content de fa mort, jura encore d'exterminer fes enfans qu'il commença par dégrader des honneurs dûs à leur rang, & dont il fit confifquer les biens.

Cette fureur affoupit les entreprifes des plus hardis, mais elle mit un deuil éternel dans l'ame de la Ducheffe de Bragance & de la Princeffe fa mere. La crainte de perdre le refte d'une illuftre famille, contraignit la trifte Ifabelle à faire fortir fes enfans de Portugal. Le tems preffoit ; & fçachant que la vertu trouve toujours des protecteurs, elle se réfolut de confier ce cher dépôt à l'Espagne. Ce fut moi, Madame, qui par fon ordre vint mettre fous la puiffance des Rois de Castille les Princes vos freres & vous. Ferdinand & Ifabelle vous reçurent avec tendreffe; & fuivant en tout les défirs de la Princeffe vo

tre mere, ils firent élever le Prince Jacques votre aîné dans les honneurs dûs à fon rang, & firent nourrir fecretement le Prince Alonze, qui pour lors n'avoit que quatre ans, à deffein de le fouftraire aux poursuites de Jean II. en cas que le Prince Jacques ne pût les éviter. Pour vous, Madame, vous fçavez avec quelle confideration la Reine Ifabelle vous a toûjours regardée, & votre mariage avec l'illuftre Alphonse Hurtade de Mendoce, Duc de l'Infantade, eft une affurance autentique que fes bontés ne finiront jamais.

Je retournai en Portugal confoler la Princeffe votre mere, par les promeffes que j'avois reçuës des Rois de Caftille de vous proteger de toute l'étendue de leur pouvoir contre le Roi Jean. Der puis ce tems la Ducheffe de Bra

gance & la Princeffe Beatrix vêcurent retirées de la Cour dans

une trifteffe que la perte d'un époux & d'un gendre ne rendoit que trop legitime. Le Prince Dom Emanuel, comme étant fils de la Princeffe Beatrix & frere de la Ducheffe votre mere, entroit tendrement dans leurs juftes fujets de douleur, & ne les abandonnoit point.

Cependant le Roi Jean ne fe vit pas plûtôt à l'abri des mauvais defleins de fes fujets, que foit que fon humeur eût changé, ou qu'il fut mieux confeillé, qu'il fit benir la douceur de fon regne, & par mille actions de clemence & de magnanimité il rappella tous les cœurs à lui; & pour donner quelques marques de bonté, & même de repentir, à la Ducheffe de Bragance, il fit venir à fa Cour le Prince Ema

nuel, & l'on affure qu'il avoit deffein de réhabiliter votre augufte maison & de rappeller les Princes vos freres; mais les vaftes projets de guerre qu'il fit en ce tems-là reculerent les effets de ce mouvement genereux. Les vertus qu'il remarqua dans le Prince Emanuel le déterminerent à le déclarer fon fucceffeur à l'Empi re, n'ayant point de pofterité: & le Prince votre oncle étant le plus proche heritier de la Couronne, il fit auffi tous les efforts pour obliger la Ducheffe votre mere & la Princeffe Beatrix à venir à la Cour; mais les honneurs d'Emanuel ne pouvant les confoler, elles refuferent conftamment de quitter leur folitude.

Les chofes étoient en ces termes, quand la Reine de Castille manda à la Ducheffe votre mere, votre illustre mariage, & la

perte

du jeune Alonze Monseigneur votre frere. La Princesse reçut ces nouvelles avec les differens fentimens qu'elles méritoient; elle aimoit tendrement le jeune Prince, elle efperoit le revoir un jour fans apprehender pour fa vie, & la joye de vous fçavoir heureuse ne put la défendre de la douleur d'avoir perdu un fils à qui la nature avoit donné tous les traits d'un époux qu'elle avoit adoré, & dont elle confervoit précieusement la memoire. Elle tomba dangereufement malade, mais nos foins la rendirent au jour; une langueur mortelle fut la fuite de cette maladie. La Princeffe Beatrix & le Prince Emanuel fon fils ne la quittoient prefque point. Ce fut pendant le cours de cette langueur, que le Roi Jean fut lui-même attaqué d'un mal inconnu aux plus habi

les