barraffer davantage, lui dit-il en lui prenant la main ; & pour réparer le mal que je viens de vous faire, fçachez, ma chere Elvire, que je n'ignore point que le Royaume de Grenade poffede le feul homme qui foit digne de votre cœur, & que tout ce que je vous ai dit touchant le Marquis d'Aguilar, n'a été que pour mieux découvrir vos fentimens ; & pour vous prouver que je ne continue point à feindre, apprenez ce que j'ai jugé à propos de cacher de mes avantures.

Alors il lui fit un exact récit de ce qui lui étoit arrivé avec Zéluma en Espagne & à Grenade. Voilà, continua-t-il, ce que je cherchois à vous apprendre, & je fuis charmé de vous trouver dans des fentimens conformes à mes defirs: car enfin ma vie eft attachée au fort de Zéluma; vous pouvez l'aimer fans fcrupule, fa fidelité eft inviolable, c'est un grand Prince ; & la chûte d'un Empire que fes vertus méritent, ne pouvant l'abbaifler, facilitera votre union & la mienne; la difference des Religions n'y fera point d'obstacles, puifqu'en faveur de cette double alliance, Félime & Zéluma font prêts à embraffer la nôtre, ce Prince m'en ayant auré mille fois avant mon départ. Ainfi, ma chere Elvire, fuivez votre penchant, je ne demande rien

contre votre devoir : la guerre ne permet pas au Duc de difpofer de votre main, vous n'aurez point l'autorité d'un pere à combattre, & fans doute la prise de Grenade vous fera revoir un Amant digne de vous,& vous donnera un époux approuvé de toute l'Espagne. Dona Elvire, que tout ce difcours avoit jetté dans une furprife auffigrande qu'avoit été fon embarras au commencement, fut quelque tems fans répondre; ce pendant la fincerité de Dom Alvare l'ayant remise, elle réfolut de parler fans déguisement. J'avouë, lui dit-elle, que la paffion du Prince de Grenade n'a pû me déplaire, & que j'ai fouhaité plus d'une fois qu'il fût en état de prétendre ma main; mais, Seigneur, le peu d'apparence que j'ai trouvé à le voir mon époux, étant ennemi de ma Patrie & de

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ma Religion, m'a empêché de donner des forces à l'eftime que je n'ai pû lui refufer. Cependant s'il eft vrai que vous voyiez quelque poffibilité à cette alliance, foyez perfuadé que je ne m'oppoferai point à vos volontés & au bonheur de Zéluma, tant que mon devoir s'accordera avec l'un & l'autre.

Dom Alvare qui n'en demandoit pas davantage, l'en remereia & lui dit l'intention où il étoit de chercher une occafion favorable pour découvrir fa paffion au Duc fon pere, efperant que fa politique s'accordant à celle des Rois de Caftille, il faifiroit avec joye ce moyen affuré de ranger fous leur puiflance deux perfonnes auffi confiderables que l'étoient Félime & Zéluma, & l'un & l'autre finirent cette converfation par mille affurances d'a

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