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que le Prince Moraïfel, pere de Filluftre Almahide votre Reine, voulant paffer de Grenade en Afrique avec toute fa famille, fit naufrage fur les côtes d'Efpagne où une tempête terrible le fit échouer; que ce malheur lui arriva prefqu'à la vûë du Duc d'Arcos, qui étoit pour lors à une fuperbe maifon qu'il a fur les bords de la mer; & que par une compaffion naturelle aux grandes ames, il fit partir plufieurs chaloupes pour fauver les malheureux qu'il voyoit prêts à périr; que fon genereux deffein réuffit; que Moraïfel, fa femme & fa fille qui n'avoit pour lors que quatre ans, & une partie de leur équipage, furent garantis de la fureur des eaux que le Duc & la Ducheffe d'Arcos les reçurent chez eux avec tant d'amitié, que Moraïfel fut obligé de fe dé

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couvrir à eux; & qu'enfin la Ducheffe d'Arcos prit une fi forte tendresse pour la jeune Almahi¬ de, qu'elle obtint de Moraïfel, en reconnoiffance de la reception qu'on lui avoit faite, de la lui laiffer pour être élevée avec le jeune Ponce de Leon fon fils, qui n'avoit auffi que cinq à fix ans ; & que malgré la tendreffe paternelle, Moraïfel & fa femme pénetrés de tant de bontés, confentirent à cette féparation après. être convenus qu'elle feroit remife à ceux qui viendroient la chercher de leur part, lorfqu'elle feroit en âge de faire une alliance avantageufes que Moraïfek laiffa auprès de fa fille deux femmes Maures, pour l'inftruire dans la Loi de Mahomet, & que ce Prince fe rembarqua comblé: des generofités du Duc d'Arcos. Et je fçai de plus que Ponce de

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Leon & la jeune Almahide contracterent une fi tendre amitié que l'on croyoit qu'ils ne pourroient jamais fe féparer; que la

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Ducheffe d'Arcos fit inftruire fecretement Almahide dans la Religion Chrétienne, & lui don. na une éducation qui la rend aujourd'hui une des plus parfaites Princeffes du monde.

Enfin, mon cher Zéluma, je n'ai point ignoré que le Prince votre pere vint avec une fuperbe fuite la demander aux Rois de Caftille pour la placer fur le Trône de Grenade, & que la politique de ces Princes leur fic préfumer qu'il leur feroit avantageux que vous euffiez uneReine élevée de leur main, & de plus, Chrétienne, & qui, par la douleur exceffive qu'elle fit paroître en les quittant les affuroit qu'elle ne portoit à Grenade ni

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fon cœur, ni fon efprit. J'ai fçu toutes ces chofes de la Ducheffe ma mere, qui voyoit fouvent celle d'Arcos, & j'aurois été du nombre de ceux qui furent faire leur cour à la Princeffe Almahide à fon départ, fi une affez lon gue & dangereuse maladie ne m'eût retenu au lit.

Ainfi, reprit Zéluma, je n'ai donc plus qu'à vous dire que je fuivis le Prince Almenfor à cette fameufe ambaffade, qui voulut profiter de cette occafion pour me faire voir la Cour des Rois de Caftille; mais comme ils balan-` cerent long-tems à rendre Almahide, j'eus tout celui de connoître les differentes beautés qui la compofent.

Dona Elvire étoit la feule que je n'euffe point vû, & le bruit de fes charmes me donnoit une cu-, riofité mêlée d'inquiétude dont

je n'étois pas le maître. Enfin je me trouvai un jour auprès d'Almahide, lorfque la Ducheffe de l'Infantade & votre incomparable fœur la vinrent vifiter Je ne puis vous exprimer, mon cher Dom Alvare, tout ce que reffentit mon cœur en ce moment; je fus furpris, je fus charmé, je ne vis qu'elle, je ne regardai qu'elle ; & tout ce que je puis vous dire, c'eft que dès cet inftant elle devint fouveraine abfoluë de mon fort. Mon amour étoit trop vif dans fa naiffance, pour qu'il n'éclatât pas dans mes yeux; je ne fçai fi leur langage fut entendu; mais je m'apperçus que Dona Elvire rougit plus d'une fois de mon application à la regarder.

Cette vifite qui n'étoit que de cérémonie, ne dura pas longtems, & je crús lorfque la Ducheffe fe retira, qu'une nuit af

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