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Dom Alvare affura la Ducheffe de faire partir Dom Sanche pour Grenade auffi-tôt qu'il auroit inftruit le Duc de l'Infantade de cette avanture, & qu'il auroit pris fes ordres pour le conduire prudemment dans cette affaire. Eleonore approuva fon deffein; & comme il étoit tard, après l'avoir embraffé, elle les congedia pour se mettre au lit, abbatuë par les differens mouvemens que lui avoient caufé tant de nouvelles importantes.

Dom Alvare ne voulant rien negliger pour le retour d'Alonze, refolut de retourner au Camp dès le lendemain ; il feroit même parti à l'inftant, s'il n'eût eu def fein d'obliger Dona Elvire à écrire à Zéluma. Il eut mille peines à la réfoudre à cette démarche, & ce ne fut qu'après avoir employé tout fon pouvoir fur elle,

qu'elle

qu'elle y confentit. Il fe rendit dès le point du jour au Camp, avec le Gentilhomme Portugais qu'il préfenta au Duc de l'Infantade, qui ne fut pas moins touché qu'Eleonore de la mort de la Ducheffe de Bragance, dont le Roi. l'avoit déja inftruit ; mais il fit connoître à Dom Alvare qu'il falloit attendre le fort de Baëca pour envoyer Dom Sanche; que Ferdinand voulant prendre cette ville d'affaut, il n'étoit pas facile de faire paffer qui que ce fût en fûreté, les ennemis gardant les paffages avec foin ; & que fi on fe rendoit maîtres de Baëca,comme il y avoit toute apparence, il feroit alors plus aifé d'avoir des correfpondances à Grenade.

Dom Alvare fe rendit à ces juftes raifons, voyant bien qu'il feroit extrêmement dangereux que l'on prît Dom Sanche, & que

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l'on fçût, par les lettres qu'il devoit porter, le rang d'Ofmn, dont la vie feroit en danger par cette découverte. Ainfi,il ne fongea plus qu'à chercher les occafions de montrer fa valeur au fiege de Baëca, où il ne voulut fervir que comme volontaire pour avoir de plus frequentes occafions de fe fignaler.

Je n'entreprendrai point de détailler tout ce qui fe paffa à ce fiege, puifque la guerre des Efpagnols contre les Maures a tre u vé place dans tant d'hiftoires differentes, que je ne pourrois dire que ce que mille Auteurs ont écrit avant moi.

Il fuffira donc pour l'intelligence de celle ci, que je faffe fçavoir que la présence du Roi Ferdinand donna de nouvelles forces à fes troupes, & que vou lant terminer un fiege dont la

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longueur commençoit à l'ennuyer, il resolut un aflaut general. Le réfoudre & l'executer furent la même chofe; & malgré la dé fense vigoureuse des alliegés, ils ne purent refifter à la valeur des Heros qui compofoient l'Armée de Ferdinand. Dom Alvare y fit voir fon courage invincible par mille actions dignes d'une éternelle memoire. Quoique Baëca fût emporté d'affaut, la pieté & la moderation de Ferdinand défendirent les habitans de l'infulté du foldat; & fes volontés furent fi ponctuellement executées, que l'ordre & la tranquillité fut dans la ville comme fi elle fe fût rendue par capitulation.

-Ce Prince mit une forte garnifon dans Baëca, & poursuivit fes conquêtes avec tant de rapidité, qu'il prit encore la ville de Alhama & plufieurs autres qui le

conduifirent jufqu'aux portes de Grenade. Mais tandis qu'il en ravageoit les environs, cette ville n'étoit pas fans affaires. Les Efpagnols n'étoient pas les feuls qui troubloient fa tranquillité, les differentes factions qui la rempliffoient y contribuoient bien plus que l'ennemi.

Boadilly, qui ne devoit la Couronne qu'à la retraite de Muley Affem fon pere, n'étoit jamais obéi que par la crainte que donnoit fa cruauté. Les principaux du Royaume ne cherchant qu'une occafion favorable pour le détrôner, crurent l'avoir trouvée dans les victoires desRois deCaftille.Ils firent murmurer le peuple de ce qu'il fembloit que Boadilly vouloit les abandonner à la difcretion des vainqueurs, puifqu'il ne tentoit rien pour les empêcher de venir à Grenade. Ces difcours

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