de maintenir Boadilly fur le Trône, & de le foûtenir contre les factions des Zégris & des Abinferages. Lorfqu'on eut reglé toutes ces chofes, on amena le fier Boadilly; il fe mit à genoux & baifa la main de Ferdinand. Ce Prince le reçut en Vainqueur moderé, & lui parla avec une fageffe infinie, en le confolant de fon malheur; enfuite on lui lut les conditions aufquelles il achetoit l'Empire & la liberté.

Comme il n'étoit pas en état de s'y oppofer, il accorda tout ce qu'on exigeoit de lui ; mais ce fut dans le deffein de ne rien tenir lorfqu'il feroit de retour à Grenade. Il fut refolu qu'il y feroit conduit inceffamment, & que le Prince Zéluma refteroit à la Cour des Rois de Castille,comme premier ôtage, & que Boadilly enverroit la Princeffe Félime auprès

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de la Reine Isabelle auffi-tôt qu'il feroit arrivé, & que fi quelques Dames vouloient la fuivre, elles en auroient pleine liberté. ( Ce dernier article fut un trait du Duc de l'Infantade, qui vouloit par là donner le tems au Prince & à la Princefle de Grenade de quitter authentiquement la Loi de Mahomet & de fe faire aimer de Ferdinand & d'Isabelle, avant que de parler de l'alliance qu'il avoit deffein de faire. ( Mais tous ces projets ne s'executerent pas avec tant de facilité, & le malheureux Boadilly ne fit qu'avancer fa ruine par celui qu'il formoit de secoüer le joug des Rois de Castille.

En effet, l'abscence de ce Prince rendit Grenade un théâtre de cruauté & de divifion. Le Traité de Ferdinand avec lui ayant été publié par la fine politique de ce

Monarque, qui prévoyoit bien l'effet qu'il feroit fur les efprits des Maures, mit une fi grande allarme dans les cœurs des Zégris & des Abinferages, que chacun voulant avoir un Roi de fa faction, & empêcher l'entrée de Boadilly, on vit un trouble dans la ville de Grenade, qui fit trembler d'effroi la Reine Almahide jufques dans le Palais de l'Alembre. Almenfor pere de Zéluma s'y étoit renfermé avec les Princeffes Félime & Almoradine; il en faifoit garder l'entrée par des troupes fidelles à Boadilly, mais qui n'étoient affez fortes pour foûtenir long tems les efforts que faifoient les Zégris & les Abinferages pour s'en rendre les maîtres. Ces derniers avoient mis à leur tête le Prince Abdelec pere d'Almoradine,qu'ils prétendoient pour Roi.

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La mort du vieux Muley Af fem, qui tenoit encore en bride les mutins pendant fon vivant étant arrivée en ce tems, leur donna une licence entiere. Chaque jour étoit marqué d'un nouveau combat ; le fang couloit par tout, & l'on ne voyoit que morts ou que mourans. Le genereux Ofmin qui devoit fon élevation au Prince Abdelec, mais qui vouloit être fidelę à Boadilly, fit entrer le plus de troupes qu'il lui fut poffible dans la Fortereffe, qui d'ailleurs étoit munie de ce qu'il falloit pour refifter aux entreprises des deux Partis, & il s'y tint fans fe vouloir mêler dans aucune faction.

Les chofes étoient en ces termes, lorfque les Rois de Caftille congedierent Boadilly, & lui donnerent même une efcorte fuffifante pour faciliter fon entrée

dans Grenade, en cas que l'on voulût s'y oppofer. Dom Alvare, de concert avec Zéluma, profita de cette occafion pour faire partir Dom Sanche, qu'ils chargerent de lettres pour Ofmin & Félime. La Ducheffe de l'Infantade lui en donna auffi, avec les inftructions qu'il lui falloit pour obliger ce Prince à quitter un parti fi contraire à fa gloire &à fa naiffance.

Boadilly partit enfin, & fe rendit à Grenade. A la nouvelle de fon retour, les Zégris changerent leur deffein en celui de le faire entrer malgré l'oppofition des Abinferages: ils s'emparerent d'une des portes de la ville, & la livrerent à Boadilly, qui fe cantonna dans un des Fauxbourgs de Grenade, d'où il envoya fom, mer le Prince Abdelec de pofer les armes, & demander au Gou