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nous n'y prenons pas moins de plaisir, que quand nous lisons la même chose dans Euripide? Et nous ne voudrons pas qu'on enrichisse notre Langue des Traités que Platon a faits, pour porter les hommes à mener une vie sage et heureuse? De plus, si je n'écris point en simple Traducteur, mais qu'en exposant ce que les Grecs ont avancé, je marque ce que j'en pense, et que je donne un autre tour un autre ordre à ce qu'ils ont dit, pourquoi préférera-t-on ce que les Grecs ont écrit, à ce qui sera heureusement écrit en Latin, et d'une manière nouvelle ?

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Que si on prétend que toutes les matières ont été épuisées par les Grecs, d'où vient que ceux inêmes qui parlent de cette sorte, lisent tant de différens Auteurs Grecs sur une même matière? Chrysippe, par exemple, n'a rien oublié de ce qui se pouvoit dire en faveur des Stoïciens : cependant on lit làdessus le Stoïcien Diogéne, Antipater,

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porte pas le vers entier, parce que de son temps c'étoit mot fort connu. C'est le commencement d'un vers d'Ennius dans la Médée, qu'il avoit traduite d'Euripide. Voyez la Médée d'Euripide vers 3. Ce même fragment d'Ennius est plus au long dans le fragment de Cicéron de Fato.

Diogene le Stoïcien fut appellé le Babylonien, parce qu'il étoit d'auprès de Babylone. Il fut disciple de Chrysippe; et, du temps de la seconde guerre Punique, il fut envoyé par les Athéniens à Rome avec Carneade Académicien, et avec Critolaus Peripateticien.

Antipater fut disciple de Diogene le Stoïcien. Quelques

A ;

Mnésarque, Panétius, plusieurs autres, et sur-tout notre ami Posidonius. Quoi, 6

uns le font de Tarse, et d'autres le croient le même que celui de Tyr ou de Sidon; et les uns le font précepteur du vieux Caton, les autres disent qu'il fut seulement son

ami.

Pour Mnésarque; je n'en trouve autre chose que ce que Cicéron en dit ; car il ne faut pas le confondre avec Mnéarque, qui fut pere de Pythagore.

Panétius aussi Philosophe Stoïcien, étoit de Rhodes: il fut disciple d'Antipater, et précepteur de Scipion, qu'il accompagna en Egypte. Cicéren en quelques autres endroits en parle comme d'un très-grand Philosophe.

Posidonius, qui fut appellé le Rhodien, quoiqu'il fût d'Apamée, avoit été disciple de Panétius, et il fut ami particulier de Cicéron, qui l'entendoit souvent à Rhodes. Pompée l'y entendit aussi, en allant à son expédition contre Mitridate et on dit que lorsqu'en prenant congé de lui, il lui demanda s'il n'avoit rien à lui dire, Posidonius lui répondit par ce vers d'Homère :

Αἰὲν ἀρισένειν, καὶ ὑπέροχον ἔμμεναι άλλων.

Etre toujours meilleur, et plus grand que tout autre.

Diogene Laerce marque que Théophraste étoit de l'Ifle de Lesbos; qu'ayant été quelque tems auditeur de Platon, il dévint ensuite disciple d'Aristote; qu'avant cela il s'ap pelloit Tritame; que ce fut Aristote qui lui donna le noin de Théophraste, à cause de son éloquence presque divine; et qu'après qu'Aristote se fut retiré en Chalcide, il tint son école à Athenes. Il est connu de tout le monde par ses caractères; mais il a composé une infinité d'autres Ouvrages, tant sur la Physique que sur la Morale. Quelquesuns ont écrit qu'il avoit vécu jusqu'à cent sept ans. Diogene Laerce ne le fait aller que jusqu'à quatre-vingt cinq: et il dit qu'un peu avant sa mort, ses disciples lui ayant demandé s'il n'avoit rien à leur dire, il leur répondit: L'amour de la gloire fait qu'on méprise les douceurs de » la vie : nous mourons quand nous commençons de vi. vre, et rien n'est plus vain que la passion pour la gloire. Soyez heureux, et prenez le parti, ou de quitter l'étude » de la sagesse, car elle donne bien de la peine, ou de » vous y attacher entierement, car elle vous acquerra un » grand honneur. Du reste, il y a plus de frivolité que » d'agrément dans la vie. Pour moi, il ne s'agit plus de

Théophraste, quand il parle des mêmes matières dont Aristote avoit parlé avant lụi, ne fait-il pas encore plasir à lire? Et les Epicuriens n'écrivent-ils. pas tous les jours autant qu'ils peuvent sur les mêmes sujets, sur lesquels Epicure et les Anciens ont écrit ? Que si les Grecs sont lus par les Grecs sur les mêmes choses différemment traitées pourquoi les Latins, qui les ont aussi traitées différemment, ne seront ils pas lus par les Latins ?

