mitié & de confiance. Après quoi ils furent à l'appartement de la Ducheffe comme on venoit de l'avertir qu'on avoit fervi. Sur la fin du repas on vint dire à Eleonore, que la Reine la prioit de fe rendre chez elle pour une affaire preffée. Dom Alvare, dont les bleffures étoient entierement guéries, voulut accompagner la Ducheffe pour prendre congé de la Reine & retourner au Camp. Ils y furent à l'inftant, & cette Princeffe les ayant fait paffer dans fon cabinet: Je viens, leur dit-elle, de recevoir des nouvelles agréables & tristes à la fois. Le Roi de Portugal a accor dé à nos Ambafladeurs le réta bliffement du Duc de Bragance dans les premiers honneurs & dans tous fes biens; ainfi, Ducheffe, le Duc votre frere doit fe préparer bien-tôt à partir pour ge en aller joüir. On doit cet ouvraà la Princeffe Beatrix mere du Roi, & aux derniers momens d'Ifabelle votre mere. Cette vertueuse Princefle vient de mourir avec la confolation de fçavoir, que le Roi fon frere va répandre fur fa famille autant de graces que Jean II. y a fait couler de larmes. J'ai voulu vous apprendre cette mort moi-même pour vous confoler, en vous affurant que je ferai toûjours pour vous, par eftime & amitié, ce que la malheureuse Ducheffe de Bragance vous étoit par le fang. La Ducheffe de l'Infantade fe jetta aux pieds de la Reine pour la remercier de fcs bontés; mais ne pouvant contraindre la douleur que lui caufoit la mort de la Princeffe fa mere, elle la fupplia de lui permettre de se retiter.Dom Alvare prit congé d'elle dans dans ce moment, & rejoignit Eleonore, à laquelle la Reine envoya un Gentilhomme qui venoit exprès de Portugal pour lui détailler ce que cette Princeffe lui avoit appris. La Ducheffe l'ayant fait entrer dans fon cabinet avec Dom Alvare & Dona Elvire, elle pria le Portugais de ne lui rien déguiser des circonftances de la mort de la Duchesse de Bragance & de la clemence du Roi de Portugal. Ce Gentilhomme › pour fatisfaire à fon impatience, prit la parole en ces termes. S HISTOIRE De la mort de Ferdinand, Duc de Bragance, & d'Ifabelle de Portugal. Ous êtiez fi jeune, Madame, lorfque vous fortîtes de Portugal, que, pour l'éclairciffement des chofes que j'ai à vous dire, il faut que je rapelle à votre memoire les malheurs du grand Duc de Bragance, mon Seigneur & votre pere. Comme j'étois attaché à cet illuftre Prince, je les fçai avec certitude. Le Roi Jean II. ne fe vit pas tranquille au commencement de fon regne; plufieurs revoltes, & même quelques confpirations contre fa vie, lui firent chercher avec foin les auteurs d'un trouble qui fembloit s'augmenter à chaque inftant. Plufieurs des plus qualifiés du Royaume futent accufés & convaincus du crime de Leze Majesté. voyant Le Duc de Bragance laffé d'obéïr, lui qui étoit né Souverain, s'étoit confié à quelques-uns de ceux qui furent pris & accufés du deffein qu'il avoit formé de fecoüer le joug du Roi de Portugal. Ces lâches amis fe perdus, voulurent le perdre auffi, ils l'accuferent; & le Roi qui le craignoit déja par l'amour extrê me que le peuple avoit pour lui, la nobleffe de fes alliances & par la grandeur de fes biens, faifit avec avidité cette occafion de s'en défaire. On lui fuppofa des crimes aufquels il n'avoit jamais penfé & indignes de fon grand cœur, & quelque fut fon innocence, ce Prince perdit la tête fur un échafaut. Le Roi, non par |