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furent réiterés avec tant de chaleur & d'audace, qu'il y en eut d'affez hardis pour demander un Roi qui les pût fecourir, & qu'on chaffat Boadilly d'un Trône qu'il occupoit fi mal. Quelques-uns fe rangerent de fon côté, mais la plus grande partie fe déclara ouvertement contre lui. Les Troupes mêmes qu'il tenoit à Grenade fe plaignirent de ce qu'on les renfermoit derriere des murailles, & qu'on ne les occupoit à rien.

Pour appaifer ce tumulte, Boadilly prit la refolution de faire quelque action d'éclat qui le rétablît dans les efprits, & qui le rendît redoutable aux Efpagnols. Pour ce effet il fortit de Grenade à la tête de fes troupes, fuivi d'une partie de la Nobleffe, ayant le Prince Zéluma pour fon Lieute nant, dans l'intention d'aller at

taquer les ennemis dans Lucéna, ville confiderable aux Efpagnols, & de fe venger, par fa prise, de la perte de Baeca. Il fe campa done à fa vûë, & en forma bien-tôt le fiege.

été

Mais Ferdinand ayant averti de la marche de Boadilly envoya G promptement du fecours à Fernandés de Cordouë, Seigneur de Lucéna, que les mu nitions neceffaires entrerent dans la ville, avant que les Maures fuffent en état de l'empêcher. Ce pendant Boadilly que le défefpoir animoit, commença ce fiege fi vivement, que les Rois de Caftille refolurent d'envoyer attaquer les Maures dans leurs retranchemens, & de les engager à an combat qui pût être décifif d'autant plus que Boadilly y étoit en perfonne.

Le Comte de Cabra, Ponce

de Leon, Dom Alvare de mendoce & le Marquis d'Aquilar à la tête de deux mille hommes de pied & de fix cens chevaux, foûtenus d'autres troupes, fe char gerent de cette entreprise. Ils attaquerent les ennemis. fi à propos & fi vigoureusement, qu'ils forcerent leurs retranchemens & penetrerent fi avant dans leur Camp, que les Maures furpris & épouvantés ne fe défendoient qu'en défordre. Ceux de la ville ayant fait une fortie au même inftant, rendirent la victoire cer taine. Dom Alvare dans la chaleur du combat ayant remarqué un Maure dont la valeur extraordinaire défendoit aux fiens l'entrée du quartier de Boadilly, s'avança pour les foûtenir; mais à peine eut-il jetté les yeux fur lui, qu'il reconnut Zéluma.

A cette chere vûë il ne put

s'empêcher de fe mettre entre lui & ceux qui l'attaquoient, en criant: Zéluma mon frere! quel eft votre deffein? Le Prince' de Grenade ne put méconnoître la voix d'un homme qu'il aimoit fi parfaitement, & s'avançant vers lui en baiffant fon cimeterre: je voulois mourir glorieufement, lui dit-il, mais puifque c'eft mon deftin de vous devoir la vie, je yous l'abandonne, & je me rends fans honte au genereux Dom Alvare: A ces mots il lui prefenta fon cimeterre. Dom Alvare l'embraffa, & le pria d'excufer s'il le conjuroit de fe laiffer conduire à Lucéna: Ne vous croyez point prifonnier, continua-t-il, & ne regardez ceci

que comme une occafion de voir Dona Elvire. Le Prince ne répondit qu'en lui ferrant la main, & fe mit lui-même au milieu de ceux que Dom Al-

vare

vare choifit pour le faire entrer dans la ville.

Cependant la resistance de ce brave Prince avoit donné le tems à Boadilly de s'échaper du Camp; la mêlée y fut fanglante, &, les Maures y furent prefque tous tués ou faits prifonniers. La fuite de Boadilly s'étant divulguée, nos guerriers fe partagerent avec un égal nombre de troupes, & le poursuivirent avec tant de bonheur, que ce malheureux Monarque, fuyant par des chemins remplis de rochers & de torrens debordés, ne put éviter d'être pris, ainfi qu'une partie de la Nobleffe de Grenade, qui ne l'avoit point abandonné. Le Comte de Cabra, fuivi de Dom Alvare, eut l'honneur de cette prife importante.

Ayant été joints par le refte de leur troupe victorieuse, ils ren

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