A la vérité, si je ne traduisois Platon ou Aristote, , que comme nos Poëtes ont traduit les Tragédies Grecques, mes citoyens ne me seroient gueres obligés de ne leur faire connoître que de la sorte, des esprits sublimes et presque divins. Mais c'est ce que je n'ai point encore fait. Et toutefois, lorsqu'il se présentera occasion de traduire quelques endroits des deux grands hommes que je viens de nommer, de même qu'Ennius a traduit quelques endroits d'Homére

Afranius 7 de Ménandre, je ne dis pas que

» songer à ce que j'ai à faire, c'est a vous de voir ce qu'il faut que vous fassiez. Diogene Laerce marque que ce fut lui qui forma Mênandre, l'auteur et le prince de la nouvelle Comédie.

7 Afranius Poëte Comique Latin, avoit traduit plusieurs Comédies de Ménandre, en quoi il avoit tellement réussi, qu'Horace dans sa Poëtique dit de lui,

Dicitur Afrani toga convenisse Menandro. Quintilien dans le 10. livre de ses Institutions, le loue fort pour la pureté de son style. Il fut contemporain de Térence.

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je ne le fasse. Du reste, je n'appréhenderois
point, comme 8 Lucilius, d'écrire pour tout
le monde. Eh que ne puis-je même avoir
pour lecteurs 9 Persius, Scipion l'Africain
et Rutilius, dont il craignoit tant le juge-
ment, qu'il disoit que ce n'étoit que pour
les Tarentins, pour ceux de Consente, et

8 C. Lucilius Chevalier Romain est le premier auteur
de la Satyre, comme Horace le marque dans la dixieme
Satyre de son premier livre, qui est toute sur le sujet
de Lucilius et Cicéron, dans le second livre de Ora-
tore, rapporte de lui qu'il avoit accoutumé de dire qu'il
ne vouloit point que ses vers fussent lûs ni par les
ignorans, parce qu'ils n'y entendroient rien, ni par de
fort habiles gens, parce qu'ils en savoient trop pour lui.
Je ne veux point, dit-il, de Persius pour lecteur de Le-
lius Decimus, j'en veux bien.

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Persium non curo legere, Lælium Decimum volo.
Cicéron ajoute, que Persius étoit un très-savant homme
et peut-être le plus savant de son temps: et qu'en compa-
raison Lelius Decimus n'étoit rien, quoiqu'il ne manquât
pas de savoir. Voyez les fragmens de Lucilius, recueillis
par François Douza, pag. 13.

9 Persius est celui dont nous venons de parler. Il se
nommoit Caius Persius. Voyez Cicéron de claris Orato-
ribus.

Le Scipion dont Cicéron parle en cet endroit, est le
second Africain, appellé aussi Emilien, parce qu'il étoit
fils de Paul Emile. Dans le livre de claris Oratoribus, il
marque que lui et Lelius étoient les deux hommes de leur
temps les plus éloquens et les plus savans.

Quant à Rutilius, Cicéron au même endroit, parle de
lui comme d'un très-homme de bien, et d'un habile Ju-
risconsulte, qui possedoit les lettres Grecques, et qui s'é-
toit adonné à la Philosophie des Stoïciens, dans laquelle
il avoit été instruit par Panétius. Ayant été exilé par Sylla
durant la guerre civile de lui et de Marius, il se retira
à Smyrne, où la plupart des villes d'Asie deputerent vers
lui; et dans la suite Sylla l'ayant rappellé, il répondit qu'il
aimoit mieux que sa patrie fut honteuse de son exil, que
ariste de son retour.

pour les Siciliens qu'il écrivoit. Il a dit cela fort plaisamment, comme quantité d'autres choses. Mais il n'y avoit pas alors beaucoup de savans personnages, de l'approbation desquels il dût se mettre fort en peine : et dans tout ce qu'il a écrit, il y a véritablement de la politesse et de l'agrément, mais peu de savoir. Pour moi, quel lecteur auroisje à redouter, puisque c'est à vous, qui ne le cédez pas aux Grecs mêmes, que j'adressemon Ouvrage, après y avoir été engagé par l'excellent livre que vous m'avez adressé de

la Vertu?

Au reste, ce qui fait que quelques gens ont si peu de goût pour tout ce qu'on traduit en Latin, c'est qu'apparemment ils sont tombés sur des ouvrages mal écrits en Grec, et rendus encore plus mal en Latin. Si cela est, je suis de leur avis, pourvu qu'ils sachent que les mêmes choses qu'ils trouvent si mauvaises en Latin, ne valent pas mieux en Grec. Quant à celles qui, étant excellentes en Grec, viendront à être traduites excellemment en Latin; qui pourra refuser de les lire, à moins de vouloir passer tout-àfait pour Grec, comme 10 Albutius, que

10 Cicéron, de claris Oratoribus, dit que Titus Albutius étoit si savant en Grec, qu'il passoit presque pour Grec; qu'il avoit été très-jeune à Athenes, et qu'il y étoit devenu Epicurien. Ce fut alors qu'étant allé voir Mucius Scévola, qui faisoit fonction de Préteur en Achaïe, Scévola le salua en Grec, ce que firent pareillement tous ceux A S

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