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qu'elles paroiffoient générales. Madame de Fajel y découvroit la paffion, les peines & le refpect de cet Amant délicat & miftérieux. Arrêtée par le plaifir de le voir, elle croïoit accorder affez à fon devoir, de l'écouter fans faire femblant de l'entendre. Elle étoit moins maîtreffe de fes regards; ils étoient doux & quelquefois embarraffez, & fon visage se fentoit de cette émotion qu'un cœur tendre communique. Tout enfin apprenoit à Raoul qu'il étoit entendu & pardonné.

Philippe, en arrivant de Chelles, avoit d'abord dépêché un courier vers Enguerrand, pour le rappeller à la Cour; & celui que le Maréchal lui avoit envoïe lui apprit que le Roi avoit été à Chelles, qu'il en avoit ramené Adelaide, & que la Reine

Mere l'avoit auprès d'elle. Quelle fut la furprise d'Enguerrand! Il admiroit, avec une forte d'indignation, l'habileté & le génie d'Adelaïde; il vouloit lui en faire un crime : l'adreffe dont elle avoit dû fe fervir pour mettre le Roi dans fes intérêts, confondoit fa raison. Eh quoi! difoitil, Adelaide luttera contre Enguerrand elle veut en triompher! Quoi à peine fortie de l'enfance, fes détours féduifans renverferont les mefures que j'aurai prifes, ou pour la contraindre à tenir les engagemens qu'elle m'a laiffe contracter, ou pour la punir de l'affront qu'elle fait à Alberic Enguerrand occupé de ces réflexions, revint à Paris. Il alla d'abord chez le Roi. Ce Prince en le voïant entrer dans fon Cabinet, fit retirer tout le monde.

Vous fçavez déja que j'ai été à Chelles, dit Philippe ; j'ai voulu voir & entendre, Mademoifelle de Couci, ou pour approuver, ou pour condamner votre févérité; mais, quoique prévenu contre Adelaide, je l'ai trouvé, malgré fa révolte, trop digne de ma protection, pour ne ne la lui avoir pas accordée. Que d'efprit que de raifon de raifon! que de vertu! Enguerrand, une fille fi accomplie, mérite plus d'égards qu'une autre ! C'est à la douceur & au tems à vaincre la répugnance qu'elle montre pour recevoir un maître: fi le tems ne peut rien obtenir, laissez-la dans un état libre; fon caractere doit vous affurer qu'elle foutiendra le nom de Couci avec dignité, & avec les fentimens de vertu qui le font connoître. Si les foibleffes des hommes, poursuivit le Roi, doi

vent les porter dans la fociété à avoir de l'indulgence les uns pour les autres, un pere doit fur tout s'y prêter dans le gouvernement de fa famille! S'il est triste pour un homme respectable, de fe voir réduit à exercer trop de rigueur fur des enfans peu dignes de lui, quels remords ne fe prépare-t'il pas par une action de violence, dont un enfant d'un mérite reconnu, feroit la victime le refte de fes jours? La nature ne doit aller que par la voie de la douceur; c'est-là fon véritable caractere; & c'eft auffi la route qui la méne le plus fûrement à fon objet. Enguerrand, ce n'est pas affez d'être pere, il faut être l'ami de fes enfans; Adelaïde mérite que vous foiez le fien. Mon reffentiment contre une fille rebelle, repartit Enguerrand, ne me rend point injuste

à fon égard; je ne lui refufe pas les qualitez que votre Majefté lui accorde; mais je lui fais un crime, de l'ufage qu'elle fait de fon efprit, de fa raison, de la fermeté de fon caractere; elle fçait mieux qu'un autre, tous fes devoirs: elle ofe cependant y manquer! elle en eft d'autant plus coupable, & j'en fuis d'autant plus irrité! C'est cette fermeté qui l'a déterminée au coup hardi de fe fouftraire à l'autorité paternelle! C'eft cet efprit adroit & feduifant, qui a fçû juftifier fa faute aux yeux de votre Majefté ! c'est lui qui fçait auffi la montrer innocente, au moment même qu'il cache combien fon cœur eft criminel! c'est lui enfin à qui elle s'en fie pour furmonter les ob ftacles qui s'opposent à ce qu'elle veut. Votre difcours me fait naître des foupçons, dit le Roi.

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