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freufe s'épendoit par toute la terre. Je reftai le plus amoureux de tous les hommes, & j'eus mille peines à cacher mon trouble au Prince Almenfor. Mon efprit n'étoit occupé qu'à trou ver les moyens de revoir Elvire; mais quelque tentative que je fiffle pour y parvenir, il fallut attendre malgré moi, que le hazard me fît jouir de ce bonheur.

Le Ciel favorable à mes vœux, me l'offrit dans une affemblée qui fe fit chez la Reine, où cette Princeffe voulut que la Ducheffe

Votre mere amenât fon admirable fille. Je me trouvai placé aflez. près de Dona Elvire, pour lui pouvoir parler fans être entendu de perfonne : & comme Alma-· hide, au milieu des applaudiffemens que fa beauté lui attiroit, paroiffoit d'une trifteffe extrême, & que la converfation se tourna

d'abord de façon à obliger cha cun à s'entretenir en particulier; Dona Elvire fe panchant vers moi avec un fourire charmant.

Eft-il poffible, Seigneur, me dit-elle, que depuis que vous êtes ici vous n'ayiez pû faire connoître à la Princeffe Almahide, qu'une Couronne mérite bien un moment de joye? Je trouve fa trifteffe fi bien fondée, Madame, lui répondis-je, que je n'ai garde de la condamner ; & quoiqu'il foit beau de monter au Trône, il eft quelquefois plus doux d'obéir dans les lieux où l'on voit ce ouz

qu'on aime, que de regner rien ne peut nous plaire. Il faut avoir bien peu d'ambition, me dit-elle, ou aimer bien tendrement pour parler ainfi. Comme je ne connoîtrois l'ambition, lui dis-je avec empreffement, que pour vouloir couronner celle que

j'adore, & que mon cœur brûle du plus violent amour pour la divine Elvire, je ne puis fentir en ce moment que le défefpoir affreux d'être obligé de m'en sé

parer.

Je prononçai ces mots avec tant d'ardeur, que Dona Elvire en fut furprife; & je vis bien qu'elle fe préparoit à me punir de ma témérité, lorfque l'arrivée de la Reine obligea la conconverfation de changer de face: & tout le tems que cette affemblée dura, Dona Elvire affecta fi bien de détourner ses regards de deffus moi, qu'il me fut impoffi ble de rencontrer fes yeux.

Je ne laiffai pas cependant de goûter quelque fatisfaction d'avoir pû lui déclarer ma paffion. Le tems de notre départ approchoit, & ma douleur égaloit mon amour. La Princeffe Almahide

qui

qui avoit pris quelque confiance en moi, & que je regardois déja comme ma Reine, m'arracha mon fecret, & eut fouvent la bonté de m'offrir des confolations dans fon propre exemple. Mais rien ne pouvoit adoucir la rigueur de mon fort, je me voyois prêt d'abandonner › peut-être pour jamais, des lieux où je laiffois l'unique objet qui pouvoit faire le bonheur de ma vie, & pour comble de maux, je partois fans fçavoir fi j'étois aimé ou haï.

Enfin ce moment fatal arriva. La veille de ce funefte jour, toute la Cour fe rendit chez la Princeffe Almahide, la Ducheffe de l'Infantade y vint des premieres; & la Ducheffe d'Arcos l'ayant menée avec la Princeffe dans fon cabinet, je reftai feul avec la charmante Elvire. Je ne maître de moi en ce mo

fus pas

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ment ; & voulant profiter de cette occafion, voyant qu'on ne pou¬ voit me furprendre, je me jettai à fes pieds, & la retenant par fa robe voyant qu'elle vouloit me fuïr: Je pars, Madame, lui dis je, vous ne pouvez empêcher mon départ; mais vous pouvez empêcher ma mort, en approuvant un amour fidele & refpectueux, & en attribuant la hardieffe que j'ai eu de vous le déclarer, au peu de tems que j'ai pour vous en prouver la violence.

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Je veux bien pardonner votre témerité, me dit-elle, en m'ordonnant de me lever, à condition que vous en oublîrai pour jamais la cause. Je rencontrai fes yeux en ce moment, j'y remarquai de l'embarras, de la crainte, de la pudeur; mais, mon cher Dom Alvare, je n'y vis point de colere.

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