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que le Roi s'attendît en quelque forte à cette demande, il ne laiffa pas d'être embaraflé pour répondre. Il aimoit & refpectoit la Princefle fa mere, & la Ducheffe de Bragance lui avoit toûjours été chere ; mais il craignoit de rappeller des Princes dont la ven→ geance devoit faire toute l'occupation. Madame, lui dit-il enfin, ne doutez point que je n'embraffe avec chaleur les occafions de montrer mon zele pour vos interêts, lorfque le bien de l'Etat pourra s'y rencontrer. Ah! Sire, s'écria la Princefle Beatrix avec la noble hardieffe que donne l'autorité maternelle, que vous répondez froidement à une chose de cette importance ! Ah! mon fils, permettez-moi de vous parler encore en Mere: Songez que la Couronne n'eft pas à vous feul, vos peuples, votre Mere, votre Sœur,

vos parers doivent la partager en recevant de vous les graces qu'ils en efperent. Si vous trompez notre attente, à qui pourrons-nous avoir recours? voudriez-vous nous entendre détefter votre Regne: quand vous n'étiez que mon fils, vous pleuriez nos malheurs, vous fouhaitiez les pouvoir foulager; le Trône a-t'il changé votre cœur & voulez-vous que votre Sœur compte votre élevation au nombre de fes infortunes ? Voyez cette mourante Princeffe, continua-t'elle, en se jettant à ses pieds, fouvenez

yous que vous êtes mon fils & fon frere. Rendez, Sire, rendez la fille à fa Mere, les enfans à votre Sœur, rendez-vous à vous même: helas! ce font vos Neveux pour qui je vous implore. Le fpectacle touchant d'une Mere & d'une Sœur en pleurs, fit triompher la bonté d'Emanuel

fur les raisons d'Etat. Il rougit de voir la Princeffe Beatrix à fes pieds, il la releva avec empreffement; & ayant commandé qu'on fît approcher les Ambaffadeurs des Rois de Caftille, il leur accorda autentiquement le rétabliffement des enfans du Duc de Bragance dans les biens & les mêmes honneurs que ce Prince avoit poffedés.

Il fembloit que la Ducheffe votre Mere n'attendît que le rappel de fes fils pour quitter la vie. Elle tomba évanouie en fe jettant aux genoux du Roi pour le remercier: on l'emporta fans connoiffance dans fon appartement, Emanuel l'y fuivit. Elle revint avec peine, & voyant la Princeffe Beatrix qui fondoit en pleurs& le Roi fon frere qui cher choit à cacher les fiens: Ah, Seigneur! ah, Madame ! leur dit

elle,

calmez cette douleur je ne pouvois vivre plus longtems, le moment approche où je vais enfin rejoindre mon malheureux Epoux. Seigneur, continua-t-elle, foyez toûjours le protecteur de mon fils; & vous, Madame, confervez-vous pour lui. Je ne parle que de mon fils, puifqu'Eleonore eft heureufe & poffede le cœur de la grande Reine Ifabelle, & que le jeune Alonze eft fans doute privé pour toûjours des bontés de fon Roi; cependant,file Ciel l'a confervé, fouvenez-vous, Madame, que vous avez entre les mains ce qui peut le faire reconnoître ; n'épargnez rien pour le trouver, puifque le Roi veut bien qu'il vive,

Enfin, Madame, pour finir un fi trifte recit, cette grande Princeffe fe fentant près d'expirer, pria le Roi de me faire ap

procher: Dóm Sanche, me ditelle en me tendant la main, n'attendez pas l'Ambaffadeur du Roi pour vous rendre en Espagne, remerciez la Reine, confolez ma fille, & dites-lui que mes dernieres pensées ont été pour elle, & file Prince Alonze eft vivant attachez-vous à lui. A ces mots elle

fit un foupir qui fut le dernier de la vie.

Il vous eft aifé, Madame, de: concevoir l'affliction du Roi, & le défefpoir de la Princeffe Beatrix, nous crûmes qu'elle alloit expirer, auffi on l'arracha de cet appartement; & le Roi dont la douleur étoit plus retenuë, quoiqu'auffi violente, ne voulut point la quitter qu'elle ne l'eût affuré de mettre des bornes à fa douleur. Pour moi, Madame, j'eus befoin des ordres de la Princeffe votre Mere pour me réfoudre à 'ui furvivre.

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