dans fon Expofition des Découvertes Philofophiques de Newton, Liv. II. chap. 1. art. 15. & 16. avec combien de vivacité il reproche aux adverfaires de ce grand homme d'avoir pris le prétexte injufte de l'usage qu'il fait du terme d'Attraction pour déprétier fa doctrine, en lui imputant fauffement des opinions semblables à celles de quelques ignorants, qui s'imaginent que les corps peuvent s'attirer les uns & les autres par quelque charme ou quelque vertu inconnue, ou bien qu'une tendance mutuelle eft effentielle à la matiere; tandis que Newton affure ou infinue toujours qu'un corps ne peut agir fur un autre qui eft éloigné, que par l'intervention des autres corps. Cependant le Public ne laiffe pas d'honorer du nom de Newtoniens des Philofophes qui ne craignent pas de prêter de telles idées à Newton, non pour déprétier fa doctrine par leur ab

furdité, ce que fes ennemis ont tâché de faire, mais plutôt pour en faire difparoître l'abfurdité par l'éclat & le relief que le nom feul de Newton feroit capable de leur imprimer.

C'est uniquement contre ces fortes de charmes, de tendances, de vertus inconnues & mystérieufes, defavouées par Newton, rejettées hautement par Mac-laurin, que j'ofe élever ma voix, & apporter quelques nouvelles rai→ fons, qui ferviront peut-être à en faire mieux connoître la contradiction & l'inutilité. J'ai fait remarquer dans mon Traité de l'Immatérialité de l'Ame, &c. contre Locke, de quelle façon ces charmes, une fois introduits dans la matiere, deviennent entre les mains de quelques Philofophes comme un voile fpécieux propre à couvrir toutes les facultés dont il leur plaît d'enrichir cette fubftance.

Il m'a paru qu'après avoir reconnu avec Galilée, fi Defcartes ne fait plus affez d'autorité, que le changement des formes, par le moyen defquelles les corps se revêtent de tant de differentes qualités, dépend uniquement de la tranfpofition des particules dont ils font compofés ; il y avoit de l'inconféquence à vouloir introduire des formes équivalentes pour expliquer des effets, qui peuvent également dépendre d'une fimple impreffion de mouvement. On n'a jufqu'ici d'autre raifon de déduire avec Galilée le changement des formes d'un fimple changement de pofition, que parce qu'on conçoit très-clairement qu'une femblable tranfposition est seule capable de varier les formes des corps & les qualités qui en résultent. Mais puifque nous voyons que le mouve ment eft éternel dans la nature, qu'il ne fait que paffer d'un corps

à l'autre, de telle forte qu'il en refte toujours la même quantité de même part; ne conçoit-on pas avec la même clarté comment la tendance des corps les uns vers les autres, peut être produite en vertu de cette agitation de toute la maffe de la matiere, qui fait que le mouvemennt fe communique fucceffivement & fans interruption d'un corps à l'autre ? Nous ne fçaurions, fans doute, déterminer quelle eft en particulier cette agitation qui fait circuler les planetes autour du foleil ; mais fommes-nous plus en état de déterminer quelle eft en particulier la tranfpofition requife pour convertir le bois en flamme? Nos connoiffances & notre ignorance font ici précisément au même point à l'un & à l'autre égard. C'est donc à tort que pour les formes nous ne fuppofons rien dans les corps, que ce que notre intelligence, aidée des moyens

convenables, pourroit comprendre parfaitement, en ne faisant que démêler en particulier ce qu'elle apperçoit déja confufément & en général; au lieu que par les tendances nous voulons des réalités qui ne répondent à aucune de nos idées, & que nos connoiffances augmentées même à l'infini, ne pourroient jamais nous faire concevoir, à moins que notre faculté intelligente ne changeât de nature.

Ainfi ces Differtations ne font, à la rigueur, comme je le dis à la fin de la premiere, qu'une fuite des éclairciffemens de mon Traité de l'Immatérialité de l'Ame, où j'aî tâché d'établir que l'ignorance où nous fommes touchant les caufes des phénomenes, ne nous oblige aucunement de recourir à des qualités que nous ne pouvons admettre dans la matiere, comme le dit Locke, fans renoncer à nos conceptions les plus